Education, soins, loisirs… autant d’objets de conflits qui éclaboussent les enfants et accaparent les tribunaux. Détenteurs d’un diplôme d’Etat, le seul en Europe, les médiateurs familiaux collaborent de plus en plus avec l’autorité judiciaire pour renouer le dialogue avec les familles et prévenir les risques. Jocelyne Dahan, médiatrice et formatrice, s’est penchée sur la problématique spécifique des conflits de loyauté. Son métier constituerait même l’une des solutions à opposer à cet écheveau de tensions. « Nous sommes formés à la psychologie de l’enfant, à sa construction identitaire et à la compréhension de ce qu’il vient représenter dans la séparation. C’est un enjeu fondamental. »
La participation des enfants en médiation a longtemps été l’objet d’un débat très dogmatique. Mais, depuis quelques années, celui-ci est beaucoup plus modéré. La médiation parents-adolescents devient même particulièrement reconnue. Et ce, alors que 43 % des mineurs n’auraient plus de relations avec l’un des parents – souvent les pères – dans les deux ans qui suivent la séparation, d’après le sociologue Gérard Neyrand. Un rejet qui prend parfois pour source ces questions de conflits de loyauté. Principal financier des médiateurs conventionnés, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) a ainsi fixé dans ses dernières orientations la nécessité pour les médiateurs familiaux de travailler sur ce type de rupture. « Depuis trois ans, nous formons à tour de bras les médiateurs à ce processus tout à fait particulier », raconte Jocelyne Dahan.
La preuve, une petite révolution s’opère dans le monde de la médiation, qui offre une nouvelle voie pour empêcher les enfants de se retrouver pris en étau dans les conflits parentaux. Depuis trois ans, 11 tribunaux de grande instance expérimentent la tentative de médiation familiale préalable obligatoire (TMFPO), dispositif qui impose une conciliation avant de déposer devant le juge une requête relative, par exemple, au lieu de résidence ou au droit de visite. La présidente de l’Association pour la médiation familiale (APMF), Audrey Ringot, espère que ce dispositif soit bientôt étendu à l’ensemble des tribunaux français. « La TMFPO a permis le développement de l’activité. Comme elle oblige les personnes à aller en médiation, on voit arriver de nouveaux publics, des personnes porteuses de handicap, accompagnées dans la protection de l’enfance ou éloignées des métropoles. C’est un constat évident. Elle a également permis de développer une reconnaissance mutuelle entre médiateurs et avocats. »
Quelques bémols demeurent. A commencer par le financement, encore faible, même s’il n’a cessé de progresser depuis le conventionnement de la profession. Le développement du métier passe en outre, selon le sociologue Fathi Ben Mrad, par davantage de collaboration avec les travailleurs sociaux afin de proposer des accompagnements complémentaires aux familles : « La médiation est un processus de communication librement consenti à travers lequel les médiés recherchent leurs propres solutions par l’entremise d’un tiers neutre, impartial et indépendant. Or le travailleur social est un tiers impliqué qui doit se positionner et évaluer la problématique parentale face à une autorité administrative ou judiciaire. Même s’il peut voir ses compétences renforcées dans le traitement des conflits, son positionnement ne lui permettra pas de remplir cette fonction. Il en va de même pour les psychologues, qui entendent conserver le monopole de l’expertise clinique. La situation peut être améliorée à la condition que chacun garde ses prérogatives et agisse en interdépendance. »
« Enjeu central des dispositifs de soutien à la parentalité », l’accueil en espaces de rencontre, qui peut faire suite à une décision judiciaire ou à une démarche volontaire, représente « un maillon essentiel à la prévention des ruptures familiales dans le respect de l’intérêt de l’enfant et de son droit fondamental de voir ses parents », d’après la circulaire de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) diffusée le 23 décembre dernier. Ce document apparaît comme une prise de conscience des besoins des professionnels. Ces derniers réclamaient de longue date de pouvoir s’appuyer plus facilement sur ce type de lieux neutres et encadrés, animés par des psychologues cliniciens, thérapeutes familiaux et travailleurs sociaux. Or ces espaces manquaient. Aujourd’hui, ils se développent progressivement : 214 espaces étaient financés par les CAF en 2019, contre 170 en 2015.