Recevoir la newsletter

« Via les certifications, on peut penser les métiers et l’organisation du travail »

Article réservé aux abonnés

Selon Mikaël Charbit, de France compétences, l’attractivité du secteur social et médico-social peut être renforcée par les certifications professionnelles. Mais reste à réaliser un lourd travail de mise en place de passerelles entre celles-ci ainsi que de lisibilité. Ce qui nécessite une prise de conscience collective des diverses branches du secteur.
Au vu du nombre de dossiers que vous recevez, et de leur qualité, le secteur social et médico-social vous semble-t-il s’être approprié la question des certifications professionnelles ?

Nous n’observons pas de gigantesque flux dans la sphère sanitaire, sociale et médico-sociale, même si nous pouvons noter une accélération en 2020. En 2019, le temps était davantage aux questionnements sur la réforme. Nous sommes désormais revenus à un nombre de dossiers classique, toutes certifications confondues. D’abord pour celles, très structurantes, relevant du périmètre des ministères, en particulier celui de la Santé. D’ici à 2024, celles-ci auront toutes été revisitées. Quant à l’offre privée, nous sommes amenés à nous prononcer sur des propositions de qualité inégale. Mais certaines sont pertinentes, comme celle de coordonnateur de parcours d’accompagnement et de soins, récemment soumise par la Croix-Rouge.

Pourquoi, selon vous, la qualité n’est-elle pas toujours au rendez-vous ?

Les acteurs doivent s’approprier les ambitions de la réforme. La première chose qu’ils sont amenés à nous présenter, c’est une démonstration de l’insertion professionnelle permise par la certification qu’ils nous soumettent. Ensuite, nous vérifions qu’elle préparera bien aux métiers visés. Enfin, nous scrutons la qualité des référentiels, celui des compétences nécessaires à l’exercice du métier et celui de l’évaluation du candidat qui passe la certification. Ce sont les prérequis de tout dossier. Avant que l’on s’intéresse à l’agencement des blocs de compétences ou à l’articulation possible, ou non, avec la validation des acquis de l’expérience.

Outre ces attentes générales, en existe-t-il de plus spécifiques dans le secteur ?

Oui, autour de la question des mobilités, horizontales et verticales, entre secteurs et hiérarchiques. Des parcours de certification doivent permettre aux compétences de stabiliser l’emploi. Une façon, par exemple, de réduire les temps partiels subis. La qualification doit aussi permettre d’exercer davantage de responsabilités. Enfin, dernier enjeu : celui des reconversions, dans un secteur où l’on peut observer, entre autres, des troubles musculo-squelettiques. Certes, la qualification n’a pas réponse à tout. Mais si l’acquisition et la reconnaissance de compétences sont bien organisées, elle peut résoudre une partie des problèmes d’attractivité.

Pourtant, certains redoutent que le découpage en blocs de compétences offre des formations au rabais, surtout destinées à répondre aux besoins des employeurs plus qu’à la progression professionnelle des travailleurs sociaux…

Il faut sortir de la dichotomie entre formation et validation des acquis de l’expérience. Chacune a sa légitimité et sa cohérence. Il faut des passerelles, des équivalences. Il faut modulariser les parcours. A la fois pour disposer d’assez de ressources et pour utiliser le peu de disponibilité des professionnels en activité. Nous devons inscrire les certifications et qualifications dans des logiques de parcours. D’où l’intérêt des blocs de compétences, sans lesquels les mobilités resteront théoriques.

Mais encore faudrait-il que l’offre de certifications soit lisible. Pensez-vous parvenir à clarifier les choses ?

Rien que sur le grand âge, il existe en effet 80 certifications publiques et privées, et tous les niveaux de qualification y sont représentés. Evidemment, il est complexe de penser des passerelles à une telle échelle. Cela fait des centaines d’équivalences. Parfois, la complexité est justifiée. Réaliser le « grand soir », le « grand ménage », ne fournit pas toujours la solution idéale. Cela risque d’appauvrir l’offre de formation. Et, au vu des besoins en compétences, ce serait problématique. Il convient de trouver un équilibre, de réduire le nombre de certifications sans exagération du processus. Ce n’est pas simple. Nous examinons ces questions dossier par dossier, à l’occasion de chaque renouvellement. Et nous veillons de plus en plus à ce que le certificateur ait bien établi les équivalences. Les certificateurs doivent prendre conscience qu’ils doivent travailler ensemble. Si c’est France compétences qui impose les équivalences, elles resteront théoriques.

Mais alors quel est votre rôle ?

Celui d’un régulateur. Ainsi passerons-nous d’ici à 2024 à la moulinette l’ensemble du RNCP, le répertoire national des certifications professionnelles, pour que celles-ci répondent aux nouvelles exigences de qualité. Et nous verrons à quel point la quantité de certifications s’en trouve réduite. Mais nous n’avons pas le droit de refuser d’en enregistrer une du fait de la préexistence d’une autre : cela romprait l’égalité et la concurrence. Au cours de nos deux premières années d’existence, le nombre a baissé de 10 %. Certaines n’ont pas été renouvelées, d’autres ont été créées, et de nouveaux acteurs apparaissent. Sciences Po Paris, par exemple. J’insiste : l’enjeu majeur n’est pas le nombre, mais la qualité des certifications. Et, par ailleurs, nous ne pouvons nous substituer aux acteurs. Parfois, une prise de conscience de la nécessité d’un travail en commun opère. Par exemple, un Edec [engagement de développement de l’emploi et des compétences] sur le grand âge et l’autonomie devrait être prochainement validé par les cinq branches principales du secteur. Il sera financé par le plan d’investissement dans les compétences (PIC). Parce que si, parfois, on se trouve confrontés à un trop-plein de certifications, certaines fonctions, en particulier de coordination, pâtissent au contraire d’un manque de moyens de reconnaître des compétences acquises. Aussi un Edec s’avère-t-il important pour transformer une ambition en réalité concrète et opérationnelle.

Le secteur social et médico-social est-il parti­culièrement victime de ce manque de lisibilité ?

Pas tellement plus que les autres. Et il a la culture de la compétence, même s’il ne l’appelle pas comme ça. Sans cesse, les travailleurs sociaux questionnent leurs pratiques professionnelles. Les demandes de certification que nous recevons pour ce secteur affichent même plutôt une meilleure qualité que la moyenne des dossiers déposés. Ce qui complique la donne, c’est que les branches peinent parfois à s’accorder sur des objectifs communs et à organiser des filières. L’Edec favorisera ce rapprochement. C’est d’autant plus important que via la question des certifications, on peut penser les métiers et l’organisation du travail. Les certifications ne suivent pas seulement l’évolution des métiers, elles peuvent la devancer et la favoriser.

France compétences en résumé

Créée par l’article 36 de la loi du 5 septembre 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel, France compétences est l’autorité nationale de financement et de régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Elle comprend diverses commissions, dont une relative aux certifications. L’Etat, les régions et les partenaires sociaux y sont représentés. Son rôle : vérifier que les demandes d’enregistrement aux répertoires nationaux répondent bien aux critères de qualité fixés, et garantir qu’elles sont pertinentes au regard des besoins du secteur d’activité auquel elles sont destinées. Pour en savoir plus, chercher une certification ou déposer une demande d’enregistrement : bit.ly/35sYHSK.

L’événement

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur