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Un dispositif qui ne fait pas l’unanimité

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Outil de développement de l’employabilité des salariés, instrument de réponse aux besoins des employeurs, les certifications professionnelles présentent des avantages pointés par les diverses parties prenantes. Mais d’aucuns se montrent méfiants, pointant un risque de marchandisation de la formation et d’arrivée de professionnels libéraux en plus grand nombre.

« La certification est un sujet très politique, compte tenu de son lien avec les enjeux de rémunération », dit un expert. « Et de la propension de certains ministères, de la Santé en particulier, à mettre des bâtons dans les roues aux certificateurs », ajoute un autre. Ce qu’un troisième complète en disant que plusieurs défendent un pré carré. D’assez nombreux responsables ont, pour leur part, préféré ne pas répondre à nos questions, les uns ne souhaitant pas intervenir dans ces enjeux politiques pour ne se mettre personne à dos, les autres soulignant qu’il était trop tôt pour qu’ils puissent prendre la parole sur le sujet.

Il est vrai que, dans le champ social et médico-social, les certifications de compétences occupent encore une toute petite place, loin derrière les diplômes d’Etat. Aussi bien dans les faits que, semble-t-il, dans le cœur de nombre de nos interlocuteurs. Certains se montrent donc très méfiants, quand d’autres y voient une façon d’attirer des professionnels dans un secteur tellement en panne d’attractivité.

« Le mot clé, maintenant, c’est la compétence. Et donc, derrière lui, les enjeux d’employabilité et d’emploi », note Maryse Bastin, secrétaire nationale de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). « On sent que ces certifications visent à répondre à des besoins émergents des employeurs, complète Chantal Mazaeff, directrice générale de l’Ecole supérieure de praxis sociale (ESPS) de Mulhouse (Haut-Rhin). On entre dans une logique de la fonction. Et, compte tenu de la complexité de l’action sociale, les employeurs ont des besoins plus ciblés que les formations généralistes que l’on dispense par ailleurs. » Directrice des ressources humaines d’APF France handicap, Nathalie Pinto confirme : « Ces certifications permettraient de répondre à de nouveaux métiers ou de récentes missions, qui ne nécessitent pas de disposer d’un diplôme complé­mentaire, mais uniquement d’une formation. » Et de citer la coordination de parcours, les référents sur le règlement général de la protection des données (RGPD ou encore leurs homologues en matière d’accès aux droits.

Un outil pour développer l’attractivité

Ce lien ténu entre certification professionnelle et besoins des employeurs conduit certains à redouter que ce nouveau mode de validation des acquis professionnels ne dévalorise les diplômes d’Etat. « Nous défendons les diplômes, qui offrent aussi un statut, une protection, plaide Julien Parent, formateur en travail social dans les Hauts-de-France et coprésident de l’interrégionale des formatrices et formateurs en travail social (IRE). Le risque nous paraît grand de saucissonner un diplôme en différents blocs de compétences, sans limite dans le temps. On retrouverait ainsi sur le terrain des gens qui, finalement, ne disposeraient jamais de la qualification requise. » « Les diplômes ne se sont pas créés en lien avec la question de l’employabilité, appuie Maryse Bastin. Mais sur une mission de service public. » Et de souligner que les certifications risquent d’apprendre aux travailleurs sociaux des choses qu’ils savent déjà faire et des savoir-être qu’ils détiennent.

« Il ne faut surtout pas opposer diplômes et certifications, supplie Marie-Luce Rouxel, directrice déléguée à la formation à la Croix-Rouge. Les certifications interviennent à côté, ou en amont, pour sécuriser les parcours des personnes et acquérir des compétences complémentaires. » Chargée de mission certifications à l’Unaforis (Union nationale des acteurs de la formation et de la recherche en intervention sociale), Nicole Rolland ajoute : « Les certifications ne forment pas à un métier. Elles valident des compétences qui sont souvent déjà existantes dans le métier sans être présentes dans les référentiels des titres professionnels et des diplômes. » Adjointe à la déléguée générale, sa collègue Chloé Altwegg-Boussac ajoute que ces certifications pourraient également attirer de nouveaux profils vers les formations en travail social.

Et donc apporter une réponse aux questions d’attractivité des métiers. Pour Nathalie Pinto, cela pourrait être un outil de fidélisation des salariés et de développement de la marque employeur. Ce que ne désapprouve pas Michèle Perrin, secrétaire confédérale CFDT au service « emploi et sécurisation des parcours professionnels » et membre de la commission « certifications » de France compétences : « Oui, il faut du monde rapidement, mais la certification peut représenter un moyen d’action syndicale pour demander que les personnes soient formées et suivies. »

Vers une marchandisation de la formation ?

En somme, l’individualisation des parcours promue par la loi de septembre 2018, et en particulier son volet « certifications », semble saluée par une majorité d’intervenants. Elle répondrait aux besoins des entreprises en même temps qu’elle favoriserait l’employabilité et la mobilité des personnes. Charlotte Ballero, directrice des ressources humaines de la Croix-Rouge, évoque un changement de paradigme, une formation professionnelle qui évolue vers une coconstruction et un cofinancement des parcours. De son côté, Nathalie Pinto souligne que ces certifications peuvent aider les reconversions professionnelles ou le maintien en emploi, en réorientant par exemple une carrière vers un métier moins physique en cas d’inaptitude. Mais, aux yeux de Michèle Perrin, ces certifications ne sont pas encore « assez proches de l’évolution des métiers » et, pire, tout l’écosystème ne reconnaît pas encore à sa juste valeur les compétences qu’elles valident. Autrement dit, les conventions collectives ne valorisent pas les acquis par des augmentations salariales. Un phénomène d’autant plus regrettable que cette réforme conduit le salarié à financer une partie de sa formation au moyen de son compte personnel de formation (voir encadré).

Au-delà, les enjeux financiers portés par les questions de certification sont loin d’être négligeables. Les organismes de formation sont soumis à une rude concurrence, aggravée par la crise sanitaire. Selon Michèle Perrin, nombre de dossiers soumis au répertoire spécifique le sont d’ailleurs avec l’arrière-pensée de pouvoir accéder aux financements du CPF. Pour autant, Chantal Mazaeff ne s’attend pas à une « manne financière » : « Notre enjeu est davantage stratégique et consiste à montrer que l’on est en capacité de s’adapter. Pour le reste, on fera le bilan dans un ou deux ans… » Pas de quoi convaincre Gabrielle Garrigue, formatrice et membre du collectif Avenir éducs : « On voit bien que le découpage en blocs de compétences et que le mélange entre formations initiale et continue sont porteurs d’une logique de marchandisation de la formation, en ce qu’ils répondent avant tout aux besoins directs des employeurs. »

Pour porter réellement leurs fruits, les certifications, tout individuelles qu’elles soient, devront s’inscrire dans une dimension collective de valorisation des compétences. Par leur traduction dans les grilles salariales des conventions collectives, d’abord. Mais aussi, espère Nathalie Pinto, en ce que, financées de façon personnalisée via le CPF, elles laisseront par ailleurs la possibilité, notamment aux petits établissements qui ont peu de moyens, de financer des formations internes, par exemple sur la qualité ou la bientraitance. Des objectifs inscrits dans le long terme.

Des formations à l’initiative du salarié

Chaque actif, de 16 ans à sa retraite, dispose d’un compte personnel de formation (CPF), qu’il travaille dans le secteur privé ou public. Au cours du premier trimestre de chaque année, le CPF est crédité en euros des droits acquis au cours de l’année précédente : 500 € pour un temps plein ou partiel compris entre 50 % et 100 %, au prorata pour les autres temps partiels. Le plafond est fixé à 5 000 €. Dans certains cas (niveau de qualification, situation de handicap…), les versements annuels s’élèvent à 800 €, plafonnés à 8 000 €.

Les formations qu’il finance doivent être choisies par le salarié, éventuellement en accord avec son employeur, l’idée étant de favoriser une coconstruction des parcours. L’employeur peut d’ailleurs abonder le CPF d’un salarié si la somme présente sur le compte est insuffisante au financement de la formation choisie d’un commun accord. Pour autant, le refus d’employer son CPF ne constitue pas une faute professionnelle.

Désormais, toutes les certifications inscrites aux répertoires nationaux sont éligibles.

Pour connaître vos droits acquis, dans le secteur public : bit.ly/2XsaY5y ; et dans le secteur privé : bit.ly/3q7kHdS.

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