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Dans la famille Inceste, je voudrais…

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Le grand-père. Homme respectable et voisin serviable. Insoupçonnable. Mais aussi prédateur et coupable, qui entre sur la pointe des pieds dans la chambre des enfants, un doigt sur la bouche et un autre sur la braguette, qui intime de se taire, il ne faut rien dire, si tu parles ta maman sera malheureuse, tu ne veux quand même pas lui faire de la peine !

Dans la famille Inceste, je voudrais…

La grand-mère. Elle n’a rien vu, rien entendu. Elle dormait. Alcool et somnifères, chaque soir le même cocktail, le comprimé du sommeil avalé avec la gorgée de l’oubli, et chaque matin le brouillard, la journée qui s’étire à l’infini dans l’ennui, l’ennui avant la nuit. L’homme qu’elle a épousé a tellement changé. Ils se sont follement aimés, et puis elle est devenue mère, il est devenu père, et tout a disparu. Elle n’est plus rien depuis longtemps, juste une présence un peu absente. Elle ne voit plus que sa vie rêvée ratée, son amour oublié dans la maternité et ses espoirs perdus, disparus. Et quand ça éclate elle n’y croit pas, c’est impossible, elles mentent, la fille et sa fille ; d’ailleurs est-on bien sûr de ce que raconte la petite ? Elle a forcément inventé, imaginé, voire fantasmé, pourquoi pas ? Certaines petites filles sont perverses vous savez, la séduction, l’œdipe, la jalousie qui sait ?

Dans la famille Inceste, je voudrais…

La mère. La mère, première victime, il y a longtemps, si longtemps. La mère, quand elle était enfant, dans sa petite chemise de nuit, chemise retroussée, culotte sur les chevilles, tais-toi, il ne faut pas réveiller maman, tais-toi, tous les papas font ça, tais-toi, mais tais-toi donc ! Alors elle se tait, la petite, elle se tait et elle subit, elle grandit et elle oublie. Parce que ce souvenir-là, cette chose qu’il lui a faite, c’est trop douloureux, trop ignoble. Amnésie traumatique. Les années ont passé, une vie presque normale, mais il y a quelque chose, un je-ne-sais-quoi d’enfoui, de tapi, qui ne demande qu’à surgir. C’est comme de la boue qui salit tout, et quand ça jaillit, c’est un torrent qui emporte tout. Alors les mots de sa fille, elle y croit, elle le sait, parce que c’est vrai, parce que ça a déjà existé, parce qu’elle aussi il l’a violée.

Dans la famille Inceste, je voudrais…

Le père. Dévasté, sidéré. Comment croire que le beau-père, le père, le grand-père ? Comment imaginer ? Comment a-t-il osé ? Comment a-t-il pu les toucher ? Il voudrait tout effacer, tout oublier. Mais avant, il voudrait le tuer.

Dans la famille Inceste, je voudrais…

La fille. La petite, si charmante, si confiante, qui aime tellement son papi. Et pourtant. Sa grande main sur sa petite bouche, son murmure menaçant cajolant. Tais-toi, il ne faut pas réveiller mamie. Tais-toi, tous les papis font ça. Tais-toi, mais tais-toi donc !

Dans la famille Inceste, je voudrais…

Le fils. Tapi au fond de son lit, surtout ne pas faire de bruit. Le fils qui voit, qui entend, qui comprend, et qui tait ce que fait son papi, la nuit, parce qu’il a trop peur de lui.

Dans la famille Inceste, je voudrais…

Tous les autres. Les présents, les absents et les indifférents, qui savaient, ou s’en doutaient, ou se taisaient. Je les voudrais tous au procès. Pour la mère, pour la fille, et pour les autres, qui sait ?

La minute de Flo

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