Voix nouvelle dans le paysage radiophonique clermontois, Le Chantier inaugure aussi une nouvelle voie pour l’insertion par l’activité économique (IAE). Alors que le secteur regorge d’initiatives manuelles pour favoriser le retour à l’emploi, deux journalistes, Benoît Bouscarel et Charlotte Waelti, ont fait le pari de la radio comme outil d’insertion. Portée par l’organisme de formation et d’éducation aux médias L’Onde porteuse, qu’ils ont créé en 2015, Le Chantier a d’abord été, en 2017, une radio en ligne. Depuis le 8 janvier, elle diffuse ses programmes sur le 98 FM à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Une première pour une radio qui a la particularité d’être un atelier et chantier d’insertion (ACI). Outre une poignée d’encadrants – journalistes et technicien –, ses salariés (6,84 ETP) sont tous éloignés de l’emploi. Ils travaillent 26 heures par semaine, avec des contrats à durée déterminée d’insertion de six mois à deux ans. Sur le papier, une drôle d’idée. Dans les faits, une réussite.
En deux ans, depuis le lancement de la radio en ligne, la structure a accueilli une cinquantaine de salariés. Des profils divers, de tous âges, avec des périodes de chômage plus ou moins longues, d’incarcération parfois. Selon la radio, en 2019, 30 % des salariés avaient retrouvé un emploi à l’issue de leur passage au Chantier. « Quand on intègre le chantier d’insertion, ce n’est pas pour devenir journaliste, animateur ou technicien radio. L’idée, c’est d’utiliser le temps du contrat comme un sas, pour reprendre pied, se poser et réfléchir à son projet professionnel, trouver des financements pour passer son permis ou faire une formation », explique le rédacteur en chef Benoît Bouscarel, en congé de France Culture. La radio, pour les deux fondateurs du Chantier, est un vecteur d’apprentissage de savoir-faire, transférables à d’autres métiers. « Le support favorise la prise de parole, l’ouverture à l’autre. Il permet d’acquérir une meilleure expression, notamment face à un futur employeur », complète Charlotte Waelti.
Les salariés en insertion confirment. En contrat depuis juillet 2020, Darcia voit le média comme une opportunité de dépasser sa timidité. « Je commence à faire des interviews, à rencontrer des gens. La radio m’aide à m’ouvrir, à parler, à aller de l’avant pour la recherche de boulots. J’ai toujours fait de la restauration et j’espère que ça va me permettre d’aller davantage vers les clients. » Dans le studio de L’Onde porteuse, chaque matinée commence avec une conférence de rédaction à 8 h 45. Ensemble, les salariés balaient les sujets qui font l’ADN de la radio : un triptyque composé de thématiques sociales, culturelles et environnementales. Sur le front social, ils sont accompagnés tous les lundis, sur le temps de travail, par un conseiller en insertion professionnelle de l’association Inserfac. Des conseils qui ont porté leurs fruits pour Talaat, d’origine syrienne. « J’ai obtenu un diplôme d’expert-comptable en Syrie. Il est reconnu en France mais l’exercice du métier est très différent ici. J’ai eu du mal à identifier mon projet. J’ai réfléchi à devenir électricien ou chauffagiste. Le Chantier m’a permis de bien y réfléchir et de trouver un centre de formation pour poursuivre dans le domaine de la comptabilité », explique-t-il.
Signe de l’intérêt pour la radio en tant qu’outil d’insertion, Le Chantier, cofinancée par l’Etat, le département et la fondation Caritas, accompagne actuellement deux projets identiques en Seine-Saint-Denis et à Mayotte.