Populaire et précaire

Si Francis Lebon, professeur en sciences de l’éducation et spécialiste des professionnels de l’animation, s’intéresse à l’éducation populaire, c’est que le sociologue Pierre Bourdieu et ses travaux sur les « petits métiers » ont été une source d’inspiration pour lui. C’est aussi qu’il vient d’une famille ouvrière ayant confiance dans les institutions et, particulièrement, l’école. Son livre revient sur la genèse de l’éducation populaire qui, jusqu’à la fin du XIXe siècle, est l’œuvre de militants laïques et religieux pour se professionnaliser à partir des années 1970. Il existe actuellement en France 630 000 associations d’éducation populaire, composées soit de bénévoles militants soit d’au moins un salarié. Loin d’être au centre des politiques sociales, ce secteur est néanmoins au premier rang dans le cadre du service civique, par exemple. Ce qui n’est pas sans poser de questions. « En tant que forme de travail institué, “l’engagement” ne correspond-il pas à du travail gratuit et à la “face civique du néolibéralisme” ? », interroge l’auteur. De même, l’éducation populaire touche aujourd’hui une large palette d’activités, allant de l’action culturelle ou sportive à l’insertion sociale et professionnelle en passant par la médiation. Pour Francis Lebon, les animateurs ont, dans la mesure où ils interviennent sur l’humain, des caractéristiques communes avec les travailleurs sociaux, principalement les éducateurs spécialisés et les assistants sociaux. Des passerelles existent d’ailleurs avec des structures médico-sociales dans le domaine de la protection de l’enfance, du handicap et de l’aide. Mais à la différence des professionnels du travail social, plutôt issus des classes moyennes, les animateurs relèvent davantage des classes populaires et d’emplois précaires. A temps partiel ou à contrat identiques, la moitié d’entre eux gagnent moins de 1 100 € par mois et travaillent en moyenne dans trois établissements par an. Les trois quarts de ces nouveaux « prolétaires » à mi-chemin entre le bénévolat et le salariat sont des femmes.