« J’ai toujours fait du social, même de façon indirecte, quand je travaillais avec ma mère dans son café-tabac rural. Dans un tel lieu, on est sensibilisé à la misère, on voit les addictions aux jeux, à l’alcool, au tabac. Déjà, j’aidais les clients dans des tâches administratives. Les bistrots ruraux font du lien social. J’ai ensuite travaillé dans une boulangerie et vu combien certaines personnes étaient isolées : je leur livrais du pain, j’étais souvent leur seule visite. Une fois ma fille élevée, à 37 ans, j’ai entrepris de me reconvertir en suivant une formation d’aide médico-psychologique, puis en faisant reconnaître mes compétences de monitrice-éducatrice grâce à la validation des acquis de l’expérience.
Au fond, j’ai toujours voulu être travailleuse sociale, mais ma mère s’y est opposée. Depuis le début, j’œuvre dans le champ du handicap, d’abord à domicile auprès d’une personne atteinte de myopathie, puis dans un foyer de vie et, depuis 2010, dans le foyer d’hébergement de l’association HandiAide. J’y accompagne des résidents qui travaillent dans un Esat [établissement et service d’aide par le travail]. Je les aide à se préparer à partir au travail le matin, à organiser des loisirs, à assumer les tâches du quotidien. Ce qui me plaît, c’est ce qu’on apporte aux gens, qui n’imaginent même pas ce qu’ils pourraient demander. C’est beau ! Et ces personnes nous font une telle confiance ! Ce que j’aime dans mon métier, c’est notre capacité de proposition et les valeurs humaines qu’il porte. S’asseoir cinq minutes avec une personne en souffrance, l’écouter, offrir un accompagnement empathique, c’est essentiel. On défend les intérêts de la personne et on en est fier.
A un jeune qui voudrait se lancer, je suggérerais de s’interroger sur ce qu’il attend de ce métier et sur les représentations qu’il en a. En formation, je disais ne pas vouloir travailler avec les personnes âgées. Un stage m’a permis de comprendre que ce qui me gênait, c’était de côtoyer la mort. Pour devenir travailleur social, il ne faut pas se mettre de barrières, mais ça ne peut être un métier pansement, même si on ne le pratique pas par hasard. Certaines choses peuvent nous choquer, mais nous devons être dans le non-jugement. Pour y parvenir, il faut déconstruire ses préjugés, faire abstraction de ce que l’on est. Même si on a la fibre, des formations adaptées sont nécessaires.
Il n’y a pas de profil type pour devenir travailleur social, tout peut s’apprendre, et la richesse des équipes naît de la diversité des personnalités qui les composent. »