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« L’humanité est la même partout »

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« J’ai été visiteuse de prison pendant dix ans et, un jour, j’ai eu un déclic grâce à un homme qui avait été incarcéré trois mois durant lesquels il n’avait pas vu son fils. A sa libération, il l’a cherché, a harcelé la mère de l’enfant et s’est retrouvé à nouveau emprisonné pour un mois. Cet événement m’a interpellée sur la façon de maintenir les liens familiaux en détention. Je me suis formée à la médiation familiale et, parallèlement, j’ai mené une expérimentation à la maison d’arrêt d’Amiens (Somme). Diplômée d’Etat, j’exerce depuis 2011 à la fois en milieux libre et fermé.

Cela me réjouit de voir que la personne détenue est capable de reprendre son autonomie et de tenir ses engagements. Au départ, elle est définie par son acte. Mon but est de la séparer de celui-ci. Chaque établissement a ses règles mais, quand j’arrive, je ne veux pas savoir le numéro d’écrou de mon interlocuteur. En face de moi, j’ai un père, un petit-fils, un grand-père… Le dossier pénal ne me regarde pas.

Comme en milieu libre, il y a des divorces en prison. Sauf que le détenu n’a aucune prise directe dessus. Le plus souvent, il reçoit une lettre de sa femme, c’est tout. Une directrice de l’administration pénitentiaire m’a confié un jour qu’il y aurait moins de suicides en prison si les détenus pouvaient parler de leur séparation. Ils ont besoin d’explications. A défaut, à leur sortie, cela peut dégénérer. J’organise une médiation-navette, des allers et retours entre le détenu et le membre de la famille à l’extérieur. Je reçois le détenu en entretien individuel en avertissant sa conseillère d’insertion et de probation. Cela permet de rendre visible mon action, de la crédibiliser et de clarifier les frontières réciproques. Je note ce que le détenu veut faire parvenir à son proche, et inversement, et je leur fais relire. J’utilise leurs mots à eux. Après, je m’arrange pour qu’ils puissent se rencontrer en parloir tous les deux avec moi, et je commence les entretiens communs.

Les demandes les plus fréquentes concernent les enfants, que la mère puisse les amener ou les faire amener. Le détenu qui est père n’est pas déchu de ses droits parentaux. Il faut pouvoir accepter les contraintes de l’institution, où, par nature, la méfiance est de mise. Mais une fois que la confiance est établie, c’est définitif. Il faut avoir beaucoup de patience, accepter les longs délais, motiver toutes les demandes de rendez-vous… Parfois, l’exiguïté des lieux et les temps limités rendent les choses plus compliquées. Mais les détenus peuvent me parler librement en toute sécurité et je suis impressionnée de voir à quel point ils s’approprient cette opportunité. Pour motiver des jeunes à exercer ce métier, je leur dirais que l’humanité est la même partout. Je leur demanderais aussi : “Qu’auriez-vous fait à leur place ?” »

Notes

(1) Auteure de Au cœur de la prison, la médiation familiale (éd. Chronique sociale, 2020).

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