« Cela fait cinq ans que j’exerce ce métier. C’est un secteur dans lequel il y a beaucoup d’innovations et une variété de tâches très différentes. Entre maraudes, accompagnement individuel et ateliers collectifs, les journées de travail au Caarud [centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues] ne se ressemblent pas.
Par-dessus tout, ce qui me paraît extrêmement intéressant, ce sont les échanges avec le public, la rencontre avec les personnes, leur histoire… A Paris, beaucoup d’usagers sont des migrants arrivés il y a plus ou moins longtemps. Travailler avec eux nous apporte une grande richesse culturelle. Je vois aussi comme une chance le fait de faire partie d’une équipe pluridisciplinaire qui regroupe des infirmières, des médiateurs, des médecins, des psychiatres, des addictologues et des psychologues. Pouvoir échanger avec ces personnes d’horizons très divers est vraiment enrichissant et permet de meilleures prises en charge. Notre travail comprend par ailleurs un large volet dédié à la médiation avec les riverains du quartier. J’aime pouvoir constater les effets de notre action à ce niveau-là. Il y a deux ans, nous avons réussi à organiser un repas dans un squat situé porte de la Chapelle, pour rendre hommage à des personnes décédées. Cette action a permis de donner aux habitants une autre image de ce type d’endroit.
Je compare parfois mon secteur à la prévention spécialisée, car ce que nous faisons est très politique. Nous travaillons avec la marginalité, mais au-delà de l’usager que nous accompagnons tous les jours, il y a tout le contexte de l’usage global de la drogue, la médiation, les politiques publiques… Nous sommes sans cesse en train de jouer sur plusieurs tableaux en même temps. Pour faire ce métier, la question de l’accueil inconditionnel est très importante. La patience est également une qualité indispensable. Cela peut demander du temps pour réussir à changer la situation d’un usager, et il y a parfois des retours en arrière. Même avec beaucoup de moyens mis en place, il faudra à certains des années pour sortir de leur dépendance aux drogues… Ce sont des accompagnements au long cours. »