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« Ce jour-là, j’ai accouché d’un métier »

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« Si on m’avait dit, à 20 ans, que j’allais travailler toute ma vie auprès des personnes âgées, je n’y aurais pas cru. Ça m’aurait même fichu la trouille car, pour moi, une personne âgée faisait peur et sentait mauvais. Mais il y a un peu plus de vingt ans, il a fallu que je trouve un travail pour nourrir mes trois enfants. A cette époque-là, le simple fait d’avoir des enfants ouvrait quelques portes. En gros, si je savais m’occuper et laver des enfants, j’étais capable d’en faire autant avec les personnes âgées. Je me suis donc tournée vers le CCAS [centre communal d’action sociale] de ma commune, qui m’a intégrée au pôle d’aide à la personne.

Un samedi matin, je suis arrivée à 8 heures devant une demeure bourgeoise. J’étais missionnée pour faire la toilette complète d’un monsieur en phase terminale de cancer, sans aucune formation ni préparation. Il a fallu que je fasse comme si j’avais fait ça toute ma vie. Ce fut très violent. Mais ce fut aussi le début de la plus grande aventure qu’il m’ait été donné de vivre. Ce jour-là, j’ai accouché d’un métier. J’ai compris que la simple envie ne suffisait pas. Pour bien faire les choses, il fallait que je me forme.

J’ai obtenu le diplôme d’AVS [auxiliaire de vie sociale] en 2002 tout en acceptant d’être formatrice pour l’institut du développement social de ma commune. J’ai ensuite commencé à m’occuper de personnes qui avaient des troubles cognitifs et des maladies neurodégénératives. En 2008, je suis devenue AMP [aide médico-psychologique] et, en 2010, assistante de soins en gérontologie. Mais avec le temps, j’ai eu de plus en plus de mal à supporter de laisser les personnes accompagnées “enfermées” chez elles après mon départ. J’ai donc décidé d’aller travailler en établissement. En 2012, j’ai été AMP de nuit dans un Ehpad [établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] Korian. Malgré quelques réticences, notamment sur l’image de Korian et du privé lucratif, j’ai accepté car j’avais carte blanche pour faire ce que je voulais.

Cependant, il y a un an, j’ai pris conscience que l’on avait fait une grosse erreur en enfermant les populations atteintes de troubles cognitifs. Et le confinement n’a rien arrangé. Si je ne peux pas prendre une personne dans mes bras, la toucher, l’embrasser, si je suis obligée de mettre une tenue sanitaire avec charlotte, blouse et masque, cela ne me convient pas. Ce n’est pas ainsi que je conçois mon métier. C’est pour cela que j’ai démissionné en novembre. Je viens du social, pas du sanitaire. Je me suis battue pour que les Ehpad soient des lieux de vie et non de soins. Je ne sais pas faire le métier tel qu’il est pratiqué en ce moment. Mais je compte bien revenir dans le secteur après tout ça. Il faudra des personnes qui ont pris du recul sur cette crise et qui ne sont pas traumatisées, ce qui est le cas de bon nombre de collègues. J’en connais beaucoup qui ne veulent plus mettre un pied en Ehpad. Moi, j’ai vraiment envie d’y retourner. Si je pouvais participer à la reconstruction, je le ferais volontiers. »

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