La règle en art-thérapie ? Toujours se situer dans un cadre thérapeutique. Un lieu dédié, une salle aménagée ou que l’on installe avec son matériel pour y tenir une séance, comme chez un thérapeute. « Le métier consiste à concevoir et à adapter l’activité artistique pour accompagner des personnes pénalisées dans leur intégrité physique, psychique, sociale. Il y a un protocole et une évaluation qui encadrent ces pratiques avec l’équipe paramédicale », rappelle Agnès Forestier, attachée de direction de l’Ecole de Tours (Afratapem) et chargée de l’information. Quelle que soit la formation suivie (voir encadré), il y a une stratégie thérapeutique et des objectifs. Puis une évaluation.
Art-thérapeute à l’institut d’éducation motrice (IEM) Charlemagne, à Ballan-Miré (Indre-et-Loire), Audroney Lopez travaille dans un cadre pluridisciplinaire avec les équipes paramédicales, qui regroupent les kinésithérapeutes, les ergothérapeutes, l’ensemble des éducateurs et le médecin référent. Elle souligne : « L’accompagnement est ciblé sur les capacités et les potentialités de chaque jeune, en lien avec sa pathologie. De nombreuses actions de soins découlent du projet personnalisé. Les séances d’art-thérapie, fixes et régulières, se pratiquent très souvent de façon individuelle ou en petits groupes (quatre personnes au maximum), au rythme d’une fois par semaine au moins », souligne-t-elle.
C’est pourquoi une collaboration est toujours privilégiée avec le psychologue de l’établissement. « Nous échangeons sur les états psychiques ou les comportements de ces jeunes, nous intervenons aussi pour les aider à soulager l’inconfort ou la douleur, précise Audroney Lopez. D’où l’importance aussi, dans le cas de l’IEM, d’une coopération avec les ergothérapeutes pour permettre l’adaptation du matériel artistique ou l’exploitation des aides techniques. Les séances peuvent être suggérées par l’équipe pluridisciplinaire, mais l’indication médicale et la validation des objectifs thérapeutiques se font par le médecin de l’établissement. » Avant d’être embauchée en tant qu’art-thérapeute au sein de cette structure, Audroney Lopez y travaillait déjà comme éducatrice mais n’avait pas les outils, note-t-elle, pour « passer de l’observation que je pouvais faire, liée aux bienfaits de la pratique des arts, à une évaluation plus objective et validée avec un protocole ». Ce que la formation qu’elle a suivie lui permet aujourd’hui de présenter aux équipes de l’IEM.
Ce métier encore très jeune – un demi-siècle à peine – et émergent commence à être reconnu. « L’art-thérapie est une approche non médicamenteuse intéressante, constate Emmanuelle Renson, directrice de l’Ehpad Gaston-Chargé, à Abilly (Indre-et-Loire), dans le sens où il permet à des personnes ayant perdu la faculté de s’exprimer de retrouver un vecteur de communication. C’est aussi un moyen de redynamiser et de valoriser leurs capacités restantes, parfois redécouvertes ou même découvertes. Cette discipline devrait être imposée en ce qu’elle aide les résidents à remobiliser leurs sensibilités parfois délaissées ou relayées au second plan, car elle peut beaucoup apporter en termes de bien-être et de dignité pour nos aînés. »
La plupart des formations, qu’elles soient publiques (diplômes universitaires, ou DU) ou privées, incluent un enseignement en psychologie, une formation visant à concevoir et accompagner un atelier de médiation artistique et, bien entendu, des stages pratiques afin de valider les éléments acquis, mais aussi de se positionner dans un type d’institutions : milieu d’enfants ou de personnes âgées, autisme, soins palliatifs… Une formation d’art-thérapeute se déroule en principe sur deux ou trois années. Chacun peut s’assurer de la reconnaissance de son niveau, sanctionné par une certification reconnue par l’Etat, et connaître aussi les éventuelles possibilités de financement sur le site France compétences (www.francecompetences.fr), l’autorité nationale de financement et de régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage. L’Onisep peut également fournir quelques informations, notamment sur les DU, qui sont propres à chaque université. Des diplômes qui viennent sanctionner des études diversifiées, dont celles consacrées à l’art-thérapie.
Reste que les formations solides sont vite repérées par les professionnels du secteur médico-social. Leur prérequis, particulièrement dans les écoles privées, est toujours de disposer de compétences artistiques : il faut en effet être capable de résoudre les questions posées par les personnes accompagnées… Bien souvent, un passé d’éducateur ou une sensibilité analogue, même sans constituer un préalable, sont très souvent observés parmi les art-thérapeutes. Adeline Fusillier, art-thérapeute indépendante avait déjà travaillé, au cours de son adolescence, au sein de structures sociales et éprouvé le besoin de poursuivre dans cette orientation. L’art-thérapie s’est imposée spontanément dès qu’elle en a eu connaissance. Voit-elle des freins à l’inclusion de cette toute jeune profession dans les équipes de soins ? « Il peut parfois y avoir une sous-estimation de notre potentiel de connaissances et de savoir-faire. Alors il faut s’affirmer lors des réunions d’équipes pluridisciplinaires », précise la professionnelle.
« En art-thérapie, il y a indéniablement un savoir acquis nécessaire, car l’art possède une charge très importante, il est intensément émotionnel, souligne Agnès Forestier, de l’Afratapem. Et on ne peut se permettre de mal travailler avec un tel outil, pour lequel les connaissances psychologiques et les ressorts mis en œuvre doivent être maîtrisés » Mais, pour l’heure, il n’existe pas encore de diplôme d’Etat à proprement parler : les séances ne sont donc pas remboursées par la sécurité sociale, quand bien même certaines mutuelles commencent à les prendre en charge.
Les formations sont nombreuses à promettre des certifications en un mois, voire moins, via Internet. Cependant, pour s’assurer de la pertinence de la formation acquise, il existe un répertoire administré par l’Etat : le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) des art-thérapeutes, dont l’arrêté avait été publié au Journal officiel du 21 février 2017. Certaines écoles privées mettent à la disposition de potentielles institutions ou employeurs un annuaire d’art-thérapeutes respectant les qualifications ainsi que la convention collective et le code de déontologie existant. Par ailleurs, les diplômes universitaires offrent aussi une formation en deux ou trois années, selon les facultés de médecine. Par exemple, la Guilde des art-thérapeutes présente des professionnels diplômés des facultés de médecine de Tours, de Grenoble, de Lille et du titre d’art-thérapeute de l’Afratapem (sur http://art-therapie-tours.net/guilde-des-art-therapeutes).