Recevoir la newsletter

« Le sujet sait qu’il entreprend une démarche thérapeutique »

Article réservé aux abonnés

Pour être efficace, le dispositif d’art-thérapie doit s’adresser à des sujets stabilisés, conscients que les bénéfices de cette démarche volontaire leur demandera du temps et de l’investissement. Pour l’art-thérapeute Martine Colignon, la compréhension mutuelle entre art-thérapeute et patient constitue la clé de voûte d’une bonne prise en charge.
Vous défendez la pratique de l’art-thérapie avant tout dans le cadre psychiatrique. Pouvez-vous expliquer pourquoi ?

Il règne une grande confusion actuellement autour de l’art-thérapie. Je me réclame clairement de la thérapie par l’art, qui plonge ses racines dans les recherches menées au sein de l’hôpital psychiatrique de Saint-Anne, à Paris, dans les années 1960. Les patients que je reçois aujourd’hui sont en ambulatoire ou hospitalisés, mais, à la différence de nombreuses initiatives, ils relèvent d’une indication médicale donnée par un psy­chiatre ou un psychologue. Il y a des conditions, bien sûr : ces patients doivent être stabilisés, ne pas craindre le groupe et éprouver une certaine appétence pour l’art. L’art-thérapie est une démarche volontaire et demande d’être engagée dans un processus de création forcément long, entre trois et cinq ans, où le plaisir est important. Mais l’élément essentiel qui distingue l’art-thérapie d’autres pratiques comme les médiations culturelles ou artistiques, c’est que le sujet sait qu’il entreprend une démarche thérapeutique.

En quoi consiste-t-elle concrètement ?

Toute la complexité de l’accompagnement par l’art-thérapie tient à la temporalité de la création. Il y a un temps d’apprivoisement et de compréhension mutuelle, qui passe notamment par le choix du médium qui sera utilisé. Qu’il s’agisse de la peinture, de la terre, du mouvement, de la voix, etc., chacun a une spécificité. Nous aidons le patient à trouver celui qui lui convient le mieux. Le thérapeute est là pour soutenir ce processus d’exploration. La terre, par exemple, est une matière froide et humide, qui renvoie à des éléments assez archaïques. Des patients ne peuvent parfois pas la toucher, éprouvent une véritable répulsion pour ce contact qui va les renvoyer à quelque chose qu’ils ne supportent pas. Tandis que le dessin, le trait ou la peinture vont induire une approche différente. Il ne s’agit donc pas d’un atelier – qui, par ailleurs, peut avoir d’autres qualités –, mais d’un soin qui s’adresse à des personnes en souffrance psychique.

Comment se réalise le processus thérapeutique ?

Ces rencontres mettent en œuvre des mécanismes de transformation du sujet, qui adviennent quand se croisent les processus créatifs et ceux psychiques. Dans ce travail, le silence est fondamental, c’est un espace intime qui ne concerne pas le rapport avec les autres personnes éventuellement présentes dans la pièce. C’est la différence avec les autres pratiques qui peuvent être nommées « art-thérapie » où la médiation sert à favoriser, par exemple, les rapports avec les autres ou les interactions. Dans l’art-thérapie telle que je l’entends, le patient est face à lui-même dans son processus de création et nous sommes là en cas de besoin, dans une confidentialité des productions qui ne sont pas exposées. On ne travaille pas sur la dynamique de groupe. Cette thérapie par la recherche d’une solution plastique peut faire écho à la plasticité de la vie, aux possibilités de la personne.

Pouvez-vous illustrer ce que vous évoquez comme plasticité ?

Si un patient réalise un portrait et que l’on sent une montée d’angoisse chez lui, on peut intervenir et exercer pleinement notre rôle de thérapeute en lui disant, par exemple que ce qui est bien en art plastique, c’est que l’on peut transformer les choses, en lui indiquant que l’on peut rajouter une couleur ici ou là pour transformer la figure ou un trait pour modifier le visage. Le détour par la technique picturale permet la transformation de la production. Par ailleurs, la symbolisation est un outil au cœur de la création. Elle permet des changements positifs, comme de se détourner de ses angoisses, voire, dans certains cas, de processus mortifères. Une patiente voulait littéralement « écrabouiller sa sœur aînée » et l’exprimait ainsi. Elle a pu l’exprimer en peinture et se libérer.

L’événement

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur