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Le refus de soins

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La loi du 4 mars 2002 consacre le droit pour une personne de refuser un traitement médical. De son côte, un médecin peut refuser de donner des soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. Que dit la loi devant ces deux positions et quels sont les recours possibles ?

S’interroger sur le refus de soins et de traitement du patient (et les limites) ainsi que sur le refus de soins opposé par le professionnel de santé (licite ou illicite) nécessite de définir le domaine du « soin », du « consentement », de déterminer les libertés et droits qui peuvent s’opposer, pour mieux en cerner les applications concrètes et les conséquences.

I. Les notions de Soins et de consentement

A la croisée de l’éthique, des sciences humaines et sociales, de la philosophie, de la recherche scientifique, les questionnements sur les refus de soins comportent des enjeux de liberté et d’égalité, que le refus soit opposé au « malade » ou « patient », ou qu’il vienne de lui : libre choix du médecin, liberté du médecin et aussi égalité d’accès aux soins.

Ces enjeux sont encore plus prégnants lorsque la personne est en situation de fin de vie, ou bien de privation de liberté (détenus, soins sans consentement).

Ils prennent racine dans les sources d’un droit vivant, très diversifié : code de la santé publique (CSP), code de la sécurité sociale (CSS), code civil (C. civ.), code pénal (CP), code de justice administrative (CJA), application des principes déontologiques comme notamment le « devoir d’humanité », la « continuité des soins ». Certaines notions sont rattachées à des concepts moraux, éthiques et/ou à des perceptions subjectives comme la dignité, la vulnérabilité, la souffrance ou la douleur (par exemple, CSP, art. R. 4127-37).

Entre également en considération l’urgence.

Derrière les termes « refus de soins » se trouvent en réalité des situations et des actes très différents. S’agit-il de soins au sens le plus large, d’actes d’investigation, de soins ou de traitement (médicamenteux avec prescriptions) ?

Le « refus de soins » est communément utilisé pour englober un grand nombre de situations, qui ont pourtant chacune des spécificités et sont uniques (dans la relation médicale, humaine, psychologique, sociologique…).

Deux questions se posent : comment définir le « soin » et qu’est-ce qu’un « consentement libre et éclairé » ?

A. Le soin

Une distinction est couramment opérée entre « cure » (qui renvoie au traitement de la maladie, aux soins curatifs) et « care » (qui désigne plus largement le fait de prendre soin d’autrui).

Il est aussi question en médecine de soins curatifs, palliatifs, esthétiques, d’hygiène, de confort, de soins de support…

Le soin est tout à la fois un acte technique et relationnel destiné à maintenir ou rétablir la santé du patient et à répondre à ses besoins fondamentaux.

Diverses définitions et approches sont données par la Haute Autorité de santé et le code de la santé publique. Il peut être notamment fait référence à la qualité des soins.

Une approche est également possible en lien avec l’organisation du système de santé (« parcours de soins », « permanence de soins », « continuité des soins »…).

Ou bien encore à travers des pratiques de soins associés à des lieux ou à des modalités d’accompagnement et/ou de traitement (centres de santé, centres de soins, réseaux de santé).

B. Le consentement libre et éclairé

Le consentement est une condition impérative du soin, inscrite dans le code de la santé publique.

« Toute personne prend avec le professionnel de santé, et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. […] Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment » (CSP, art. L. 1111-4).

Ainsi, tout acte requiert le consentement du patient, sauf lorsque celui-ci n’est pas en état de s’exprimer ou de formuler un consentement éclairé.

Le consentement libre et éclairé est corrélé à un autre droit : celui d’être informé (CSP, art. L. 1111-2). Et de cette information qui est transmise découle le droit de consentir ou de refuser de manière « éclairée ». Il convient donc de déterminer le contenu du devoir d’information.

Le dossier médical est l’outil de traçabilité de l’information.

II. Le refus de soins exprimé par le patient

A. évolution du cadre législatif

Un tournant majeur s’est opéré avec la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Le consentement est exprimé par la voie d’une co-décision, le « malade » (terme utilisé dans la loi) étant perçu aussi comme un acteur dans le processus décisionnel, au sein du système de santé.

« Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé » (CSP, art. L. 1111-4).

« Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment » (CSP, art. L. 1111-4).

Corollaire de la liberté du patient, le refus de consentement doit être éclairé. Il s’exprime en lien avec le droit à information (CSP, art. L. 1111-2 et L. 1111-4). Pour que ce refus soit éclairé, le droit à information doit être respecté.

Si le droit pour le patient majeur de donner son consentement à un traitement médical, lorsqu’il se trouve en état de l’exprimer, revêt le caractère d’une liberté fondamentale, il n’en reste pas moins que d’autres éléments sont venus, et viennent encore, interférer, voire contredire et s’opposer à ce droit. Ainsi qu’en est il du droit de refuser lorsque l’urgence et le pronostic vital exigent la mise en œuvre du soin ?

Ce sujet reste aussi très corrélé à des choix éthiques, sociétaux, voire religieux.

En 2005, une nouvelle étape est franchie avec la loi n° 2005-370 du 25 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite loi « Léonetti ». Elle vise le droit au refus de traitement du malade et apporte des précisions sur la qualité de la fin de vie du mourant (CSP, art. L. 1111-4). Subsiste pour le médecin l’obligation de « tout mettre en œuvre » pour convaincre la personne d’accepter les soins indispensables.

En 2016, la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie a principalement permis :

• de créer un article consacré au refus de l’obstination déraisonnable, mentionnant explicitement que « la nutrition et l’hydratation artificielle sont des traitements qui peuvent être arrêtés », au titre de l’obstination déraisonnable, conformément à la volonté du patient (CSP, art. L. 1110-5-1) ;

• de redéfinir la procédure applicable lorsque le patient exprime lui-même sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement mettant sa vie en danger. Comme pour tout refus de traitement, le médecin l’informe des conséquences de ses choix et de leur gravité (CSP, art. L. 1111-4). Il n’est plus indiqué que le médecin doit « tout mettre en œuvre » pour convaincre le malade. Lorsque la décision du malade met sa vie en danger, il doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable et, s’il le souhaite, il peut faire appel à un autre membre du corps médical ;

• préciser la procédure applicable lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté (CSP, art. L. 1111-4), avec le recours à une procédure collégiale (CSP, art. L. 1110-5-1).

Par ailleurs, l’accent est mis sur les directives anticipées et leur respect (CSP, art. L. 1111-11). Des questions subsistent : dans quel cas le médecin peut-il passer outre en considérant que le consentement n’est pas éclairé (CSP, art R. 1111-18 et R. 4127-37-1) ?

En outre, un dispositif nommé « sédation profonde et continue » est instauré.

La sédation est définie comme « la recherche, par des moyens médicamenteux, d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de conscience, dans le but de diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés et/ou mis en œuvre sans permettre d’obtenir le soulagement escompté par le patient ». Elle se distingue de l’injection létale par l’intention, qui n’est pas de donner la mort.

Il convient de distinguer les situations et les possibilités de recourir à la sédation, selon que la demande émane du patient, d’une part, ou selon que le patient n’est pas en état d’exprimer sa volonté, d’autre part.

Dans tous les cas, il est fait recours à une procédure collégiale à l’issue de laquelle seul le médecin décide (CSP, art. R. 4127-37-3, renvoyant à l’article R. 4127-37-2).

B. Limites à la liberté individuelle

Dans certaines situations, il peut être passé outre à l’exigence de consentement, soit parce qu’il y a urgence et que la personne ne peut pas consentir, soit parce que la situation de la personne est particulière (ex. : mineurs, incapacité), soit parce que l’intérêt de la société prévaut.

Il s’agit d’une atteinte importante aux libertés, qui explique l’attention portée par la contrôleure générale des lieux de privation de libertés dans un rapport de juin 2020 sur les soins sans consentement et les droits fondamentaux(1).

La question de la contention et de l’isolement fait aussi l’objet de mesures récentes à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel qui avait censuré le dispositif en raison de l’absence de contrôle judiciaire, dans des conditions permettant de garantir la liberté individuelle (C. const., 19 juin 2020, n° 2020-844 QPC ; CSP art. L. 3222-5-1 ; loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, art. 84).

A ces atteintes s’ajoutent des injonctions thérapeutiques, qui peuvent être faites dans le cadre d’un suivi médico-judiciaire (prévention de la délinquance sexuelle) et/ou en cas d’addictions.

En outre, l’obligation de vaccination illustre aussi les limites apportées à la possibilité de refus.

De même les pratiques de dépistage, de mise en quarantaine ou d’isolement conduisent aussi à se questionner sur les limites aux libertés et droits des patients.

III. Le refus de soins opposé par le professionnel de santé

Admettre le refus de soins du médecin, et plus largement d’un professionnel de santé, peut apparaître paradoxal au regard d’une mission qui est de soigner, d’être au service de la personne et de la santé publique (CSP, art. R. 4127-2).

Ainsi, le refus de soins est la traduction d’un point de tension :

• entre la liberté individuelle et l’indépendance qui lui sont reconnues dans la pratique de son art. L’indépendance professionnelle a été érigée comme « principe général de droit » (CSP, art. R. 4127-5 ; tribunal des conflits, 14 février 2000 n° 00-02929P) ;

• et l’obligation d’écouter, d’examiner, de conseiller, de soigner, qui est un devoir général envers les patients (CSP, art. R. 4127-7). Du point de vue législatif, est consacré comme « droits de la personne », figurant dans un chapitre préliminaire du code de la santé publique, le droit de recevoir des traitements et soins. « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l’ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté » (CSP, art. L. 1110-5).

La liberté du professionnel de santé de refuser des soins est ainsi prise en compte, mais circonscrite pour concilier cette faculté avec d’autres impératifs : celui de porter secours et de respecter les principes de non-discrimination.

Autant de règles et principes complexes, voire contradictoires, à mettre en œuvre et à combiner et qui ont nécessité des éclairages jurisprudentiels sur les conditions du refus, les critères des refus licites et illicites.

A. Assurer la continuité des soins

Hors le cas d’urgence et celui où le professionnel de santé manquerait à ses devoirs d’humanité, le principe de non-discrimination ne fait pas obstacle à un refus de soins fondé sur une exigence personnelle ou professionnelle essentielle et déterminante de la qualité, de la sécurité ou de l’efficacité des soins. La continuité des soins doit être assurée quelles que soient les circonstances, dans les conditions prévues par l’article L. 6315-1 du code de la santé publique (CSP, art. L. 1110-3).

Dans ce sens, il est affirmé, dans le code de déontologie médicale, que des raisons personnelles ou professionnelles permettent de refuser des soins (CSP, art. R. 4127-47).

B. Clause de conscience

Dans plusieurs législations étrangères, à l’instar de la France, il existe une clause de conscience spécifique en matière d’interruption volontaire de grossesse (IVG).

A noter : En réponse à la saisine du ministre des Solidarités et de la Santé, le Comité consultatif national d’éthique a diffusé une « opinion » le 8 décembre 2020 sur l’allongement du délai légal de 12 à 14 semaines. Il indique également qu’il est favorable au maintien de la clause de conscience spécifique prévue par l’article L. 2212-8 du code de la santé publique.

C. Possibilité de refuser à l’obligation de refuser

Outre les situations évoquées précédemment, liées à la compétence, le médecin peut être conduit à refuser des soins pour ne pas être en contradiction avec des principes et obligations issus de dispositions légales.

Ainsi, sans négliger son devoir d’assistance morale, le médecin doit limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins en observant la plus stricte économie (CSS, art. L. 162-2-1). Il doit donc tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles (code de déontologie médicale, en tenant compte des données acquises de la science ; CSP, art. L. 1110-5 et R. 4127-8)..

IV. Le refus de soins discriminatoire

Le principe de non-discrimination à l’égard des patients est inscrit dans le code de la santé publique et constitue un devoir général du médecin (CSP, art. L. 1110-3 et R. 4127-7). Il concerne aussi différentes professions et vise à assurer l’égal accès à tous à la prévention et aux soins.

Afin d’en assurer l’effectivité, le législateur a mis en place un arsenal juridique accompagné d’une procédure de contrôle et de sanction. Les refus de soins peuvent aussi être sanctionnés disciplinairement et pénalement.

Le défenseur des droits saisi sur des difficultés d’accès aux soins rend des décisions qu’il est susceptible de transmettre au Conseil national de l’Ordre des médecins. Parmi ces décisions :

• décision 2019-281 du 18 novembre 2019 relative aux difficultés rencontrées par une bénéficiaire de la couverture maladie universelle complémentaire afin de prendre rendez-vous pour son fils mineur auprès d’un radiologue ;

• décision 2019-273 du 25 octobre 2019 relative à une discrimination à l’accès aux soins d’une patiente en raison de sa séropositivité dans laquelle il a recommandé une poursuite disciplinaire.

A. L’évolution de l’arsenal juridique

Le législateur a inscrit dans le code de la santé publique en 2002 (loi n° 2002-303 du 4 mars 2002), puis renforcé en 2009 (loi n° 2009-879 « Hôpital, patients, santé et territoire » [HPST] du 21 juillet 2009), le principe de l’interdiction du refus de soins fondé sur des motifs discriminatoires (CSP, art. L. 1110-3).

La procédure mise en place en 2009 prévoit la constitution d’une commission de conciliation et associe les ordres professionnels à la procédure.

Le législateur a prévu une procédure de sanction en cas de refus de soins discriminatoire pratiqué par un professionnel de santé en cas de non-conciliation ou de récidive (CSP, art L. 1110-3).

Attendu depuis 10 ans, le décret n° 2020-1215 du 2 octobre 2020 vient définir le refus de soins, préciser les modalités applicables pour cette procédure ainsi que le barème des sanctions applicables par les organismes d’assurance maladie en cas de refus de soins discriminatoire ou de dépassements d’honoraires abusifs ou illégaux. Le décret s’applique aux plaintes enregistrées plus de 3 mois après sa publication, soit le 4 janvier 2021.

B. La preuve du refus de soins

L’article L. 1110-3 du code de la santé publique donne les conditions selon lesquelles le refus de soins peut être opposé. Une grande marge d’appréciation est laissée aux juges, notamment sur des notions d’urgence ou de manquement aux devoirs d’humanité (voir ci-dessus).

Si les faits peuvent laisser supposer que le refus de soins est illégitime, c’est au médecin de prouver que son motif est justifié par un motif reconnu légitime.

Au titre des éléments et moyens de preuve, dans le rapport annuel de 2010 de la Conférence nationale de santé, différentes recommandations ont déjà été préconisées telles que :

• le testing : son utilisation à ce jour reste limitée en termes de preuves ;

• ou la possibilité pour des associations d’agir en justice pour la défense des intérêts individuels des patients.

En outre, une évaluation des pratiques de refus de soins est réalisée (voir encadré ci-dessous).

C. Définition et pratiques du refus discriminatoire

Constitue un refus de soins discriminatoire toute pratique tendant à empêcher ou dissuader une personne d’accéder à des mesures de prévention ou de soins, par quelque procédé que ce soit et notamment par des obstacles à l’accès effectif au professionnel de santé ou au bénéfice des conditions normales de prise en charge financière des actes, prestations et produits de santé, pour l’un des motifs de discrimination mentionnés aux articles 225-1 et 225-1-1 du code pénal, ou au motif que cette personne bénéficie du droit à la protection complémentaire en matière de santé prévu à l’article L. 861-1 du code de la sécurité sociale ou du droit à l’aide médicale d’Etat prévu à l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles (CSP, art. R. 1110-8 ; décret n° 2020-1215 du 2 octobre 2020).

1. Pratiques fondées sur des motifs pénalement prohibés

Aucune personne ne peut faire l’objet de discrimination dans l’accès à la prévention et aux soins (CSP, art. L. 1110-3). Ainsi, un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne :

• en raison de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de sa particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence, de son état de santé, de sa perte d’autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de ses activités syndicales, de son appartenance ou sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (CP, art. 225-1) ;

• parce qu’elle a subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel ou bien parce qu’elle a témoigné de tels faits (CP, art. 225-1-1).

2. Refus opposé aux bénéficiaires de droits sociaux

Un professionnel ne peut pas refuser de soigner une personne au motif qu’elle est bénéficiaire de la protection complémentaire en matière de santé ou encore du droit à l’aide médicale d’Etat. Ce motif est prohibé par l’article 225-1-1 du code pénal.

3. Découlant de dépassements d’honoraires abusifs ou illégaux

Les dépassements d’honoraires abusifs ou illégaux sont définis à l’article R. 147-7 du code de la sécurité sociale comme étant ceux :

• excédant le tact et la mesure ;

• ou non conformes à la convention dont relève le professionnel.

Le respect du tact et de la mesure s’apprécie notamment au regard de la prise en compte dans la fixation des honoraires, de la complexité de l’acte réalisé et du temps consacré, du service rendu au patient, de la notoriété du praticien, du pourcentage d’actes avec dépassement ou du montant moyen des dépassements pratiqués, pour une activité comparable, par les professionnels de santé exerçant dans le même département ou dans la même région administrative (CSS, art. R. 147-13).

E. Procédure de contestation

1. Saisine et organisation de la conciliation

La personne qui s’estime victime d’un refus de soins discriminatoire peut saisir d’une plainte le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou le président du conseil de l’ordre professionnel. La saisine doit mentionner l’identité et les coordonnées de la personne à l’origine de la plainte, les éléments permettant d’identifier le professionnel de santé mis en cause, et décrire les faits reprochés. Elle est adressée par tout moyen permettant de donner date certaine à sa réception (CSP, art. L. 1110-3, R. 1110-11 et R. 1110-12).

Toute association ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades agréée peut effectuer cette saisine pour le compte de la personne qui s’estime victime d’un refus de soins discriminatoire si celle-ci lui en donne mandat exprès.

2. Déroulement de la conciliation

Une commission mixte de conciliation, dont la composition est fixée réglementairement (CSP, art. R. 1110-9), se réunit en un lieu fixé d’un commun accord entre l’organisme local d’assurance maladie et le conseil de l’ordre territorialement compétent (CSP, art. R. 1110-12). A défaut, elle est accueillie par l’autorité ayant reçu la plainte.

Lors de cette séance, la personne à l’origine de la plainte peut se faire assister ou représenter par une personne de son choix, notamment par une association agréée au sens de l’article L. 1114-1 du code de la santé publique.

Le professionnel peut se faire assister ou représenter par la personne de son choix.

En cas d’impossibilité d’assister ou de se faire représenter à cette conciliation, la personne à l’origine de la plainte ou le professionnel de santé peut adresser ses observations par écrit au secrétariat de la commission, en précisant les raisons de son empêchement.

Exceptionnellement, en cas d’impossibilité de réunir l’ensemble des participants, et sous réserve de l’accord de la personne à l’origine de la plainte ainsi que du professionnel de santé, la conciliation peut se dérouler en visioconférence ou par conférence téléphonique garantissant la confidentialité des échanges.

3. Issue de la conciliation

• Soit la conciliation est faite par le retrait de plainte du plaignant : la commission met alors fin au litige (CSP, art R. 1110-11 et R. 1110-12).

• Soit l’absence de conciliation est constatée : c’est le cas si le plaignant ne retire pas sa plainte ou si au moins l’une des parties ne répond pas à la convocation de la commission de conciliation.

Le secrétariat de la commission établit un relevé de la séance, signé par les parties ou leurs représentants et les membres de la commission. En cas de non-conciliation, ce relevé fait notamment apparaître les points de désaccord qui subsistent. Il est remis ou adressé à chacune des parties et transmis au directeur de l’organisme local ainsi qu’au président du conseil de l’ordre au tableau duquel le professionnel de santé est inscrit, dans un délai de 8 jours à compter de la séance de conciliation.

En cas d’échec de la conciliation, le président du conseil de l’ordre au tableau duquel le professionnel de santé est inscrit transmet un avis motivé sur la plainte à la chambre disciplinaire de première instance de la juridiction ordinale compétente, et en s’y associant le cas échéant. Cette transmission est accompagnée de la plainte et de toutes les pièces de la procédure de conciliation (CSP, art. R. 1110-13). Le président du conseil de l’ordre informe le directeur de l’organisme local d’assurance maladie de cette transmission, et ultérieurement de la décision rendue par la juridiction ordinale.

En cas de carence du conseil territorialement compétent, dans un délai de 3 mois, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie peut prononcer à l’encontre du professionnel de santé une sanction dans les conditions prévues à l’article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale (pénalité financière, retrait temporaire du droit à dépassement, suspension de la participation des caisses aux cotisations sociales dues par le praticien) (CSP, art. R. 1110-15 ; CSS, art. L. 114-17-1 et R. 147-14).

5. Sanctions applicables par les organismes d’assurance maladie

L’article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale, donne au « directeur de l’organisme local d’assurance maladie » un pouvoir autonome de sanctions des professionnels de santé.

Peut faire l’objet des sanctions tout professionnel de santé qui (CSS, art. R. 147-13) :

• oppose un refus de soins discriminatoire ;

• pratique des dépassements d’honoraires excédant le tact et la mesure (sur cette notion, voir ci-dessus).

• pratique des dépassements d’honoraires non conformes à la convention dont il relève.

Ces pratiques ainsi que l’obligation d’information concernant les dispositifs médicaux peuvent faire l’objet de pénalités financières (CSS, art. R. 147-14 et R. 147-15). Les sanctions sont aggravées en cas de récidive

Le directeur de l’organisme local d’assurance maladie peut, en complément, décider de l’affichage de la sanction en zone d’accueil du public de l’organisme local pour une durée comprise entre 1 et 3 mois suivant la notification de la sanction.

En cas de récidive et après épuisement des voies de recours, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie peut rendre publique cette sanction dans toute publication à diffusion locale, départementale ou régionale (CSS, art. R. 147-16).

Lorsqu’il prononce une sanction, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie en adresse, s’il y a lieu, copie au conseil territorialement compétent de l’ordre au tableau duquel est inscrit le professionnel de santé concerné (CSS, art. R. 147-17).

Notion de récidive

La condition de récidive faisant obstacle à la mise en œuvre de la procédure de conciliation est remplie lorsque le professionnel de santé mis en cause a déjà fait l’objet dans les 6 ans précédant la réception de la plainte d’une sanction définitive pour refus de soins discriminatoire, prononcée par une juridiction ordinale ou par le directeur d’un organisme local d’assurance maladie.

Les délais de transmission et d’examen de la plainte sont précisés réglementairement (CSP, art. R. 1110-14).

Suivi et évaluation des pratiques de refus de soins

Pour renforcer la lutte contre les pratiques de professionnels de santé qui empêchent directement ou indirectement un patient de bénéficier d’actes de soins ou de prévention, une commission est placée respectivement auprès du Conseil national de l’ordre des médecins, de l’ordre des chirurgiens-dentistes et de l’ordre des sages-femmes. Elle est chargée d’évaluer les pratiques de refus de soins opposés par les professionnels de santé inscrits au tableau de chacun de ces ordres (CSP, art. L. 4122-1). Ces commissions ne statuent pas sur les situations individuelles. Cette mission se réalise en lien avec des associations de patients agréées.

Composition des commissions

Les commissions comprennent chacune 14 membres dont notamment, le président du conseil de l’ordre concerné (ou son représentant), des professionnels de santé ainsi que des représentants d’associations d’usagers (arrêté du 29 décembre 2016, J.O. du 6-01-17), des représentants d’instances ou organismes sociaux.

Rôle, bilan et suivi

Sur la base de leurs travaux et après audition des organisations de la profession reconnues représentatives, ces commissions remettent chacune un rapport annuel (CSP, art. D. 4124-4-2 et D. 4121-4-3).

Par exemple, le rapport de la commission d’évaluation des pratiques de refus de soins placée auprès du Conseil national de l’ordre des médecins de novembre 2018 identifie trois catégories générant des refus de soins discriminatoires :

• la méconnaissance des personnes concernées, de leurs situations et de leurs pathologies ;

• les difficultés de prise en charge de nature financière et administrative ;

• les difficultés de prise en charge de nature matérielle ou technique.

Contrôle et recours contentieux

Le « refus de soins » peut entraîner des contestations mettant en cause des professionnels concernés par l’acte de soins ou de traitement.

Les possibilités de contestation, de recours et les voies de droit pouvant être utilisées ont des conséquences sur le niveau et la gravité des sanctions disciplinaires (de l’avertissement à la radiation) ainsi que sur le plan de la responsabilité civile ou pénale.

Les procédures de contrôle et de recours font l’objet d’un développement dans le numéro juridique « Le droit et l’éthique du soin », à paraître le 8 janvier 2021 avec votre ASH n° 3191.

Notes

(1) Rapport « Soins sans consentement et droits fondamentaux » – Recommandations minimales du contrôleur général des lieux de privation de liberté pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté – J.O. du 4-06-20.

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