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Les cadres, des profils de plus en plus convoités

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Les emplois de cadres et de managers occupent une place toujours plus stratégique. Le secteur médico-social n’arrive pas toujours à attirer les profils recherchés. Des Ehpad aux crèches, en passant par les entreprises d’insertion, tour d’horizon des politiques à l’œuvre pour renforcer l’attractivité de ces métiers.

À la mi-décembre, le site de l’APEC affichait près de 2 000 offres émanant d’une kyrielle d’employeurs parmi lesquels quelques « poids lourds », à l’image du Groupe SOS, des Apprentis d’Auteuil ou des crèches Les Petits Chaperons rouges. Chacun de ces acteurs affichant une bonne dizaine de postes en quête de candidats… Comme chaque année, 300 postes de cadres et managers dont un quart de directeurs d’établissement étaient à pourvoir en 2020 chez Korian. La lecture des annonces, digne d’un inventaire à la Prévert, dévoile la grande diversité des requêtes : si les fonctions administratives font la course en tête, les commerciaux, les spécialistes du marketing ou des ressources humaines, les as de la finance, des achats ou de l’informatique, sans parler des cadres de santé sont eux aussi attendus à bras ouverts. « Après une période où les recrutements de cadres ont été gelés du fait du premier confinement, ils sont depuis cet automne repartis à la hausse et le second confinement n’a pas ralenti la demande, observe Anne-Sophie de Larauze, fondatrice et responsable du cabinet de recrutement et de chasse de tête Parcours &Sens, spécialisé dans le secteur médico-social et sanitaire. Pour fonctionner correctement, les établissements ne pouvaient plus attendre. » Car même si le manque chronique de personnels soignants – et notamment d’aides-soignants, correspondant à 70 % des offres d’emploi – mobilisent largement les recruteurs, les postes de cadres et de managers deviennent eux aussi cruciaux.

Un secteur en pleine transformation

Les raisons de cette accélération sont multiples : la professionnalisation accrue de pans entiers du secteur de l’économie sociale et solidaire crée en effet un appel d’air, notamment au niveau des fonctions supports. « Notre développement rapide nous oblige à nous structurer et à renforcer tous ces métiers », indique Lucile Charbonnier, directrice du développement RH de Babilou, les yeux braqués sur les comptables, les commerciaux, mais aussi les spécialistes du digital qui manquent à l’appel. Si les jeunes diplômés sont particulièrement courtisés, les employeurs s’arrachent aussi les cadres confirmés. C’est le cas de Altaïr, la structure qui regroupe les deux entreprises d’insertion dirigées par Luc de Gardelle. « Notre directeur administratif et financier occupait ce poste chez Véolia. Bénéficier de compétences de professionnels aguerris qui viennent d’autres milieux professionnels représente un défi pour nous mais aussi pour eux, compte tenu parfois du choc des cultures. Mais nous avons beaucoup à apprendre d’eux. » Le marché est d’ailleurs compétitif, car nombre de cadres seniors sont prêts à faire des efforts financiers pour donner du sens à leur dernière partie de carrière. Il y a deux ans, les Apprentis d’Auteuil ont ainsi pris un « gros poisson » dans leur filet : Nicolas Truelle, polytechnicien passé par l’industrie pharmaceutique, la gestion d’une PME et la finance, devenait directeur général.

Le secteur médico-social est également confronté à un changement des attentes des usagers qui se traduit par de nouveaux métiers. « Nous avons récemment créé 70 postes de responsable des relations avec les familles, illustre Stéphane Taddei, DRH opérations sur la partie seniors de Korian France. Les directeurs d’Ehpad étant de plus en plus occupés par les questions administratives et la gestion au quotidien, les tâches d’écoute et d’accueil des usagers qu’ils remplissaient jusqu’ici devaient être prises en charge par des professionnels dédiés. » Ces derniers, désormais en fonction dans les établissements comptant au moins 80 lits, viennent de différents horizons : certains ont bénéficié de promotion interne, d’autres ont vu leurs compétences relationnelles et commerciales activement recherchées parmi les diplômés d’écoles de commerce. Les relations croissantes entre les établissements de santé ou les Ehpad et les pouvoirs publics se traduisent elles aussi par l’arrivée de cadres supplémentaires chargés spécifiquement de ces missions.

Parallèlement, la nécessité de préparer la relève des professionnels qui vont partir à la retraite dans les prochaines années et de faire face au turn-over renforcé par la crise sanitaire, accroît également les tensions dans le secteur de l’accueil des seniors. « Nous avons plusieurs directeurs d’Ehpad épuisés qui ont décidé de jeter l’éponge », regrette Thibault Ronsin, DRH du Groupe SOS.

Nerfs de la guerre

Si ces profils ne sont pas toujours faciles à attirer, même si la pandémie a paradoxalement fait naître de nouvelles vocations, la traque des cadres médicaux est « un véritable casse-tête ! » s’alarme Pascal Champvert, président de l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées). La situation est particulièrement tendue pour les médecins coordinateurs et les cadres infirmiers dans les Ehpad et les établissements de santé. « C’est encore pire pour ces derniers, qui sont dans nos structures le nerf de la guerre ! ajoute Didier Sapy, directeur général de Fnaqpa-Gerontim. Car l’absence de médecin coordinateur peut temporairement être compensée par les médecins traitants des résidents. » Concernant ces recrutements, toutes les structures, qu’elles soient publiques, associatives ou privées, se heurtent aux mêmes problèmes : un manque d’attractivité de leur secteur combiné à la taille critique du vivier de candidats en raison du faible nombre de professionnels formés et de la persistance de déserts médicaux.

Cette situation fait également partie du quotidien du secteur de la petite enfance : « Le manque d’éducateurs de jeunes enfants comme d’infirmiers ou de psychomotriciens formés dans les écoles et attirés par des établissements de santé, qui pourraient demain devenir directeurs de crèche, est aussi devenu préoccupant pour nous », note Lucile Charbonnier. Rien d’étonnant si, dans une grande majorité de structures, de DomusVi à Babilou, en passant par le Groupe SOS ou Korian, la formation continue occupe une place de plus en plus importante avec la mise en place de parcours utilisant parfois des méthodes innovantes (voir page 30) afin de pourvoir ces postes critiques via la promotion interne.

Il n’y a d’ailleurs pas que pour ces cadres que les employeurs doivent faire preuve d’inventivité. « Les postes situés en zones rurales, dans le Nord et dans l’Est de la France sont beaucoup plus difficiles à pourvoir que ceux proposés dans les zones urbaines ou les régions comme l’Ouest et le Sud bénéficiant depuis la crise de Covid d’un engouement de tous les cadres et managers désireux de se mettre au vert », pointe Anne-Sophie de Larauze. « Mais plus encore, c’est le projet d’établissement qui fait la différence, note Valérie Moulinier, déléguée générale d’Auteuil petite enfance. Nous avons la chance d’être portés par notre fondation et sa forte image dans le domaine de l’aide aux plus fragiles et l’accompagnement de la parentalité. » Même son de cloche du côté du Groupe SOS. « Notre force, c’est de pouvoir, au-delà de toutes nos activités, présenter un projet transversal dédié à l’innovation sociale », renchérit Thibault Ronsin.

Pour profiter de cette opportunité, des bourses internes recensant à tout moment les emplois vacants voient le jour un peu partout. Mais cette volonté d’offrir des expériences dans des environnements différents se heurte dans nombre de cas à la réglementation de certaines professions incompatibles avec ce jeu de chaises musicales… « Nous sommes dans un secteur qui est, et à juste titre, très réglementé. Quand vous accueillez des jeunes enfants, vous ne pouvez pas faire n’importe quoi. Il y a des conditions de diplôme et d’expérience requises », rappelle ainsi Valérie Moulinier. Et les dérogations se comptent chaque année sur les doigts de la main…

Des petits plus

Dans ce contexte, ce sont d’ailleurs bien souvent les « petits plus », davantage que les efforts sur les rémunérations, qui font la différence. Et sur ce terrain, l’imagination est sans limites. Avec une attention marquée pour les étudiants, incités à découvrir le secteur de plus en plus en amont : chez Babilou, des salariés promus au rang d’« ambassadeurs » arpentent les écoles de formation initiale pour proposer des stages en crèche ou de rejoindre le siège dans le cadre de l’apprentissage. Une fois en poste, les jeunes recrues sont également couvées par les services RH. Les plus talentueux sont rapidement versés dans des programmes de formation visant à prendre rapidement du galon. Les réseaux bien implantés sur tout le territoire abattent la carte de la mobilité géographique pour offrir à chacun un point de chute le plus proche possible de son domicile afin de favoriser un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.

Les cadres seniors sont eux aussi chouchoutés. Korian vient ainsi de compléter sa politique d’attractivité du métier de directeur d’Ehpad avec un programme de formation haut de gamme d’une durée de trois ans au niveau européen destiné à les faire monter en compétences. Au programme : l’acquisition d’une meilleure connaissance de soi, des échanges entre pairs et du coaching centré sur ses propres besoins. Le tout débouchant sur une certification délivrée par l’IFG, un organisme de formation extérieur spécialisé dans l’accompagnement des dirigeants.

A l’heure où la « machine RH » appuie sur l’accélérateur, ces appels du pied seront-ils à même de renverser la tendance à la pénurie de compétences dont souffre depuis des années le secteur médico-social ? Les acteurs croisent les doigts et retiennent leur souffle. D’autant que l’approche choisie pour courtiser les cadres et managers pourrait aussi, par ricochet, rejaillir sur les métiers moins qualifiés en leur ouvrant des perspectives d’évolution de carrière. Y compris jusqu’au sommet.

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