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Mobilisations : une structuration embryonnaire

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A l’appel des fédérations syndicales ou des collectifs, les journées de mobilisation se multiplient. Sur fond de crise sanitaire, les professionnels du social et du médico-social sont plus que jamais déterminés à faire entendre leurs voix. Un élan nouveau, davantage fédérateur, est désormais perceptible. Mais la structuration en est à ses prémices au sein d’un secteur particulièrement morcelé.

Les 13 octobre, 5 novembre, 3 décembre, 8 décembre… Dernièrement, les actions de mobilisation menées par les professionnels du social et du médico-social ont essaimé un peu partout sur le territoire. Déjà exprimées à de nombreuses reprises, les revendications des travailleurs sociaux restent inchangées : revalorisation des différents métiers et amélioration des conditions de travail. « Nous revendiquons toujours l’extension du complément de traitement indiciaire dans nos secteurs pour le public et le privé », rapporte David Legrand, un des secrétaires fédéraux adjoints de la Fédération nationale action sociale-Force ouvrière (Fnas-FO), organisation qui, après un premier mouvement le 5 novembre, a de nouveau appelé à la grève le 8 décembre dans une cinquantaine de villes en France. « L’indice salarial continue de stagner, alors que le coût de la vie augmente, résume quant à lui Ramon Vila, secrétaire fédéral de Sud santé sociaux. Certains salariés du secteur privé non lucratif doivent même recevoir une prime supplémentaire pour atteindre le Smic. »

En plus d’une meilleure reconnaissance salariale et de l’embauche de nouveaux personnels, les professionnels réclament le versement de l’intégralité de la prime Covid, ainsi que l’accès à des formations qualifiantes. A ces revendications, viennent également s’ajouter des demandes d’ordre plus sociétal. « Même si nous obtenons gain de cause pour nos métiers et nos salaires, ceux des usagers, les minima sociaux… resteraient eux inchangés », souligne Simon Le Cœur, représentant pour le secteur social de la CGT CASVP (centre d’action sociale de la Ville de Paris). Tel un plaidoyer pour les publics reçus, des collectifs et syndicats requièrent ainsi l’accès à l’éducation, à la santé et à un logement digne pour toutes et tous. « Certaines revendications peuvent paraître incantatoires, mais dans nos professions nous sommes témoins de ce qu’inflige le système économique à une partie croissante de la population », poursuit Simon Le Cœur. De son côté, Ramon Vila explique : « Nos conditions de travail représentent les conditions d’accueil et de prise en charge du public, et vice versa. »

L’envie de se rendre plus visibles

Rassemblant des salariés venus de tous les champs (handicap, protection de l’enfance, maintien à domicile, psychiatrie…), ces mobilisations sont par ailleurs un moyen de sortir de l’invisibilité. « On n’apparaît nulle part, jamais, rapporte Simon Le Cœur. On n’entend jamais parler des travailleurs sociaux. Les gens ne savent pas ce qu’on fait, ni à quoi on sert. » « Nous voulons être pris en considération, le social se révèle toujours être le grand oublié », soulevait une manifestante rencontrée place Pierre-Laroque à Paris, au pied du ministère des Solidarités et de la Santé, le 3 décembre. Ce jour-là, ils étaient nombreux à trouver important d’avoir leur « propre mobilisation » pour être entendus.

A l’initiative de collectifs (Commission de mobilisation du travail social, Les Broyés du social, collectif Pas qu’un coût…), cette journée de grève a pris racine lors des 5es Rencontres nationales du travail social en lutte, organisées les 3 et 4 octobre derniers. « Nous avons alors fait le constat que, depuis 2017, il n’y avait pas eu de date sectorielle pour le social et le médico-social », témoigne Elena, éducatrice spécialisée, qui fait partie des premières personnes à avoir rejoint la Commission de mobilisation du travail social Ile-de-France. Pour parler d’une seule et même voix, la journée du 3 décembre est choisie. Chose peu banale, les organisations syndicales se saisissent de cette date alors qu’elles n’en sont pas à l’origine. Au total, le mouvement de contestation réunit près d’une cinquantaine de signataires dont la Fédération Sud santé sociaux et des sections locales de la CGT.

Avec plusieurs milliers de salariés mobilisés dans l’Hexagone, cet appel se révèle finalement être un succès pour les parties prenantes. « Nous n’avions pas vu cela depuis longtemps dans nos secteurs, l’intersyndicale et les collectifs qui travaillent main dans la main pour porter des revendications communes », se félicite le secrétaire fédéral de Sud santé sociaux. « C’est une réussite de savoir que cinquante rassemblements ont eu lieu sur tout le territoire », s’enthousiasme Elena.

Une adhésion plus large

L’objectif affiché est de faire en sorte que syndiqués et non-syndiqués décident ensemble lors des assemblées générales régulièrement organisées. Cette « autogestion » permet à chacun de mieux s’approprier le mouvement, selon les organisateurs. Différents modes d’expression ont ainsi été observés au niveau local. « A certains endroits, il y avait des rassemblements devant des institutions, dans d’autres des défilés qui partaient d’un centre de formation pour aller devant des lieux de décideurs, dans le département 57 [Moselle], il s’agissait de piquets de grève… », soulève l’éducatrice spécialisée.

Parti des collectifs, ce mouvement a également facilité l’adhésion de certains salariés pouvant être « méfiants vis-à-vis de syndicats en particuliers ou des mouvements syndicaux en général », pointe Ramon Vila. Un point de vue que ne partage pas Evelyne Rescanières, secrétaire générale de la CFDT santé sociaux, organisation qui soutenait le 10 décembre l’appel de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) et appelle désormais à un mouvement le 12 janvier. « Le propre d’une organisation syndicale est bien de relayer les revendications du terrain, souligne-t-elle. La CFDT n’adapte pas ses revendications en fonction de l’avis des collectifs, elle fonctionne en premier lieu avec ses adhérents et elle en a tout de même 86 000. »

Si elle constitue un élan nouveau, la mobilisation du 3 décembre a parfois rencontré des difficultés pour rassembler sur les territoires, notamment pour des questions organisationnelles. En Saône-et-Loire, la secrétaire générale du syndicat CGT du réseau d’aides à domicile Apalib Domisol n’a par exemple pas relayé cette date, en raison de l’appel à manifester jugé trop tardif. « A ce moment-là, nous avions déjà décidé que nous nous mobiliserions au niveau de notre entreprise les 24 et 25 décembre. » Des dates symboliques pour montrer que leurs métiers restent essentiels y compris les jours de fête. « Nous ne pouvons pas nous permettre d’appeler à “x” journées de mobilisation en seulement un mois dans une entreprise où les salariés ont déjà du mal à gagner leur vie. Toutes ces dates se décident au niveau national, il faudrait une meilleure coordination », soutient la secrétaire générale. Avant d’ajouter : « Pour l’instant, on en est loin. »

Une coordination qui nécessite du temps. Pour Elena, le 3 décembre n’est que « le début de quelque chose, mais pas une fin en soi ». Plusieurs assemblées générales et réunions sont prévues dans les semaines à venir pour décider des prochaines échéances. « Il faut maintenant qu’on prenne confiance en notre capacité à nous faire entendre et à aller au-delà de la grève locale pour pouvoir revendiquer à plus large échelle », considère l’éducatrice spécialisée.

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