« Le but d’un collectif n’est pas de perdurer. Nous pensions exister quelques mois. » Gabrielle Garrigue, l’une des membres pionnières du collectif Avenir éducs(1), créé en 2013, observe donc qu’il existe des contre-exemples aux habitudes de mobilisations de courte durée des travailleurs sociaux, souvent ciblées sur une seule revendication. Il s’était un peu endormi ces dernières années puisque l’un de ses combats principaux, autour de la réforme de la formation des travailleurs sociaux de 2018, avait été mené à terme. Mais le confinement du printemps l’a réanimé : « Nous avons eu besoin de partager ce que nous vivions sur le terrain, et avons organisé nombre de visioconférences, devenues des espaces soutenants. »
Voici donc ces professionnels, de plusieurs horizons : éducateurs spécialisés en nombre, mais aussi assistants sociaux, formateurs, chercheurs… à nouveau régulièrement réunis pour réfléchir et faire avancer leurs points de vue sur nombre de sujets aujourd’hui à leurs yeux cruciaux : la réforme des conventions collectives, les contrats à impact social, les nouvelles pratiques professionnelles (autour de la société inclusive, du Logement d’abord ou du travail à distance). « Nous voulons pouvoir porter un regard critique sur ces changements de paradigme, élaborer une réflexion politique sur nos métiers. »
Ainsi posés, les objectifs du collectif l’installent en complément des actions des syndicats, et non en concurrent. Sa nature, précise Gabrielle Garrigue, n’en fait pas un syndicat du travail social. La collaboration des uns et des autres s’est avérée plutôt fructueuse, selon elle.
Les origines collectif Avenir éducs témoignent de ce positionnement. Il est enraciné dans des états généraux du travail social alternatifs en 2004, onze ans avant une manifestation du même type organisée par le ministère des Solidarités et de la Santé. Le motif initial de la mobilisation en 2013 tenait au refus du travailleur social unique et du passage au grade de licence, finalement validé par la réforme de 2018.
Pour faire valoir ses points de vue, le collectif a mené plusieurs actions et donné naissance à divers moments de rencontre et de réflexion : une journée à l’université de Jussieu a réuni 600 personnes en 2014, un festival du travail social en a compté 500 en 2015, plusieurs déplacements à Rennes, Lille, Tours… « Trouver des lieux assez grands pour échanger et le prix des salles représentaient un enjeu de taille », se souvient Gabrielle Garrigue. De ce premier temps fort de mobilisation, elle dresse un relatif satisfecit. Certes, le grade de licence a été adopté ; mais « nous avons obtenu que soient maintenus des stages de terrain longs, que les métiers perdurent et restent centrés sur la relation à l’autre, ou encore que les référentiels intègrent des modules d’histoire, si importants pour développer une réflexion politique sur les métiers et pratiques. » Mais elle formule des regrets : « Beaucoup de ce que nous avons arraché est aujourd’hui regrignoté. »
Alors, même si elle estime que nous ne sommes pas dans un âge d’or du militantisme, la professionnelle, aujourd’hui formatrice dans un institut régional du travail social, invite à poursuivre la lutte : « Nous n’avons pas le choix, sinon tout passe ! » Et elle conclut : « Un collectif est un lieu où l’on combat mais aussi où l’on se ressource, en découvrant qu’on n’est pas les seuls à penser ce que l’on pense… »
(1) Contact : www.avenireducs.com.