Sortir de l’impasse des jeunes des quartiers pauvres munis d’un bac professionnel, en leur ouvrant les portes d’une Business School cotée. Tel est le pari de l’« école entrepreneuriale » que Kedge vient d’ouvrir, en partenariat avec la Fondation des Apprentis d’Auteuil. « Le bac ne suffit plus à garantir l’emploi, a fortiori un bac pro, rappelle Zoé Pons, chargée de mission à l’association. Beaucoup de jeunes de quartiers prioritaires souhaitent s’adapter au marché du travail avec une formation post-bac mais des difficultés de la vie les poussent à abandonner. » D’après une étude du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en 2017, 1 % des bacheliers issus de la filière professionnelle obtiennent un niveau supérieur à Bac + 3, contre plus de 40 % pour les baccalauréats généraux.
La rentrée de la première promo a eu lieu le 5 novembre dernier avec 13 étudiants âgés de 18 à 30 ans. Cette formation doit leur permettre, en trois ans, de développer un projet entrepreneurial et d’obtenir un niveau Bac + 2. Niveau d’études qui, selon l’Insee, augmente de 30 % les chances d’obtenir un emploi. « Cette innovation pédagogique, alliée à une ouverture sociale, veut créer des passerelles pour mieux accueillir la diversité dans les grandes écoles, résume Bruno Galy, directeur adjoint d’Apprentis d’Auteuil dans le Sud-Est. Les critères d’admission se basent uniquement sur la motivation, la persévérance et la résilience. »
Les étudiants ont été sélectionnés pour leur projet professionnel, leur soif d’apprendre et d’entreprendre. Mohamed Kadiri Hassani, Bac STMG en poche, fait partie de la première promotion. « J’avais dû arrêter une prépa commerciale au lycée en raison de soucis personnels », confie-t-il. Ce dernier rêvait pourtant d’intégrer une école de commerce afin de se lancer dans l’entrepreneuriat. Aujourd’hui, il se réjouit : « Le rêve devient possible parce que l’inscription dans cette école de commerce est prise en charge. »
Car ce cursus inédit est gratuit : une bourse d’études, financée par des mécènes, permet de couvrir les coûts de scolarité et les charges de la vie quotidienne. « Outre les enseignants de la Business School, les étudiants sont accompagnés et coachés par des experts, des entrepreneurs expérimentés », précise Bruno Galy. Soit huit coaches et douze enseignants permanents. Les Apprentis d’Auteuil se sont chargés du « sourcing » dans les quartiers et du travail de sélection et d’orientation des jeunes.
L’association assure aussi l’accompagnement social des étudiants avec un conseiller emploi formation insertion (Cefi). « Ce soutien est notre cœur de métier. Le Cefi est chargé d’identifier les freins périphériques à la réussite », souligne Zoé Pons. Ils peuvent être nombreux : problèmes de santé, de logement, de mobilité, ou familiaux. « Le cas échéant, on peut réorienter vers un acteur du logement social, trouver une solution de garde d’enfants… », explique la chargée de mission.
Dans trois ans, idéalement, chaque étudiant aura pu développer son projet et obtenu un titre professionnel. Mohamed Kadiri, lui, espère créer « une ou plusieurs entreprises pour produire de la valeur autour du développement personnel et du développement durable ». L’expérience marseillaise devrait s’étendre à Bordeaux et à Paris dès la rentrée 2021-2022.