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Quelle prise en charge pour les plus vulnérables ?

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Rares sont les dispositifs dédiés spécifiquement aux jeunes en situation complexe. Pourtant, ils existent. Tour d’horizon non exhaustif, du Tarn-et-Garonne aux Yvelines, de pratiques et d’expérimentations singulières, parfois même de réflexions en cours, comme à l’association rhodanienne Le Prado, qui réfléchit à la création d’une structure.
Lo Camin, ou la Mecs de rupture

Elle le dit à sa manière, sans langue de bois. Ces jeunes incasables sont incassables et insaisissables… « Incasables, créés par les structures, parce qu’ils défient l’ordre. Incassables parce que tellement blindés qu’ils n’ont plus rien à casser. Insaisissables parce qu’ils sont à la limite de la psychiatrie et de la protection de l’enfance », résume Maria Ramos, cheffe de service d’une Mecs (maison d’enfants à caractère social) à Narbonne (Aude), gérée par l’association Pupilles de l’enseignement public. Son credo ? Mêler l’esprit des centres éducatifs renforcés et celui de la protection de l’enfance. Créé en 2016 à titre expérimental, Lo Camin (« le chemin », en occitan) accueille cinq jeunes âgés de 14 à 18 ans, à la fois dans l’établissement et en séjour de rupture. « On va à la montagne avec un guide dans un environnement inconnu sans contact avec l’extérieur. On fait de l’escalade pour travailler la confiance en soi, voir jusqu’où on peut aller. On utilise le recours au cheval ou au chien pour travailler la relation à l’autre. Il se passe quelque chose d’inexplicable dans ces séjours de rupture : une relation humaine se crée. Pour une fois, un adulte leur tend la main et le regard du jeune change. »

Le Colibri, ou la méthode Scout

C’est une toute jeune association fondée par les Scouts et guides de France. Le Colibri a ouvert en 2017 un premier établissement à Jambville (Yvelines), puis un second en mai dernier dans une commune voisine. Deux autres suivront en 2021 en Haute-Marne et dans la Somme. L’idée : amener la méthode scout dans l’éducation spécialisée. Ici, les enfants sont au cœur de la vie de la maison et participent aux courses et au ménage. Ils gèrent des ruches, réalisent un jardin en permaculture ou s’investissent dans des projets de solidarité. Et les éducateurs agissent avec les jeunes pour créer la relation. « On ne se construit pas dans la distance. Je n’attends pas des éducateurs d’être des techniciens de la relation, comme on l’a beaucoup enseigné, mais des adultes en lien qui s’amusent avec les enfants, explique le directeur général Jérôme Aucordier. A Jambville, Le Colibri accueille en petit collectif sept jeunes aux « comportements déroutants », déscolarisés et âgés de 12 à 15 ans. Pour les encadrer : cinq éducateurs et des psychologues, qui orientent notamment vers des pédopsychiatres ou des professionnels du bien-être. Le responsable du lieu de vie présente cette particularité de travailler en mode « projet » avec l’aide sociale à l’enfance. « Il répartit son temps de travail à 50 % pour le management d’équipe et à 50 % comme chef de projets. Il réunit les acteurs en faisant en sorte de réduire les différences de temporalité entre adultes et enfants : les adultes qui ne tiennent pas parole, c’est une deuxième mort. »

RésAdo, ou la clinique indirecte

C’est une spécificité de l’Occitanie, qui compte six de ce type sur son territoire. RésAdo 82, le dispositif de clinique indirecte concertée (D-Clic) du Tarn-et-Garonne, est un réseau de santé dédié aux jeunes de 0 à 21 ans en situation complexe. Il réunit les professionnels des champs du social, du sanitaire et du médico-social, l’Education nationale et la PJJ. Sa mission : analyser les situations individuelles que les institutions peinent à prendre en charge. « On cherche à comprendre qui est le jeune. Sans jamais le rencontrer, pour ne pas être pris dans les mêmes difficultés que nos partenaires », explique Stéphanie Marty, coordonnatrice. Le travail s’inscrit nécessairement dans la durée, avec la nécessité d’entendre les différentes équipes qui ont connu le jeune pour comprendre ce qui s’est joué à chaque étape. « On essaie de saisir les logiques propres à chaque trajectoire de vie, de comprendre le fonctionnement psychique de la personne, le style de parentalité rencontrée et sur quoi les équipes ont buté, précise Séverine Pavoine, pédopsychiatre. Cette mise en perspective permet de se décaler du quotidien, émaillé de troubles du comportement. A partir de ces hypothèses cliniques, les professionnels se réorientent et retrouvent des capacités d’accompagnement. » Résultat : les hospitalisations par défaut en psychiatrie sont nettement moins importantes dans les départements pourvus en D-Clic qu’ailleurs.

L’Isema, le temps d’une transition

Porté par l’association AAJD (Aide aux adultes et aux jeunes en difficulté), l’Isema (Internat socio-éducatif médicalisé pour adolescents) accueille à Saint-Michel-de-Montjoie (Manche) des jeunes de 12 à 16 ans orientés par la MDPH (maison départementale des personnes handicapées), la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse) ou l’ASE (aide sociale à l’enfance). Sa particularité ? La prise en charge d’adolescents en phase de crise, lors de placements volontairement courts : six mois renouvelables une fois. Avec une dérogation jusqu’à vingt-quatre mois lorsque les possibilités de sortie du dispositif sont trop compliquées. « Nous sommes un lieu de transition dans le parcours de l’adolescent. On vient en relais des institutions pour lui permettre de se poser, de s’apaiser, et faire en sorte qu’un autre établissement puisse ensuite le recevoir », explique le directeur, Rodolphe Quique. Installé à Saint-Michel-de-Montjoie (Manche), l’Isema est constitué d’une équipe pluridisciplinaire.

Au Prado, ça phosphore

Elle est réputée, sans l’afficher, pour accueillir les jeunes en situation complexe. Mais, jusqu’à présent, l’association rhodanienne Le Prado, à Fontaines-Saint-Martin, n’avait aucune structure spécifiquement dédiée. Or, depuis un an, ses équipes ont mis en place un groupe de travail pour réfléchir à la création d’un dispositif. « On essaie de faire évoluer nos pratiques en interne, de bousculer les routines pour décaler notre regard et éviter la logique institutionnelle du repli sur le foyer », explique Grégory Lenfant, chef de service à la Mecs (maison d’enfants à caractère social) Les Alizés, à Saint-Romain-au-Mont-d’Or. Le projet pourrait prendre la forme de petites unités, dans un habitat familial recentré sur des accompagnements familiaux avec un plateau technique médico-social et sanitaire en appui des permanents. « On réfléchit à faire cohabiter l’esprit militant et l’engagement moral que nécessite l’action sociale avec le droit du travail, qui a, certes, mis un cadre nécessaire, mais a aussi cassé un certain élan. Avoir des permanents de lieu de vie, qui s’engagent 24 heures sur 24, en relais, pendant quatre ou cinq ans, favorise le vivre-ensemble et évite notamment la perte d’informations lors des transmissions. »

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