Oui, cet avis du Cese a trouvé un certain écho. Par exemple, la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022 reprend un certain nombre de points que nous avions abordés. En soi, elle constitue une évolution. Elle met du temps à se déployer : 30 départements ont contractualisé en 2020, 40 nouveaux le feront en 2021. Espérons qu’elle porte ses fruits d’ici 2022, mais il y a risque de « stop and go » lorsqu’on sera à la fin de la stratégie. Il y a un déficit sur le pilotage par l’Etat de la protection de l’enfance. La logique est entendue, mais manque encore de clarté. Le regroupement, tout juste lancé, de quatre structures – Giped, CNPE, AFA et Cnaop(1) – en une agence unique va prendre du temps à se mettre en place. On a pris du retard – le confinement a joué – et il y a urgence, notamment au regard de la fin du quinquennat qui approche.
La politique publique de la protection de l’enfance a un défaut structurel : les études statistiques. La création de l’Observatoire national de la protection de l’enfance en danger (Oned) a été utile, mais il manque encore des observatoires dans les départements. Donc on ne peut pas répondre aux besoins spécifiques de ces jeunes. On a une difficulté à objectiver, à qualifier et à quantifier ce qu’ils sont. On en parle, mais, comme on n’a pas de visibilité, on ne sait pas où les mettre. Pourtant, la réalité est bien là : parce qu’il y a des ruptures tôt dans leur parcours, ils mettent à mal l’institution, et sont confrontés en retour à de la maltraitance institutionnelle. Peu de départements se sont adaptés à cette problématique, pour des raisons de financement. Les jeunes sont souvent placés en Mecs [maisons d’enfants à caractère social] plutôt que dans des structures hybrides, trop peu nombreuses, qui mêlent les dimensions sanitaire, liée au handicap, et sociale. Il faut aussi développer les lieux de vie pour permettre des séjours de rupture et retravailler le projet pour l’enfant. Aujourd’hui, on les place dans une case qui n’est pas la bonne, avec un outil non adapté.
Il faut une offre de services rénovée et adaptée aux territoires. Les agences régionales de santé, qui gèrent les IME (instituts médico-éducatifs) ou les Itep (instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques), doivent prendre leur part pour financer des établissements hybrides. Les structures de la protection de l’enfance doivent continuer à s’ouvrir aux autres acteurs, à informer de manière plus régulière lorsqu’un jeune quitte un dispositif. Il faut sortir de la logique comptable qui consiste en une gestion de places au quotidien. Et privilégier une logique de coconstruction qui permette aux associations habilitées de contribuer aux politiques mises en œuvre. Il faut faire bouger la relation institutionnelle établie, en créant par exemple un conseil des jeunes de la protection de l’enfance pour entendre les situations vécues. C’est plus porteur qu’une simple relation financière entre une collectivité et un établissement. L’Etat doit accompagner les départements dans cette politique vertueuse et la structurer. C’est un énorme chantier, mais il est primordial.
Il faut permettre aux éducateurs de mieux appréhender le terrain. Cela passe par de la coformation dans les organismes dédiés pour que les jeunes puissent interpeller les futurs travailleurs sociaux. En stage, la relation avec les jeunes n’est pas la même que lorsqu’ils sont en poste. La formation doit pouvoir évoluer aussi sur la posture à adopter : il faut arrêter de considérer que les travailleurs sociaux ne doivent pas s’attacher aux jeunes. Et trouver un juste équilibre.
(1) Groupement d’intérêt public enfance en danger, Conseil national de la protection de l’enfance, Agence française de l’adoption et Conseil national pour l’accès aux origines personnelles.