« Notre père souffre de la maladie d’Alzheimer, notre mère s’épuise à s’occuper de lui mais ne veut pas entendre parler d’Ehpad » ; « Mes parents vieillissent, mon frère polyhandicapé aurait besoin d’une tutelle, je n’ose pas leur en parler » ; « J’habite dans le même village que ma mère, je m’occupe d’elle mais j’ai de plus en plus de mal. Je n’arrive pas à le dire à mes frères et sœurs. » Etre aidant d’un proche en situation de dépendance expose à des tensions familiales exacerbées. Selon une étude du Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) publiée en octobre dernier, 42 % des aidants sont en conflit que ce soit avec l’aidé ou les autres aidants.
La relation peut se dégrader pour différents motifs : la prise de décision, la place de chacun et plus globalement la charge mentale liée à l’aide, la répartition de l’obligation alimentaire… Au-delà de la gestion du quotidien et des possibles désaccords, la décision d’une entrée en institution est aussi une importante source d’oppositions. Autant de situations qui peuvent être pacifiées par la médiation familiale. Si, en temps normal, celle-ci permet surtout de gérer des séparations ou des divorces, depuis le mois de mars et pour deux ans et demi, les services de l’Unaf (Union nationale des associations familiales) et la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie) expérimentent cette approche avec les proches aidants et les familles de personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie. Déjà mise en œuvre dans 19 départements, elle devrait s’étendre à 22 à la fin du mois de décembre (1).
« L’objectif n’est pas nécessairement d’arriver à un accord mais bel et bien d’apaiser les désaccords, affirme Jean-Philippe Vallat, directeur des politiques et actions familiales de l’Unaf. La médiation permet aux différentes parties de se parler, de rétablir la communication et d’essayer de trouver les solutions pour obtenir un mieux-être pour tout le monde. » Mais c’est la famille qui tranche, pas le médiateur.
Pour mener à bien ce projet, les professionnels ont suivi une formation spécifique. « J’ai été formée pendant deux semaines aux questions du handicap, du vieillissement, à la position d’aidant et à ses problématiques. Une grande partie de la formation est aussi juridique, autour de la protection des personnes, de la mise sous tutelle ou curatelle. Ainsi que sur l’obligation alimentaire, à l’origine de discordes familiales », témoigne Véronique Clément, médiatrice à l’Udaf Ille-et-Vilaine.
Cette approche innovante est particulièrement bienvenue dans le contexte de crise sanitaire et des problèmes qu’il révèle. « Pendant la première vague, les aides à domicile d’une personne âgée n’ont pas pu se rendre chez elle. L’aidant principal s’est substitué à ces professionnels, ce qui a engendré des tensions car ce n’est pas son rôle de s’occuper au quotidien de son proche », atteste Danièle Mele, médiatrice à l’Udaf Alpes-Maritimes.
(1) Aisne, Allier, Alpes-Maritimes, Aude, Bouches-du-Rhône, Charente, Charente-Maritime, Eure-et-Loir, Hauts-de-Seine, Haute-Marne, Ille-et-Vilaine, Maine-et-Loire, Marne, Mayenne, Pas-de-Calais, Haut-Rhin, Savoie, Saône-et-Loire, Seine-Maritime, La Réunion, Tarn-et-Garonne et Val-de-Marne.