Grilles des salaires, jours de congés, formation, carrière… Les cadres juridiques dessinés par les conventions collectives nationales (CCN) définissent des droits et perspectives pour les salariés. Le secteur sanitaire, social et médico-social non lucratif est principalement régi par les CCN 51 et 66. Mais, de l’avis de tous, elles sont aujourd’hui obsolètes, ne permettant plus de rémunérer le travail à sa juste valeur, n’offrant pas de moyens de valoriser l’engagement et maintenant un émiettement des formations et des métiers.
Il y a urgence à les réformer, chacune pour elle-même, mais aussi à favoriser leur rapprochement. A terme, une convention unique pourrait éclore, sans que personne ne se risque à pronostiquer une date. D’une part, les tensions entre partenaires sociaux demeurent grandes. De l’autre, la marge de manœuvre et de négociation se voit restreinte par la dépendance du secteur aux subsides publics. Pourtant, la prise de conscience des enjeux est effective (page 8) et des chantiers sont d’ores et déjà en cours (page 10). Un accord commun aux deux conventions en matière de formation a même été signé en septembre. Cela s’inscrit dans un contexte national où les pouvoirs publics imposent, avec une accélération du mouvement par la loi « travail » de 2016, une réduction drastique du nombre de branches, les contraignant à fusionner selon diverses méthodes. Une indéniable avancée, selon Myriam El Khomri, ex-ministre du Travail de François Hollande et auteure d’un rapport en 2019 sur l’attractivité des métiers du grand âge (page 12). Mais au-delà de ces enjeux de ressources humaines, deux autres questions essentielles affleurent. D’abord, comme dans toutes les branches, celle du paritarisme, puisqu’il incombe aux partenaires sociaux de s’accorder sur les dispositions à mettre en œuvre. Mais dans ce secteur aussi les organisations syndicales peinent à mobiliser. Peut-être même plus encore qu’ailleurs, à en croire Marcel Jaeger, professeur émérite au Conservatoire national des arts et métiers, et ex-titulaire de la chaire de travail social et d’intervention sociale : « C’est un secteur individualiste. Les travailleurs sociaux ont du mal à contribuer aux évolutions, ils se vivent trop comme des exécutants. Or il est temps de passer d’une position défensive à l’offensive. » Une remise en question qui soulève la seconde interrogation : celle de l’identité. Le code de l’action sociale et des familles propose bien « des racines et des valeurs communes », comme l’a redéfini un décret publié en mai 2017. Malgré tout, des incohérences et le morcèlement des fonctions et des titres nuisent à la visibilité des professionnels. Marcel Jaeger estime que « la juxtaposition de dispositifs est le prix de la créativité ». Mais il prévient : avant d’espérer être reconnu à sa juste valeur, il convient de clarifier l’organisation du secteur, y compris aux yeux du grand public.