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La pair-advocacy : faire entendre la parole de chacun

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La parole revendicatrice, nourrie de l’expérience des difficultés rencontrées, des discriminations subies, doit être entendue. C’est le credo porté par Advocacy France. Le réseau a conçu une formation à destination de tous, et en particulier des travailleurs sociaux et médico-sociaux, pour leur permettre d’adopter un nouveau positionnement vis-à-vis des personnes accompagnées.

« Une démarche citoyenne d’accès aux droits, née du constat de la discrimination à l’encontre de personnes en santé mentale fragile, notamment de celles qui connaissent ou ont connu la psychiatrie, porteuses d’étiquettes un peu lourdes. Une démarche portant ses fruits pour tous.

Cette idée fondatrice consiste à considérer que le droit n’est pas seulement celui des institutions judiciaires, des avocats, mais également celui qui traverse tout un chacun. Le droit qui nous fait être ce que nous sommes dans un Etat de droit : des citoyens. Pourtant, nombre d’entre nous peinent à accéder, en tant que personnes, à cette qualité de citoyen et à l’exercice de ses droits dans notre société.

Prendre la parole

Aussi la pratique née de cette démarche consiste-t-elle en une réappropriation du droit. Une façon de rétablir une justice sociale, de retrouver une place pour être vu, agir, exister sur la place publique ; être entendu et écouté. Et aussi d’être cru, c’est-à-dire de se sentir légitime dans ce que l’on a à dire ou à la place que l’on occupe, s’y voir respecté.

Pour atteindre cet objectif, des personnes se sont organisées, regroupées, autour d’un mot : “advocacy”. Un mot qui recouvre des pratiques de plaidoyers et d’actions pour faire valoir et soutenir l’accès à des droits sociaux et citoyens. Ce terme est passé dans la langue française, via les mouvements européens. C’est une autre manière de réclamer sa place dans la société, de faire valoir ses droits, de prendre la parole tout en ayant en face de soi quelqu’un pour être entendu.

Il ne s’agit pas seulement d’une parole de témoignage, mais d’une parole revendicatrice, une parole d’efficacité parce que chacun veut être entendu, exister pour l’autre, exister face aux institutions, dans sa singularité, avec toutes ses différences et toutes ses richesses.

Cette démarche d’advocacy trouve son origine dans la construction d’un plaidoyer porté par des militants, des professionnels, des parents et des personnes directement concernées. Petit à petit est venue l’idée que la principale difficulté pour que des personnes s’approprient leurs droits et occupent leur place dans la société venait de l’organisation même des services. De ce que le sociologue Robert Castel appelle la “gestion des publics”, c’est-à-dire la mise en concurrence des malheurs dans des organisations aux ressources limitées.

Au lieu de revendiquer la spécificité de leurs publics et leurs statuts respectifs – professionnel, parent, personne concernée… –, il faut répandre l’idée que pour être citoyen l’accès aux droits doit être inconditionnel.

Partage d’expériences

Voilà pourquoi des personnes de différentes associations se sont regroupées pour construire un modèle de positionnement citoyen. Il ne s’agit pas de créer une nouvelle fonction ou un nouveau service, mais d’assumer les uns aux côtés des autres une responsabilité citoyenne, d’entraide, au plus près des préoccupations des personnes qui vont avoir besoin l’une de l’autre, tour à tour.

Chacun peut aider une autre personne, pour cela il va s’appuyer sur son expérience. Sur ce qu’il a vécu comme type de discrimination, par exemple le fait de ne pas être entendu.

Ce chemin vaut la peine d’être analysé pour savoir sur quelles compétences, quels savoirs, quelles ressources, cette personne s’est appuyée pour arriver à sortir de sa difficulté. C’est dans le partage de ces expériences, en explorant ces chemins singuliers, et en réfléchissant ensemble aux processus de discrimination que les uns et les autres vont se situer et agir en pair. Si je gagne en droit, l’autre également. C’est gagnant-gagnant.

Petit à petit, s’est bâtie une formation qui fonctionne depuis plusieurs années. Promoteurs de cette pratique citoyenne du droit, la pair-advocacy, nous nous sommes nommés “pairadvocates”. Avec Marie-Claude Saint-Pé, pour l’association Institut international de recherche-action (2Ira), moi-même pour l’association Advocacy, et d’autres venus nous rejoindre(1), nous avons construit cette formation sur quelque chose de très original, une démarche expérientielle : apprendre de son expérience et transformer notre vécu en ressource, pour soi-même dans un premier temps, et pour les autres ensuite. Cette expérience s’arrime à la conviction, qui doit être un positionnement très fort, que l’autre doit être libre et a la capacité de devenir ce qu’il est. Les personnes font des choix qui doivent être entendus.

Ne pas reproduire certains modèles d’assistance

Il ne s’agit pas de nier les difficultés, de dire que tout le monde peut ou veut accéder à telle ou telle norme, mais de répondre au défi du comment vivre ensemble en égalité, en fraternité, et surtout en citoyenneté. Et ce mot de citoyen, on voudrait qu’il ne soit pas banalisé mais qu’il prenne du sens. Dans ce travail de formation, on essaie de faire en sorte que les personnes ne reproduisent pas des modèles d’assistance contre lesquels on se bat, mais qu’advienne quelque chose d’un peu nouveau dans la relation de soutien. Une façon d’accueillir une singularité valable pour tout un chacun.

De temps en temps, nous recevons dans nos formations des professionnels du social, des accompagnateurs du médico-social, des parents. A travers cette démarche, ils peuvent trouver un nouveau positionnement en considérant que chacun vit ses expériences et que si ces dernières sont partageables, elles ne sont pas substituables. C’est à partir de leur partage que chaque participant va tirer quelque chose qui va le transformer, lui, et son rapport à l’autre. Pour peu que l’on soit suffisamment ouvert à ce qu’est l’autre, à ce qu’il veut, alors le soutien qu’on lui apporte lui permet de construire ses ressources propres.

Derrière ces pratiques citoyennes que nous essayons de propager, c’est le dépassement des étiquettes posées a priori sur les personnes qui est en jeu. C’est considérer que la personne n’est pas le problème. Que c’est la situation dans laquelle elle se trouve qui l’est. Cette situation doit donc faire l’objet d’une enquête menée de concert entre aidant et aidé, afin de comprendre et d’agir.

Nous avons par ailleurs, soutenus par la région Ile-de-France, créé un e-learning pour diffuser cette formation plus largement. Vers toutes les personnes, quels que soient leur statut et leur expérience personnelle ou professionnelle, qui veulent en accompagner d’autres dans la réappropriation de leurs droits.

Nous pensons qu’en diffusant cette pratique dans la relation d’aide, nous allons gagner ensemble ! C’est en partageant des expériences que la rencontre se fera, comme la rencontre s’est déjà faite avec beaucoup. Notamment sur la façon dont les personnes aidées se créent des ressources et sur le positionnement à avoir quand on a l’intention d’aider l’autre. Il y a beaucoup de demandes d’accompagnants qui souhaitent pratiquer la pairadvocacy.

Cette démarche citoyenne permet de faire évoluer les pratiques de soutien et d’accompagnement afin de les mettre réellement en phase avec les intentions affichées des institutions du social et du médico-social déclinées en termes d’empowerment ou d’inclusion.

Plus cette pratique sera partagée, plus elle pourra s’affiner, se développer. Nous souhaitons que les personnes qui résident sur des planètes différentes, chacune enfermée avec son public, puissent s’enrichir les unes les autres. Le but ultime étant d’être tous plus libres, plus citoyens, plus fraternels. »

Notes

(1) Notamment avec le support intitulé « Etre son propre défenseur » des associations québécoises regroupées au sein de l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (Agid-SMQ).

Contact : www.advocacy.fr

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