Alors que la crise sanitaire n’en finit plus de s’étirer sur l’année 2020, l’isolement est le compagnon le plus fidèle du manager en travail social. Ces hommes et ces femmes qui choisissent d’assumer une responsabilité hiérarchique subissent de plein fouet les effets collatéraux du choc pandémique. Dans de nombreuses structures, l’instauration de temps d’échanges dématérialisés a bouleversé les procédures et laissé les acteurs de terrain démunis, crispés, perdus. Ces derniers se retournent naturellement vers leur hiérarchie, qui doit elle-même affronter au quotidien de multiples injonctions contradictoires. A titre d’exemple, on peut mentionner la situation de cet institut médico-éducatif du nord de Paris accueillant des enfants autistes. Tous les meubles de l’établissement ont été… déménagés. Pour quelles raisons ? Parce que le protocole sanitaire de l’agence régionale de santé imposait de les nettoyer quotidiennement. Une tâche impossible à assumer pour le personnel. Outre les vicissitudes de la conjoncture virale, ces managers doivent affronter un profond bouleversement de la nature de leurs missions, influencée toujours davantage par un modèle d’entreprise à la recherche d’efficacité et de rentabilité. Et ce, tout en s’efforçant de préserver la spécificité sociale de leurs structures et le caractère unique des publics fragiles dont celles-ci ont la charge.
Plus que jamais, ces travailleurs sociaux polymorphes doivent allier diplomatie, vision stratégique, gestion budgétaire, efficacité marketing et bienveillance dans les rapports humains avec leurs équipes. Malheureusement, les moutons à cinq pattes se font aussi rares dans le social et le médico-social qu’ailleurs. Sans renfort rapide, qui ne peut survenir que grâce à une politique budgétaire favorable, ces profils essentiels glissent vers le surmenage, l’épuisement.
Une multiplication des burn-out n’est pas à exclure, si l’on prête foi aux nombreux retours de terrain. Elle serait dévastatrice car, outre la perturbation qu’elle engendrerait dans les structures concernées, elle découragerait encore davantage les vocations.