La crise sanitaire a encore dégradé, si cela était possible, l’image publique des ehpad. Près de 16 000 des 50 000 morts de la Covid-19 ont été recensés dans ces établissements conçus pour accueillir le très grand âge et la dépendance de fin de vie. Si la France se complaît à critiquer ses maisons de retraites, et par là même les nombreux professionnels y exerçant leur métier avec dévouement, elle va devoir admettre qu’il n’existe pas de réelles solutions alternatives dans l’épineux dossier de la prise en charge de nos aînés. Déjà 800 000 personnes résident dans ces structures qui vont devoir affronter un véritable choc démographique avec le basculement des baby-boomers dans les 4e et 5e âge au cours des vingt ans à venir. Notre pays pourrait compter jusqu’à 40 000 personnes âgées en perte d’autonomie supplémentaires chaque année. Pour contenir ce flux, de lourds investissements sont nécessaires. L’actuel gouvernement a pourtant veillé à ne pas accorder une ligne budgétaire trop fournie à la rénovation des établissements publics. Seuls 2,1 milliards d’euros seront consacrés à ces chantiers. Une timidité regrettable et peu en rapport avec la volonté affichée de transformer ces lieux d’accueil. Car pour les revisiter en véritables espaces de vie, les recettes sont non seulement connues mais éprouvées. Il s’agit avant tout de les modifier architecturalement afin qu’ils soient ouverts sur le monde et intégrés à la vie de la cité (page 12). Il s’agit également de développer de petites structures d’une capacité maximale de 20 personnes, de promou-voir la prise en charge personnalisée et d’accorder une place prépondérante à l’écoute et au respect de la volonté de l’usager (page 8). Pour relancer un modèle à bout de souffle, le psychanalyste Jack Messy propose une « thérapie par le milieu ». Un concept qui met l’ensemble des intervenants, du jardinier aux médecins en passant par les aides-soignantes, en lien avec les résidents (page 14).
Pour que cet Ehpad du futur, si désirable sur le papier, puisse se concrétiser, il sera collectivement nécessaire de résister aux forces du marché. Les acteurs privés ont régulièrement vu leurs pratiques épinglées par la presse d’investigation. Car à offrir des conditions salariales et de travail dégradées à ses salariés, on créé de facto des violences institutionnelles incompatibles avec les besoins réels des personnes âgées. Si les groupes opérant sur le secteur ne sont pas en mesure de modérer leurs appétits pécuniaires, la puissance de la régulation publique devra alors s’imposer.