« Nous nous devons les uns aux autres beaucoup de bienveillance. Les esprits sont parfois fatigués, les débats s’échauffent. Dans cette période, nous ne devons pas nous laisser emporter. » Ces mots ont été prononcés par Emmanuel Macron, le mardi 24 novembre au soir. Certes, le président de la République évoquait à l’occasion de cette allocution télévisée la pandémie de Covid-19. Ce message présidentiel aurait dû être adressé dès la veille à l’ensemble des forces de l’ordre mobilisées pour déloger des réfugiés et des acteurs de la société civile venus installer un campement provisoire place de la République à Paris, dans le but d’alerter sur leur misérable condition. Dans un climat de brutalité, les violences policières se sont multipliées au cours de cette triste soirée. Sous l’œil des caméras du monde entier, des migrants ont été jetés hors de leurs tentes, gazés à bout portant, matraqués sans aucun ménagement. Une fois délogés, ces mêmes migrants ont été escortés par la police hors des limites de la capitale, sous la menace et les insultes racistes. Les militants associatifs et les journalistes ont subi le même sort. Certains ont été bousculés, fauchés, attaqués alors même qu’ils ne représentaient pas la moindre menace pour l’ordre public. Cette « nuit de la honte », telle qu’elle est désormais nommée dans les journaux, ne constitue en rien une exception à la dérive sécuritaire à l’œuvre depuis l’accession d’Emmanuel Macron au pouvoir. Le cinglant exemple de la répression des Gilets jaunes le rappelle à ceux qui seraient tentés de l’oublier.
Car à matraquer sans distinction ceux qui contestent sa politique, le gouvernement prend le risque d’une explosion de violences. Celui-là même qu’il prétend vouloir combattre à coups de doctrines de maintien de l’ordre iniques ou d’article 24 de la scélérate loi dite de « sécurité globale » visant à empêcher que les violences policières soient filmées et diffusées sur le web.
La presse, les syndicats ou les travailleurs sociaux sont autant de corps intermédiaires, qui, lorsqu’ils jouent pleinement leur rôle, font office de respiration démocratique. Si leurs voix sont systématiquement niées ou bafouées, elles finissent immanquablement par se taire. Elles revêtent aujourd’hui les atours du canari qu’emmenaient les mineurs du XIXe et du XXe siècle dans les puits de houille. Lorsque le canari cessait de chanter, le coup de grisou devenait imminent. La moindre étincelle pouvait faire s’effondrer la galerie au fond de laquelle les mineurs étaient piégés.
Nous en sommes désormais là. A respirer un air putride.
Et à craindre la moindre flammèche explosive.