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Le droit au logement opposable

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Le droit au logement opposable

Crédit photo Alison Dahan, Clarisse Girard
Institué par la loi du 5 mars 2007, le droit au logement opposable permet à des personnes mal logées d’être reconnues prioritaires dans l’attribution d’un logement social. Présentation et bilan du dispositif.

Selon le 25e rapport sur l’état du mal-logement en France publié par la Fondation Abbé Pierre en janvier 2020, 4 millions de personnes sont mal logées sur notre territoire et 12,1 millions sont impactées par la crise du logement.

Face à ces chiffres sur le mal-logement en France, différents dispositifs existent pour venir en aide aux personnes touchées par ce type de précarité.

Les « personnes de ressources modestes » et les « personnes défavorisées » peuvent ainsi obtenir un logement social sous réserve de remplir certaines conditions de revenus (code de la construction et de l’habitation [CCH], art. L. 441 et s.). Cependant, malgré la demande de logement social, certaines personnes en difficulté remplissant pourtant les conditions d’accès ne se voient pas proposer de logements adaptés à leurs besoins. Le législateur est ainsi intervenu pour les accompagner en créant le droit au logement opposable (Dalo).

Le Dalo constitue le droit d’obtenir l’attribution, par l’intermédiaire de l’Etat, d’un logement décent et indépendant pour les personnes qui résident régulièrement sur le territoire français et ne peuvent pas y accéder par leurs propres moyens ou s’y maintenir. Il a été introduit par la loi du 5 mars 2007(1) à la suite des événements dramatiques survenus à Paris en 2005 lors des incendies dans des immeubles accueillant des mal-logés.

Ce dossier fait le point sur la procédure du Dalo, dresse un bilan de sa mise en œuvre et revient sur son application pendant la crise sanitaire.

I. La procédure de mise en œuvre du Dalo

Pour assurer l’effectivité du droit au logement opposable, le législateur a mis en place une procédure spécifique composée d’une phase amiable devant une commission départementale de médiation puis, le cas échéant, d’une phase contentieuse devant le tribunal administratif.

A. La phase amiable devant la commission départementale de médiation

Toute personne ayant sollicité l’attribution d’un logement social et remplissant les conditions d’accès a la faculté d’effectuer un recours amiable devant la commission départementale de médiation dès lors qu’elle n’a reçu aucune proposition adaptée à ses besoins.

La commission de médiation peut être saisie lorsqu’une demande de logement social a été réalisée mais que le demandeur n’a reçu aucune proposition adaptée au-delà d’un délai anormalement long. On notera que ce délai diffère selon les départements et est établi par arrêté du représentant de l’Etat dans le département en fonction des circonstances locales (CCH, art. L. 441-1-4).

Dans certaines hypothèses limitativement énumérées par la loi, le demandeur de bonne foi peut saisir la commission sans aucune condition de délai. C’est le cas du demandeur (CCH, art. L. 441-2-3) :

• dépourvu de logement ;

• menacé d’expulsion sans relogement ;

• hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, logé dans des locaux impropres à l’habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux ;

• logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d’un logement décent, ayant au moins un enfant mineur présentant un handicap ou s’il a au moins une personne à charge présentant un handicap.

En vue de saisir la commission de médiation, il convient de remplir un formulaire cerfa(1) et de joindre des pièces justificatives (situation de famille, titre de séjour, copie des lettres de refus, ressources…).

A noter : Les services sociaux et les associations agréées de défense des personnes en situation d’exclusion peuvent assister les demandeurs (CCH, art. L. 441-2-3).

De surcroît, la commission peut demander des informations aux bailleurs chargés de la demande ou connaissant la situation locative antérieure du demandeur mais également aux services sociaux en contact ce dernier (CCH, art. L. 441-2-3). Après instruction de la demande, la commission rend un avis dans un délai de 3 mois à compter de la réception de la demande (CCH, art. R. 441-15).

Cet avis se prononce sur le caractère prioritaire ou non de la demande et sur l’urgence de l’attribution d’un logement. Il prend en compte différents critères (CCH, art. R. 441-16-2) :

• la taille et la composition du foyer ;

• l’état de santé, les aptitudes physiques et les handicaps des personnes qui vivront au foyer ;

• la localisation des lieux de travail ou d’activité ;

• la disponibilité des moyens de transport ;

• la proximité des équipements et services nécessaires à ces personnes ;

• tout autre élément pertinent propre à la situation personnelle du demandeur ou des personnes composant le foyer.

La commission peut rendre deux types de décision :

• soit elle établit que la demande de logement est prioritaire ;

• soit, au contraire, elle estime que la demande n’est pas prioritaire ou urgente.

• Dans l’hypothèse où la demande est jugée prioritaire par la commission, elle est notifiée au demandeur et transmise au préfet. Le préfet se met ensuite en contact avec le parc public social et le parc privé conventionné pour qu’un logement adapté soit proposé dans les meilleurs délais. Des propositions de logement adaptées doivent alors être effectuées dans un délai de 3 mois.

B. La phase contentieuse devant le tribunal administratif

Si aucune proposition adaptée n’a été faite dans un délai de 3 mois à compter de la décision de la commission, ou si la commission a rendu une décision défavorable, un recours peut être introduit devant le tribunal administratif (CCH, art. L. 441-2-3-1 et R. 441-16-1).

A noter : Ce recours est ouvert aux demandeurs qui peuvent saisir la commission de médiation sans condition de délai mais également, depuis le 1er janvier 2012, aux personnes qui doivent attendre l’expiration d’un délai d’attente anormal avant de former un recours. En revanche, le recours n’est pas ouvert si la personne a reçu une proposition de logement adaptée à ses besoins et qu’elle l’a refusée. Aucune autre proposition ne lui sera faite et elle ne pourra pas formuler de recours devant le tribunal administratif.

Le recours devant le tribunal administratif doit être porté dans un délai de 4 mois à compter de l’expiration du délai laissé au préfet pour proposer un logement adapté. Il doit être accompagné de la décision de la commission de médiation ou, en l’absence de commission, d’une copie de la demande déposée auprès du préfet (code de justice administrative [CJA., art. R. 778-2).

Une fois saisi, le tribunal statue ensuite dans un délai de 2 mois (CCH, art. L. 441-2-3-1). Si le président du tribunal ou le magistrat désigné constate que la demande prioritaire doit être satisfaite d’urgence et qu’un logement adapté n’a pas été offert au demandeur, il peut ordonner, éventuellement sous astreinte, le logement ou le relogement de la personne (CCH, art. L. 441-2-3-1). On notera que l’astreinte prononcée par le juge n’est pas versée au demandeur mais au Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL).

Par ailleurs, lorsque le recours contentieux devant le tribunal administratif n’a pas permis au demandeur prioritaire d’accéder à un logement adapté, ce dernier peut engager la responsabilité de l’Etat pour faute en vue d’obtenir une réparation du préjudice subi. Le Conseil d’Etat précise que le préjudice est apprécié « en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l’Etat, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l’Etat » (CE, 5e-4e ch. réunies, 12 décembre 2016, n° 383111).

II. Le bilan de la mise en œuvre du Dalo

Le Dalo est entré en vigueur le 1er janvier 2008. Douze ans après son instauration, un bilan peut être effectué au regard de l’analyse de la Cour des comptes et de celle du comité de suivi de la loi Dalo. Un dispositif impacté par la crise sanitaire actuelle.

A. Les enseignements de l’enquête de la Cour des comptes

Entre 2015 et 2016, la Cour des comptes a réalisé une enquête sur la mise en œuvre du Dalo sur le territoire. Elle a adressé ses conclusions à la ministre du Logement et de l’Habitat durable, le 23 décembre 2016. La Cour constate que la répartition territoriale des recours amiables est très inégale puisque 87 % des demandes émanent de 18 départements parmi lesquels des départements de la région Provence-Alpes-Côte–d’Azur et de la région Ile-de-France.

La Cour des comptes relève que la procédure est complexe et conclut que cette dernière peut dissuader les dépôts de demandes. En outre, elle constate que même si le taux de logement et de relogement s’améliore, il est encore parfois limité. En effet, « fin 2015, 40 % des ménages qui avaient été reconnus prioritaires en 2014 attendaient toujours un relogement, et ce pourcentage s’élevait à près de 53 % en Ile-de-France et en Paca ». Enfin, la Cour fait état d’un engagement croissant de la responsabilité de l’Etat. A titre d’illustration, au cours de la période 2010-2015, 89,3 millions d’euros d’astreintes ont été payés par l’Etat.

Au regard de ce bilan, les Sages de la rue Cambon ont formulé certaines recommandations intégrant le renforcement de l’accompagnement des demandeurs et le soutien aux commissions de médiation.

B. L’étude des statistiques de l’année 2019 par le Comité de suivi de la loi Dalo

La loi du 5 mars 2007 a créé un comité de suivi sur la mise en œuvre du Dalo composé de différents acteurs du secteur du logement et de l’hébergement. Il s’est prononcé le 3 mars 2020 sur les statistiques de l’année 2019. Après plusieurs années de stagnation, le nombre de demandes est reparti à la hausse en 2019. 99 799 recours ont été déposés au cours de l’année 2019 contre 94 240 en 2018. De surcroît, le nombre de décisions favorables a également augmenté et est passé à 34 451.

En revanche, le comité observe avec inquiétude que le nombre de bénéficiaires du Dalo non encore relogés est en nette augmentation. En effet, à la fin de l’année 2018, on dénombrait 62 907 personnes prioritaires non relogées contre 71 713 fin 2019, soit une hausse de 14 %. Le comité emploie les termes de « naufragés du Dalo » pour ces personnes en attente de logement depuis 1 à 11 ans. La situation est également préoccupante du côté du droit à l’hébergement opposable (Daho) (voir encadré ci-dessous) qui est « en péril » puisque le nombre de recours diminue et passe sous la barre des 10 000. Le comité de suivi estime que cette situation serait due au « très faible niveau de propositions d’hébergements ». A titre d’illustration, en 2019, 7 629 ménages ont été reconnus bénéficiaires du Daho mais seulement 550 propositions ont été formulées.

La présidente du comité de suivi, Arlette arlotti, estime que « l’absence de réponse de relogements à la hauteur est un échec de l’effectivité de la loi, inacceptable à l’heure du “Logement d’abord”. En conséquence, le comité de suivi de la loi Dalo demande au gouvernement de mettre en place un plan d’urgence d’accès au logement et à l’hébergement des ménages reconnus au titre du Dalo sous le contrôle du comité de suivi. »

C. L’épidémie de la COVID-19 et le Dalo

L’épidémie de la Covid-19 et le confinement ont impacté plus durement les personnes les plus précaires et notamment les personnes mal logées et sans abri.

Face à cette situation et aux répercussions sur la mise en œuvre du droit au logement opposable, le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD) a rendu un avis le 22 avril dernier. Il préconisait notamment que les commissions de médiation se réunissent par vidéoconférence et que les commissions d’attribution de logements soient maintenues. De surcroît, le HCLPD souhaitait une prolongation de la trêve hivernale de 4 mois à compter de la sortie de l’état d’urgence sanitaire afin d’éviter que les pertes de revenus dues à la crise sanitaire entraînent des expulsions supplémentaires.

Les autorités ont mis en place certaines mesures pour tenter de réduire les répercussions de la crise sanitaire sur le droit au logement. A titre d’illustration, pour le contentieux administratif du Dalo, les juges administratifs peuvent dorénavant statuer sans audience dans l’hypothèse où « le prononcé d’une injonction s’impose avec évidence au vu de la situation du requérant » « après avoir mis le représentant de l’Etat en mesure de présenter ses observations en défense et clôturé l’instruction » (ordonnance n° 2020-558 du 13 mai 2020). En outre, les délais relatifs à l’instruction des dossiers Dalo ont été prorogés de 1 mois à compter de la cessation de l’état d’urgence (ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020).

La trêve hivernale a ensuite été prolongée à plusieurs reprises et s’est finalement achevée le 10 juillet 2020, date de la fin de l’état d’urgence sanitaire (loi n° 2020-546 du 11 mai 2020). En outre, le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités a précisé, dans un communiqué de presse du 4 mai 2020, avoir ouvert plus de 21 000 places d’hébergement pour les sans-abri.

Néanmoins, la situation des personnes les plus démunies demeure préoccupante comme en témoignent les différentes associations qui les accompagnent. De surcroît, il semble que le plan « France Relance » du gouvernement, présenté le 3 septembre dernier, n’intègre pas de dispositions particulières pour l’amélioration du Dalo, malgré un titre consacré au soutien aux personnes précaires et une action relative au soutien exceptionnel aux personnes en grande précarité intégrant la construction de nouvelles structures et la réhabilitation de structures existantes n’offrant pas des conditions de vie dignes aux personnes et les exposant à des risques en cas d’épidémie.

Valeur juridique du droit au logement

En 1982, le législateur a reconnu au droit à l’habitat un caractère fondamental(1). Une dizaine d’années plus tard, la loi « Besson »(2) est venue préciser : « Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation. »

Le droit au logement revêt une dimension particulière dans notre système juridique et est très étroitement lié à la notion de dignité. En effet, selon le Conseil constitutionnel, « la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle » qui découle notamment du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine (Décision n° 94-359 DC, 19 janvier 1995). En outre, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a également établi un lien entre l’accès à un logement et la dignité (CEDH, 18 janvier 2001, n° 24882/94, § 110).

Délai de saisine du Juge

Par un arrêt récent, le Conseil d’Etat est revenu sur le point de départ du délai pour saisir le juge administratif en l’absence de proposition de logement. Ainsi, l’arrêt précise que le délai de 4 mois impartis au demandeur pour saisir la juridiction en l’absence de proposition de logement doit courir à compter de l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de la date de la décision de la commission ou lorsque la commission reconnaît au demandeur une priorité d’accueil sans spécifier que ce dernier ne peut être proposé que dans certaines structures, dès l’expiration d’un délai de 6 semaines à compter de la décision de la commission (CE, 8 octobre 2020, n° 431618).

Le droit à l’hébergement opposable

Il ne faut pas confondre le droit au logement opposable (Dalo) et le droit à l’hébergement opposable (Daho). Ce dernier concerne les personnes qui ont demandé « l’accueil dans une structure d’hébergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale » et qui n’ont reçu aucune proposition (CCH, art. L. 441-2-3).

Dans ces différentes hypothèses, la procédure à suivre est similaire à celle du Dalo. En effet, il est possible de former un recours auprès de la commission départementale de médiation. Si la demande est considérée comme prioritaire, le préfet procède à la désignation de la personne au service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO). Une place dans une structure d’hébergement doit être proposée dans un délai de 6 semaines à compter de la décision de la commission de médiation. Ce délai est porté à 3 mois lorsque la commission a préconisé l’accueil dans un logement de transition ou dans un logement-foyer (CCH, art. R. 441-18). A l’expiration des délais, si aucune proposition n’a été émise, le tribunal administratif peut être saisi.

Notes

(1) Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

(1) Loi n° 82-526 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs.

(2) Loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.

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