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Lettre à Camille

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Tu viens d’arriver, charmante et souriante, dans notre service. Premier stage de première année. Nous t’accueillons avec un café et un sourire. Prenons quelques minutes pour discuter. Tu veux bien ? Tu nous dis avoir un peu peur. Peur de tes réactions face à la nudité de ces gens que tu ne connais pas. Peur de ne pas savoir faire, de ne pas savoir répondre.

Nos sourires répondent à tes doutes et nous tentons de te rassurer. C’est normal de ne pas savoir, tu es en stage, tu n’as pas encore appris. C’est normal d’avoir peur, tout est nouveau et inconnu. Aujourd’hui, tu as tout à découvrir : les soignants, le service, les résidents… et les corps. Toutes sortes de corps. Les corps pudiques. Les corps dégoulinants de chair. Les corps décharnés, fragiles, abîmés. Les corps brûlés, sensibles, fragiles. Les corps blessés, cassés, douloureux. Les corps et les fluides, les fluides et leurs odeurs. Urines, selles, sueur, escarres… Il ne faut pas avoir le nez délicat dans ce métier.

Il pourra t’arriver d’être gênée, choquée, voire carrément dégoûtée. Si c’est le cas, reste un peu en retrait ou sors de la pièce. Tu auras tout le temps pour apprendre, alors va à ton rythme.

Nous, on a l’habitude, et notre regard est usé d’avoir déjà vu trop de choses. Il y a les corps… et il y a les âmes. Il y a toutes ces vies autour de toi, une multitude de petites histoires dans la grande histoire. Il y a le sublime et le sordide, parfois les deux à la fois. Une rencontre dans un café, une amitié au long cours, un voyage inoubliable…

Un accident, des violences conjugales, la mort d’un enfant… Des histoires qui t’en rappelleront d’autres.

Celle d’une vie et celle d’une fin de vie. Celle d’une naissance et celle d’une mort. Ton histoire et celle d’un autre.

Autant d’histoires que de vies. Des pages et des pages d’un livre qui n’a jamais été écrit.

Et toi, Camille, toi au milieu de ces corps et de ces âmes, toi, tu apprendras à devenir une soignante. Tu entreras dans une chambre sur la pointe des pieds, tout doucement, pour ne pas réveiller le vieil homme qui dort. Tu aideras la femme perdue à retrouver le chemin de la salle à manger. Tu couvriras pudiquement d’une serviette l’homme dénudé. Tu ne riras pas aux propos incohérents de la femme démente, tu ne détourneras pas le regard face aux souillures corporelles de ceux qui s’oublient.

Tous ces corps dont tu prendras soin, ils ne sont pas sales, ils s’expriment, ils ne sont pas vieux, ils ont vécu. Traite-les avec douceur et pudeur.

Toutes ces âmes que tu découvriras, elles sont bien plus que les quelques mots laissés dans leurs dossiers administratifs. Elles sont uniques, complexes, plus que jamais vivantes. Occupe-t’en avec déférence et patience.

Tu ne feras que passer dans leur vie, et puis tu partiras… et ils resteront.

Certains t’oublieront, des stagiaires il y en a tant, d’autres se souviendront d’un sourire bienveillant, d’une main qui accompagne, d’une voix qui réconforte. De toi, Camille, soignante en devenir.

La minute de Flo

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