Un autre regard

C’est pourquoi le livre du psychologue et psychanalyste Christian Gauffer peut surprendre, voire dérouter. Loin des discours simplistes, des conclusions convenues, il invite à réfléchir autrement sur les violences au sein du couple, ne serait-ce que parce que la société elle-même est féroce. « Sauf exception, les violences conjugales n’ont rien à voir avec le fait que l’un ou l’autre soit gentil ou méchant. Et ce n’est pas forcément celui qui frappe qui est à l’origine de la violence », écrit-il. Le pavé dans la marre est jeté. Si le professionnel n’accuse pas, il n’excuse pas non plus mais cherche simplement à donner à voir au-delà des apparences.

La violence est un rapport de force qui fait fi de l’autre. Mais une histoire se construit à deux. Et une question est récurrente au sujet des femmes battues : pourquoi, quand les coups sont réguliers, ne partent-elles pas, ne quittent-elles pas leur bourreau ? « Celui ou celle qui passe à l’acte en exprimant sa violence porte 100 % de responsabilité, mais celui ou celle qui consent à subir les violences lorsqu’elles se répètent porte également la totalité des responsabilités. Toute autre position serait du côté de la victimisation, c’est-à-dire d’une position qui conduirait la victime à être privée de sa position de sujet ». Un point de vue étayé par de nombreux témoignages que le clinicien, qui travaille dans des centres médico-sociaux de quartiers défavorisés, rapportent à propos des femmes qui s’en sont sorties. Syndrome de toute-puissance de celles qui pensent pouvoir changer le mari violent, déni, masochisme, fragilités narcissiques qui poussent à accepter l’inacceptable…

Les processus en jeu chez la victime sont aussi inconscients qu’irrationnels. Dans ces mécanismes complexes, une chose est sûre : pour briser le cercle vicieux, les victimes doivent se faire aider. A la veille du premier anniversaire du Grenelle des violences conjugales, un chiffre fait frémir : en 2019, 146 femmes ont été tuées en France par leur conjoint.