Le destin des rapports, même commandés par le gouvernement, est souvent qu’ils finissent enterrés. Entre les lettres de mission qui les ont sollicités et les dates de remise, les priorités, voire les décideurs, changent. Mais il existe aussi, plus rarement, des rapports qui se voient revendiqués avant même leur publication officielle. Et par un ministère qui n’en est pas à l’origine. Ce fut le cas, la semaine dernière, de celui rédigé par Philippe Denormandie et Cécile Chevalier sur les « aides techniques pour l’autonomie des personnes en situation de handicap ou âgées », et qui invite à une « réforme structurelle indispensable ». Il devait être remis au comité interministériel du handicap, initialement programmé le 29 octobre. Mais pour d’évidentes raisons liées aux nouvelles mesures sanitaires, cette réunion publique a été reportée sine die. Logiquement, ce rapport, fruit d’un an de concertation avec des professionnels (ergothérapeutes, associations représentatives de personnes, gestionnaires d’établissements…) aurait dû être dévoilé par Sophie Cluzel. Mais la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées s’est vue prise de vitesse par… sa collègue, la ministre déléguée à l’autonomie. Le cabinet de Brigitte Bourguignon l’a en effet envoyé à la presse le 28 octobre, dans la soirée. Or il ne sagit pas de la version définitive mais d’un… brouillon. Et les auteurs eux-mêmes n’ont pas été avertis. Pris de court, ils peinent à masquer leur irritation.
Si cette histoire témoignait de la seule volonté d’exister d’une membre du gouvernement s’efforçant de trouver sa place dans l’ombre d’Olivier Véran, le ministre des Solidarités et de la Santé, elle prêterait à sourire. Cette anecdote sur les coulisses du pouvoir témoigne en réalité d’une forme d’amateurisme et d’instrumentalisation de la question, pourtant cruciale, de l’autonomie des personnes âgées et handicapées. Car, comme le notent les auteurs du rapport, ces aides techniques (fauteuils roulants, outils pour faciliter la communication…) comptent parmi les piliers de l’autonomie de ces personnes.
A l’heure où le souhait est partout affiché de permettre à chacun de vivre le plus longtemps possible à son domicile, ces préconisations sont essentielles. En particulier celles visant à réduire le reste à charge, qui permettrait une égalité de traitement pour les personnes, quels que soient leurs moyens financiers.
Seuls les mois à venir nous diront si ces recommandations seront adoptées et financées ou si leur concrétisation restera perdue dans de bien peu glorieux jeux de pouvoir.