Le 13 avril dernier, sur son compte Twitter, la psychologue Marie de Hannezel s’était ouvertement prononcée contre la prolongation du confinement aux seuls seniors. Une mesure qu’elle estimait « injuste » et « dangereuse » pour les personnes âgées, qui risquaient de se laisser mourir faute de pouvoir se raccrocher à ce qui rythmait leur quotidien. Aujourd’hui, cette spécialiste du vieillissement et de la fin de vie revient sur les effets délétères des restrictions imposées par la crise sanitaire à nos aînés les plus fragiles. « Ainsi, parmi ceux qui sont morts, on ne saura sans doute jamais qui était atteint du Covid-19 et qui est mort de solitude et de chagrin », écrit-elle. Visite interdite, rupture brutale des liens affectifs, désarroi des familles et des soignants, infantilisation, tri des patients, adieux impossibles, obsèques minimales… Elle interroge la folie hygiéniste qui s’est emparée de la France à ce moment-là et appelle à une prise de conscience afin que ne se produise « plus jamais ça ». La peur de l’épidémie aurait-elle eu raison de l’humain ? Le livre dépasse le seul contexte du coronavirus pour poser des questions essentielles : la place des personnes âgées dans la société, l’accompagnement de la fin de vie et le déni de la mort, qui se traduit par un sentiment de toute-puissance, par un manque d’attention à l’autre et, dans certaines maisons de retraite, par un « non-événement », une absence de rituels, voire de l’annonce des décès aux autres résidents. « Ceux qui restent ont l’impression que leur existence n’a plus d’importance pour personne ». Faute de pouvoir exprimer leurs émotions, les soignants, eux, « ont l’impression de perdre une part de leur humanité ». La crise sanitaire a rappelé cruellement que l’isolement tue, que la relation humaine donne du sens à la vie. Pourtant, la thérapeute se demande encore pourquoi la population a été si docile, au point de ne pas oser franchir les portes des Ehpad pour aller embrasser un parent mourant ? A méditer, au moment où l’épidémie semble rebondir.
« L’adieu interdit » – Marie de Hennezel – Ed. Plon, 16 €.