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« Sortir de la logique d’hébergement »

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« Demain, je pourrai choisir d’habiter avec vous ! », tel est le titre du rapport de Denis Piveteau, président de la 5e chambre de la section du contentieux du Conseil d’Etat, et Jacques Wolfrom, directeur général du Groupe Arcade-VYV, remis au gouvernement le 26 juin dernier. Objectif : favoriser le développement de l’habitat partagé.
Quels sont les enjeux de l’habitat inclusif ?

L’enjeu principal est de répondre aux attentes des personnes vulnérables. Une grande partie de la population exprime spontanément le besoin d’avoir un chez-soi sans être isolé. L’idée est de se sentir soutenu et en sécurité dans un environnement maîtrisé. Qu’il s’appelle habitat partagé, regroupé, inclusif, solidaire ou participatif, le principe est de coller au plus près des attentes individuelles. De plus en plus de personnes sont à la fois fragiles et reconnues dans leur capacité de faire. Partant de ces deux réalités, il est important, y compris dans la lutte contre le syndrome de glissement des personnes âgées, de nourrir et de travailler les aptitudes.

Les usagers peuvent-ils définir eux-mêmes ce qu’ils souhaitent ?

Pour être autonome, il faut être accompagné. Le rapport identifie une fonction déjà existante : le porteur du projet partagé – ou la « personne 3P ». Des cadres juridiques ont été mis en place successivement pour les logements-foyers, les résidences autonomies, les pensions de famille, les habitats participatifs… Le dernier en date, et le plus abouti, est ce que la loi « Elan » de novembre 2018 a appelé l’habitat inclusif avec une personne chargée d’assurer le projet de vie sociale et partagée. L’émergence de ce service particulier se distingue très clairement du service à la personne.

Comment la mise en place des logements partagés peut-elle se faire au niveau territorial ?

La personne intéressée doit exprimer ses besoins en matière de service et de logement. Alors que dans les structures institutionnelles la coordination est faite par le gestionnaire de l’institution qui est l’interlocuteur unique de l’administration, ici, la coordination nécessite une ingénierie complexe. En effet, il faut être en capacité d’accompagner une multitude d’opérations qui vont surgir au niveau local de mille manières différentes. Le but du rapport est de montrer comment opérer ce pivotement consistant non plus à faire descendre d’en haut les catégories définies dans la loi mais à proposer un ensemble d’appuis juridiques et budgétaires qui permettront aux projets locaux d’être soutenus.

Qu’en est-il des difficultés de mise en œuvre pour les professionnels et les usagers ?

Tout part des usagers. La première difficulté est de trouver des personnes en capacité de les aider à matérialiser leur projet. Il ne s’agit pas de créer des institutions d’un nouveau type. Il faut sortir de la logique d’hébergement. Il faut réussir à créer un corpus professionnel de compétences au niveau territorial avec les communautés d’acteurs qui partagent cette expérience et qui sont progressivement reconnus par les financeurs. Nous envisageons une forme de label qui permettrait à ce nouveau métier de voir le jour. Les actuels gestionnaires de services à la personne sont assez naturellement amenés à évoluer vers ce type de métier puisque cela reste un service de présence humaine, de coordination, de mise en relation, de capacité d’interagir avec l’environnement sanitaire, administratif, associatif. Il peut y avoir aussi des perspectives pour les auxiliaires de vie appelés à développer de nouvelles compétences professionnelles. Si on rend ce métier nouveau attractif et lisible, il faut que son financement soit commode. Il s’agit donc de prendre appui sur ce qui existe comme les conférences de financeurs de la prévention de la perte d’autonomie. Le département a vocation à être la collectivité la plus centrale.

Quels sont les leviers de réussite ?

Il faut pouvoir financer facilement cette fonction nouvelle portée par la « personne 3P », soit 3 000 € à 10 000 € par an et par personne selon l’intensité de la vie communautaire. Aujourd’hui, ce financement n’existe pas sauf pour les pensions de famille et le forfait habitat inclusif porté par la loi « Elan ». Il s’agit de prendre appui sur ces deux exemples mais en proposant une aide forfaitaire individuelle. Il faut aussi accompagner des projets de réhabilitation ou de construction qui incorporent des espaces communs. Une démarche particulière est à susciter dans le champ du logement social pour rendre l’inclusion facile. Cela pourrait passer par un prêt adapté et une aide personnalisée au logement ajustée à ce type d’espace. Enfin, il faut créer un corpus de compétences en aide à l’ingénierie et à la gestion de ce type de services.

Concernant le financement, y a-t-il une alternative à la loi « grand âge et autonomie » ?

Le financement est déjà prévu dans l’hébergement collectif, en institution. Il faut arriver à extraire une partie de cet argent pour qu’il puisse être utilisé aussi dans une logique de logement. Les grandes enveloppes financières existent déjà. Il faut pouvoir en orienter une part vers des formes d’aide individuelle à l’habitat. Concrètement, les financements actuels pour les institutions proviennent des départements soutenus par des crédits nationaux qui transitent par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Selon nous, le schéma est aussi le bon pour financer l’aide à la vie partagée.

L’habitat partagé peut-il favoriser l’attractivité des métiers des services à la personne ?

Les conditions matérielles et relationnelles sont plutôt valorisantes. Le fait de passer plus de temps avec la personne et moins dans les transports est attrayant. Faire prendre un repas dans un appartement n’est pas la même chose que servir un repas collectif. La nature de la relation change. Les responsabilités à prendre sont plus substantielles. Il faut aussi penser à l’environnement social et sanitaire. Les habitats inclusifs ne sont pas autosuffisants mais en interactions fortes avec les professionnels qui exercent dans les établissements extérieurs. Il doit donc se nouer un mode de relation nouveau.

Comment techniquement le modèle peut-il devenir attirant ?

L’impulsion vient d’en bas mais le rôle de l’Etat doit être soutenant. La CNSA doit jouer un rôle important dans la circulation de l’information et le repérage des bonnes pratiques. Collectivités départementales, agences régionales de santé, réseaux associatifs, bailleurs sociaux, organismes complémentaires… Tous doivent se retrouver autour d’une même table pour faire communauté d’acteurs. Il y a nécessité à systématiser les échanges à l’échelle départementale pour injecter dans le processus les appuis financiers nécessaires. Aujourd’hui, la CNSA intervient sur le champ de l’aide à la personne et non sur les thématiques de logement. Il faut donc élargir ses compétences. La loi « grand âge et autonomie » peut structurer le métier et le financement de l’aide à la vie partagée. Elle peut également faire progresser le service d’aide à la personne. Logement, aide à la vie partagée, service d’aide à la personne, la loi touche ces trois volets. Il y a une opportunité législative à saisir rapidement.

Des pistes pour demain

Le rapport propose des recommandations pour accélérer le développement d’un nouveau modèle d’habitat accompagné, partagé et inséré dans la vie locale pour les personnes handicapées ou âgées ayant besoin d’être soutenues dans leur projet d’autonomie. Selon les rapporteurs, l’habitat inclusif doit, entre autres :

• constituer un pilier des politiques de logement, de l’accompagnement du vieillissement et du handicap ;

• donner une place centrale au projet de vie partagée ;

• favoriser l’activité économique d’une région ;

• constituer une économie d’échelle grâce à l’investissement commun ;

• permettre l’inclusion et la mixité sociale ;

• être intégré dans la future loi « grand âge et autonomie ».

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