Les salariés, quel que soit le secteur d’activité, peuvent être exposés à des risques psychosociaux (RPS). Avec des conséquences sur leur santé, mais également sur le fonctionnement des entreprises et associations. La prise en compte des RPS par les employeurs est donc nécessaire.
L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) définit les risques psychosociaux comme « des situations de travail où sont présents, combinés ou non :
• du stress : déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes de son environnement de travail et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ;
• des violences internes commises au sein de l’entreprise par des salariés : harcèlement moral ou sexuel, conflits exacerbés entre des personnes ou entre des équipes ;
• des violences externes commises sur des salariés par des personnes externes à l’entreprise (insultes, menaces, agressions…). »
Face à ces risques psychosociaux, l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des salariés. Car, conformément au code du travail, il est soumis à une obligation de sécurité (code du travail [C. trav.], art. L. 4121-1).
Ce dossier s’intéressera aux moyens de prévention dont disposent les employeurs et aux principaux risques psychosociaux touchant le secteur social et médico-social.
Pour répondre à son obligation de sécurité, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires telles que des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur doit en outre tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes (C. trav., art. L. 4121-1). Il intervient auprès des salariés en étroite collaboration avec les représentants du personnel.
Pour prévenir les risques psychosociaux, l’employeur doit évaluer les facteurs de risques mais également prendre les mesures d’information et de formation les plus adéquates à la situation de sa structure. Le salarié qui estimerait que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé peut exercer son droit de retrait.
Les facteurs à l’origine des RPS sont regroupés par les experts en six catégories distinctes(1) :
• l’intensité et le temps de travail (imprévisibilité des horaires de travail, journées de travail longues et fragmentées, objectifs difficilement réalisables…) ;
• les exigences émotionnelles ( contact régulier avec la souffrance, mauvaises relations avec le public…) ;
• le manque d’autonomie (possibilité d’évolution, développement des compétences…) ;
• les rapports sociaux au travail dégradés (relations avec les autres salariés, manque d’attention et d’écoute…) ;
• les conflits de valeurs (activité effectuée contraire aux valeurs du salarié) ;
• l’insécurité de la situation de travail (contrats de travail précaires, risques de changement des conditions de travail…).
Ces facteurs de risques sont différents d’une branche professionnelle à l’autre et d’une structure à l’autre. L’étude des risques psychosociaux s’effectue donc dans chaque structure pour répondre au mieux à la situation des salariés.
Il incombe tout d’abord à l’employeur d’identifier et d’évaluer les différents facteurs de risques professionnels pour chaque poste de travail. Pour cela, il convient de repérer les indicateurs afin de pouvoir réaliser un inventaire des facteurs de risques.
L’employeur doit ensuite comprendre l’origine de ces facteurs et réfléchir sur les solutions à apporter et les mesures de protection à mettre en place (C. trav., art. L. 4121-2).
Enfin, une fois que les facteurs de risques sont détectés et évalués et que le plan d’action est mis en place, il est nécessaire de l’évaluer régulièrement pour déterminer si les objectifs fixés sont atteints. Un suivi régulier des indicateurs doit être réalisé. A titre d’illustration, s’agissant de l’usure professionnelle, il convient de vérifier si des entretiens et des formations ont été réalisés et s’ils ont été bénéfiques aux salariés ou si d’autres mesures doivent être prises.
Il est important d’écouter et d’impliquer les salariés à chaque étape de la procédure pour trouver les solutions les plus adaptées à leur situation. Pour cela, des entretiens individuels et des groupes de parole peuvent être organisés ou des questionnaires peuvent être proposés aux salariés. L’employeur a également l’obligation de faire intervenir le comité social et économique (CSE) (voir page 20).
A noter : Les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) et l’INRS, sur leurs sites Internet dédiés, proposent aux employeurs des documents relatifs aux actions de prévention spécifiques au secteur social et médico-social. A titre d’illustration, l’INRS recense différents questionnaires sur les risques psychosociaux(2). Les structures peuvent également prendre contact avec leur Carsat afin de mettre en œuvre une politique de prévention adaptée et d’obtenir d’éventuelles aides de leur caisse.
L’employeur est tenu d’informer les salariés sur les risques professionnels dans sa structure (C. trav., art. L. 4141-1). Conformément à l’article R. 4141-3-1 du code du travail, cette information doit notamment porter sur :
• les modalités d’accès au document unique d’évaluation des risques (DUER) ;
• les mesures de prévention des risques identifiés dans le DUER ;
• le rôle du service de santé au travail et des représentants du personnel en matière de prévention des risques professionnels ;
• le cas échéant, les dispositions prévues par le règlement intérieur ;
• le cas échéant, les consignes de sécurité et de premiers secours en cas d’incendie.
A noter : Les salariés qui portent dans l’exercice de leur activité professionnelle un équipement de protection individuelle (EPI) doivent bénéficier d’une formation adéquate (C. trav., art. R. 4323-106).
De surcroît, les salariés nouvellement embauchés, ceux qui changent de poste de travail ou encore, à la demande du médecin du travail, les salariés qui reprennent leur activité professionnelle après un arrêt de travail d’une durée d’au moins 21 jours bénéficient d’une formation à la sécurité (C. trav., art. L. 4141-2). Elle est renouvelée périodiquement. Cette formation permet d’instruire les salariés sur les précautions à prendre pour assurer leur propre sécurité et celle des tiers (C. trav., art. R. 4141-3).
Un salarié peut se retirer de son poste de travail dès lors qu’il a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (C. trav., art. L. 4131-1).
Lorsque le salarié fait usage de son droit de retrait, il doit veiller à ne pas créer un risque grave et imminent à l’égard d’un tiers.
Dans cette hypothèse, le salarié n’est soumis à aucun formalisme particulier. Il doit néanmoins immédiatement avertir son employeur et expliquer les raisons qui le conduisent à effectuer ce choix. Le motif raisonnable doit être suffisamment grave. Il s’apprécie subjectivement, c’est-à-dire au cas par cas en fonction de la situation dans laquelle se trouve le salarié.
Si la menace pour la vie ou la santé du salarié est grave et imminente, l’employeur doit alors mettre en place des mesures de prévention pour faire cesser le risque. De son côté, le salarié ne peut être sanctionné ou subir une retenue de salaire. En revanche, il peut être sanctionné lorsque le risque ne remplit pas les conditions légales précitées.
A noter : Le salarié qui exerce son droit de retrait reste toutefois à la disposition de l’employeur qui peut l’affecter temporairement à un autre poste de la structure.
Le comité social et économique est un interlocuteur clé dans le domaine de la prévention des risques professionnels. L’employeur et le CSE doivent ainsi travailler en étroite collaboration. S’il estime être en manque d’information, le CSE faire valoir son droit d’alerte lui permettant de demander à l’employeur des précisions.
Dans les structures employant moins de 50 salariés, le comité social et économique a pour mission de contribuer à la promotion de la santé, de la sécurité et des conditions de travail et de réaliser des enquêtes en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle (C. trav., L. 2312-5). Les membres du CSE peuvent demander à l’employeur de leur présenter les différents livres, registres ou documents rendus obligatoires en matière de santé et de sécurité sur le lieu de travail (C. trav., art. R. 2312-3).
Dans les structures employant au moins 50 salariés, le CSE est compétent en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Il effectue ainsi une analyse des risques professionnels, veille à faciliter l’accès des femmes à tous les emplois et procède à des actions de prévention en matière de harcèlement ou d’agissements sexistes (C. trav., art. L. 2312-9). Il doit par exemple prendre part à la mise à jour du document unique d’évaluation des risques (C. trav., art. R. 4121-1 et s.) et être convoqué par l’employeur lorsque certains salariés témoignent de faits de harcèlement au travail (voir page 23).
Tous les membres de la délégation du personnel au CSE bénéficient, quel que soit l’effectif de la structure, d’une formation « santé, sécurité et conditions de travail » (C. trav., art. L. 2315-18). Le financement de cette formation est à la charge de l’employeur (C. trav., art. L. 2315-18) et sa durée est de 3 jours pour les entreprises ou associations de moins de 300 salariés et de 5 jours pour les entreprises ou associations d’au moins 300 salariés (C. trav., art. L. 2315-40).
A noter : La durée de formation n’est fixée par le code du travail que pour les membres de la commission « santé, sécurité et conditions de travail » – il n’existe pas de dispositions précises pour les autres élus. Toutefois, la direction générale du travail a précisé : « Une durée de formation similaire des autres élus du CSE doit être encouragée, notamment en l’absence d’une telle commission » (Le CSE en 117 questions/réponses – Question 83 – 16 janvier 2020).
De surcroît, les représentants du personnel sont des acteurs de la prévention des risques psychosociaux. Ils doivent ainsi être à l’écoute des salariés et peuvent, avec leur accord, informer l’employeur des violences ou du stress qu’ils subissent.
Les membres du comité social et économique bénéficient d’un droit d’alerte en cas d’atteinte au droit des personnes (C. trav., art. L. 2312-59), en cas de danger grave et imminent et en cas de risque grave pour la santé publique ou l’environnement (C. trav., art. L. 2312-60).
Conformément à l’article L. 2312-59 du code du travail : « Si un membre de la délégation du personnel au comité social et économique constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur. »
Une atteinte peut être caractérisée si des faits de harcèlement ou de mesures discriminatoires, notamment en matière de rémunération, d’affectation, de mutation ou encore de licenciement sont avérés. Dans cette situation, l’employeur est tenu de réagir rapidement et efficacement en procédant sans délai à une enquête en collaboration avec le membre de la délégation du personnel qui a sollicité l’alerte. Après avoir recueilli des informations suffisantes sur la situation, il doit veiller à prendre les mesures les plus adaptées en vue de faire cesser l’atteinte (C. trav., art. L. 2312-59). On notera qu’en cas de carence de l’employeur ou de divergence sur l’appréciation de l’atteinte, le salarié ou le membre de la délégation du personnel est en droit de saisir le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statuera selon la procédure accélérée au fond. Le juge pourra alors ordonner toute mesure pour faire cesser l’atteinte et assortir sa décision d’une astreinte.
La délégation du personnel dispose également d’un droit d’alerte en situation de danger grave et imminent ainsi qu’en matière de santé publique et d’environnement. Dans ces hypothèses, le représentant du personnel doit consigner son avis par écrit daté et signé. De plus, il indique les postes de travail concernés par la cause du danger constatée, la nature et la cause de ce danger et le nom des travailleurs exposés (C. trav., art. D. 4142-1). De son côté, l’employeur doit immédiatement procéder à une enquête avec le représentant du CSE qui a signalé le danger et prendre les dispositions nécessaires pour y remédier (C. trav., art. L. 4132-2).
Parmi les dispositions qui peuvent être prises en matière de prévention des risques psychosociaux dans l’aide à domicile et les services à la personnes, on peut insister sur l’accueil des nouveaux salariés et leur sensibilisation aux RPS, ainsi que sur la sécurisation et le suivi régulier des missions sur le terrain.
Les structures de l’aide à domicile et des services à la personnes doivent être attentives à l’accueil des nouveaux salariés. Elles peuvent mettre en place, par exemple, un livret d’accueil destiné à chaque salarié qui délimite les missions ainsi que les outils mis à sa disposition pour que le salarié soit informé et ainsi favoriser son intégration.
En outre, il incombe à l’employeur de sensibiliser ses nouveaux salariés à la prévention des risques professionnels et plus particulièrement aux risques psychosociaux. A titre d’illustration, on peut conseiller aux différentes structures de prévoir un temps d’échange et d’accompagnement entre le nouveau salarié et un salarié référent qui aurait déjà une certaine expérience dans le domaine. La présence de référents peut permettre aux salariés d’échanger sur leur relation avec les bénéficiaires.
De surcroît, l’employeur doit être particulièrement vigilant aux actions qu’il met en place pour le personnel de terrain. A ce titre, il est conseillé, pour chaque nouveau client, d’effectuer un repérage des risques et de réaliser une fiche « mission » précisant notamment les moyens mis à la disposition du salarié et les limites de son intervention.
En outre, il est également important de prévoir au sein du contrat de prestation le périmètre de l’intervention et les obligations du client.
Par ailleurs, les structures peuvent également être vigilantes lors de l’élaboration des plannings d’intervention et essayer d’optimiser les déplacements avec les temps de pause et de repas ainsi que d’équilibrer les interventions à faible et forte charge mentale ou physique au cours d’une même journée de travail pour prévenir, par exemple, les risques de burn-out.
Enfin, en vue de prévenir les risques professionnels et notamment les risques psychosociaux, il est important de réaliser un suivi régulier des missions. Sur ce point, il est conseillé d’encourager les échanges entre les bénéficiaires et les différents intervenants à domicile en mettant par exemple en place un cahier de liaison.
Par ailleurs, il est également nécessaire de prévoir un système permettant aux salariés de faire remonter des informations sur le déroulement de leurs missions et sur leur environnement de travail ainsi que sur les éventuels incidents auxquels ils peuvent être confrontés quotidiennement. La Carsat et l’INRS préconisent également d’organiser des réunions d’échange avec les intervenants à domicile pour mettre en perspective les différentes pratiques de travail et les difficultés.
Dans le secteur social et médico-social, il existe des facteurs de risques spécifiques, listés de façon non exhaustive dans certains guides méthodologiques(1) : déficit de régulation, usage des outils parfois mal maîtrisé, problème de communication, travail isolé, difficultés dans le fonctionnement collectif…
Des facteurs de risques spécifiques qui peuvent se manifester par des indicateurs individuels (fatigue, agressivité, absence, déclaration d’accident du travail, inaptitude…) ou collectifs (violences, tensions, conflits, manque de communication, désinvestissement, turn-over).
Les risques psychosociaux ont un impact fort sur la santé physique et mentale des salariés. Le présent dossier s’intéressera plus particulièrement aux effets du stress au travail et au harcèlement moral et sexuel.
Un accord-cadre européen sur le stress au travail du 8 octobre 2004, signé par les partenaires sociaux européens, définit le stress comme « un état accompagné de plaintes ou dysfonctionnements physiques, psychologiques ou sociaux, et qui résulte du fait que les individus se sentent inaptes à combler un écart avec les exigences ou les attentes les concernant ». Les facteurs de stress sont nombreux.
Le stress peut être dû à l’organisation du travail et à la charge de travail que le salarié doit supporter. Dans cette hypothèse, après avoir réalisé une évaluation de la charge de travail des différents salariés, il convient de chercher les adaptations possibles en collaboration avec les salariés (développement des compétences, répartition de la charge de travail, mise en place d’un référent, création d’un temps d’échange régulier pour évoquer les difficultés rencontrées…).
L’environnement de travail du salarié a également une influence sur le stress. Les salariés peuvent être confrontés à des conflits, des tensions ou un isolement dans leur activité professionnelle.
Dans le cas des agressions de la part des personnes prises en charge ou de leur famille (agression physique, incivilité, insulte…), il est important de comprendre la source de ces violences (problème de communication, incompréhension, temps d’attente…) afin de trouver les aménagements possibles : constitution d’une équipe avec des personnes plus expérimentées, partage d’expérience sur la conduite à tenir…
L’employeur peut également prévoir une formation du personnel et un soutien juridique et psychologique avec des réunions régulières pour échanger sur les situations problématiques, encourager au dépôt de plainte ou de main courante…
Les effets sur la santé des salariés du stress sont importants. Il peut être à l’origine de troubles du sommeil ou alimentaire. On constate également des conséquences psychologiques importantes. Le stress favorise l’irritabilité, la nervosité, la tristesse ou encore l’isolement. Il peut également provoquer une dépression ou un burn-out (ou syndrome d’épuisement professionnel).
L’INRS définit le burn-out comme « un ensemble de réactions consécutives à des situations de stress professionnel chronique dans lesquelles la dimension de l’engagement est prédominante. Il se caractérise par trois dimensions :
• l’épuisement émotionnel : sentiment d’être vidé de ses ressources émotionnelles ;
• la dépersonnalisation ou le cynisme : insensibilité au monde environnant, déshumanisation de la relation à l’autre (les usagers, clients ou patients deviennent des objets), vision négative des autres et du travail ;
• le sentiment de non-accomplissement personnel au travail : sentiment de ne pas parvenir à répondre correctement aux attentes de l’entourage, dépréciation de ses résultats, sentiment de gâchis… »(1).
Dans le cadre de leur activité professionnelle, les salariés peuvent subir des critiquent injustifiées, des insinuations à connotation sexuelle ou encore des commentaires dégradants. Ces situations ont des effets sur la santé des salariés (anxiété, fatigue) mais également sur leur travail (difficultés de concentration, erreurs, démission).
Le harcèlement moral est caractérisé par des agissements répétés « qui ont pour objet ou pour effet une dégradation [des] conditions de travail [du salarié] susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (C. trav., art. L. 1152-1).
Il n’est pas nécessaire d’invoquer des faits de nature différente (voir notamment Cass. crim., 26 janvier 2016, n° 14-80455) ou de prouver que l’auteur avait l’intention de nuire à la victime (voir notamment Cass. soc., 7 juin 2011, n° 09-69903). En revanche, il ne peut exister de harcèlement moral si l’acte invoqué par le salarié est isolé et n’a pas été répété (voir notamment Cass. soc., 9 décembre 2009, n° 07-45521).
De surcroît, le harcèlement sexuel est constitué en présence, d’une part, de « propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à [la] dignité [du salarié] en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante » et, d’autre part, de « toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers » (C. trav., art. L. 1153-1).
Par un arrêt récent, la Cour de cassation a relevé que les décisions définitives des juridictions pénales statuant sur le fond ont autorité de chose jugée au civil, c’est-à-dire que la décision du juge pénal s’impose au juge prud’homal. Toutefois, elle a rappelé qu’en droit du travail, il n’est pas nécessaire de prouver l’existence d’un élément intentionnel contrairement au droit pénal. Ainsi dans l’affaire, les conditions étaient réunies pour qualifier un harcèlement sexuel bien qu’en matière pénale l’infraction n’avait pas été retenue (Cass. soc., 25 mars 2020, n° 18-23682).
L’employeur est tenu de prévenir toute forme de harcèlement. Il doit notamment mentionner dans le règlement intérieur de sa structure l’ensemble des dispositions relatives au harcèlement moral et sexuel et aux agissements sexistes présentes dans le code du travail (C. trav., art. L. 1321-2).
A noter : Le CSE doit désigner un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes parmi ses membres à la majorité des membres présents. Ce salarié référent a pour mission d’informer et de renseigner les salariés en matière de harcèlement sexuel et d’agissements sexistes (C. trav., art. L. 2314-1).
Dès lors que l’employeur a connaissance de faits de harcèlement, il doit être attentif et réactif. En effet, le code du travail l’oblige à prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement (C. trav., art. L. 1152-4 et L. 1153-5) et de les sanctionner (C. trav., art. L. 1152-5 et L. 1153-6). L’employeur doit ainsi systématiquement effectuer une enquête interne et contradictoire. Il est nécessaire qu’il agisse en étroite collaboration avec le comité social et économique et le service de santé au travail. Pour ne pas engager sa responsabilité, l’employeur doit démontrer qu’il a mis tout en œuvre pour prévenir et mettre fin au harcèlement.
Un employeur qui ne diligente pas d’enquête alors que des faits de harcèlement lui ont été signalés peut être sanctionné pour non-respect de son obligation de santé (Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-10551).
Par ailleurs, les victimes ou les témoins de harcèlement sont protégés. Ils ne peuvent être sanctionnés, licenciés ou subir une discrimination directe ou indirecte (C. trav., art. L. 1152-2). Ainsi, selon la Cour de cassation, l’employeur ne peut licencier un salarié en raison de la perturbation du fonctionnement de l’entreprise causée par son absence prolongée alors qu’elle est la conséquence d’un harcèlement moral dont il a été l’objet (voir notamment Cass. soc., 30 janvier 2019, n° 17-31473). En revanche, un salarié qui relate des faits de harcèlement peut être sanctionné s’il est de mauvaise foi. La mauvaise foi du salarié ne peut toutefois résulter de la seule circonstance que les faits invoqués n’étaient pas établis (voir notamment Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44092).
Une étude menée en 2016 par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) dresse un bilan sur l’évolution des conditions de travail et des risques psychosociaux :
• 45 % des salariés déclarent devoir se dépêcher « toujours ou souvent » dans leur travail ;
• 31 % expliquent travailler sous pression ;
• 22 % précisent avoir été la cible de comportements méprisants.
Portée jurisprudentielle de l’obligation de sécurité.
La Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois sur la nature juridique de l’obligation de sécurité en 2002 à l’occasion des problèmes dramatiques liés à l’utilisation de l’amiante. Elle a rendu une série d’arrêts établissant un lien entre l’obligation de l’employeur de prendre soin de la sécurité des salariés et sa faute inexcusable dès lors que ce dernier avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposée la victime et qu’il n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour l’en préserver (Cass. soc., 11 avril 2002, nos 00-16535 et s.). Par conséquent, à cette date, le Cour de cassation a considéré que l’employeur était tenu d’une obligation de sécurité de résultat.
Passant d’une logique d’indemnisation à une logique de prévention, la Cour de cassation a fait évoluer la définition de l’obligation de sécurité pour parvenir à une obligation de moyens renforcée dans l’arrêt « Air France » (Cass. soc. 25 novembre 2015, n° 14-24244). En d’autres termes, la Cour de cassation a estimé que l’employeur ne méconnaissait pas son obligation de sécurité lorsqu’il justifiait avoir pris toutes les mesures nécessaires.
La jurisprudence a par la suite confirmé la nouvelle appréciation de l’obligation de sécurité à de nombreuses reprises. A présent, il semble qu’une seule question permette de s’affranchir du manquement à l’obligation de sécurité : l’employeur a-t-il ou non manqué à son obligation de prévention des risques professionnels ? (voir notamment Cass. soc., 5 juillet 2017, n° 16-13734).
Une confirmation récente de la Cour de cassation à propos du préjudice d’anxiété en lien avec l’amiante admet définitivement l’obligation de sécurité de moyens de l’employeur. La faute inexcusable ne peut plus être retenue si l’employeur parvient à démontrer qu’il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (Cass. ass. plén, 5 avril 2019, n° 18-17442).
Enjeux liés à la qualification de l’obligation de sécurité.
Une obligation est dite de « moyens » lorsque le salarié doit rapporter la preuve d’une faute ou d’une négligence de l’employeur pour engager sa responsabilité.
A l’inverse, dans l’hypothèse où une obligation est dite de « résultat », il n’est pas imposé au salarié de rapporter la preuve d’un quelconque manquement. Il doit seulement préciser le résultat auquel était tenu l’employeur et démontrer qu’il n’y est pas parvenu pour engager sa responsabilité.
Une commission « santé, sécurité et conditions de travail » doit être mise en place au sein du CSE dans les entreprises ou établissements distincts d’au moins 300 salariés et dans ceux de moins de 300 salariés si l’inspecteur du travail l’estime nécessaire ou si cela est prévu par accord d’entreprise (C. trav., art. L. 2315-36).
Celle commission est présidée par l’employeur ou son représentant et se compose au minimum de trois membres du CSE désignés à la majorité des membres présents pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du CSE (C. trav., art. L. 2315-39).
Elle se voit confier, par délégation du comité, tout ou partie des attributions du comité en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail (C. trav., art. L. 2315-38).
Les modalités de fonctionnement de la commission sont fixées par accord d’entreprise ou, à défaut, par le règlement intérieur du CSE.
Le secteur social et médico-social est parfois confronté à l’usure professionnelle. Il arrive par exemple que la personne ne soit pas suffisamment formée ou que la charge de travail soit trop importante. Il incombe alors à l’employeur de mettre en place des actions de prévention ciblées (entretien professionnel pour réfléchir sur des formations ou une évolution professionnelle, par exemple).
Dans certaines structures d’aide à domicile, le risque d’isolement est parfois important. En effet, les contraintes peuvent être nombreuses (longs trajets soumis aux contraintes météorologiques, logements des bénéficiaires non adaptés…). Dans cette hypothèse, des solutions peuvent être apportées, par exemple, pour réorganiser les tournées des intervenants ou réaliser des réunions régulièrement.
Dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), le personnel est très souvent confronté à la souffrance et à la mort des personnes âgées qu’ils prennent en charge. Pour aider les salariés, la direction peut analyser la performance de la procédure en place et prévoir des temps d’échange et des formations spécifiques sur la fin de vie.
Une maladie peut être reconnue comme professionnelle lorsqu’elle est inscrite dans les tableaux des maladies professionnelles ou par le biais d’une expertise médicale (code de la sécurité sociale [CSS], art. L. 461-1). Il n’existe actuellement pas de tableaux de maladies professionnelles spécifiques aux répercussions du stress sur la santé. Or, dès lors que la maladie contractée par le salarié n’est pas désignée par les tableaux des maladies professionnelles, elle peut être reconnue d’origine professionnelle uniquement si elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel du salarié et qu’elle a entraîné son décès ou une incapacité permanente de 25 % (CSS, art. R. 461-8).
A noter : Le taux d’incapacité permanente à retenir est « celui évalué par le service du contrôle médical dans le dossier constitué pour la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, et non le taux d’incapacité permanente partielle fixé après consolidation de l’état de la victime pour l’indemnisation des conséquences de la maladie » (Cass. civ. 2e, 19 janvier 2017, n° 15-26655).
(1) Plus d’informations sur ce point voir : https://bit.ly/3lCHOut.
(2) Plus d’informations sur ce point voir : https://bit.ly/2FmiKsl.
(1) Voir notamment, « Guide méthodologique pour la prévention des risques psychosociaux dans le médico-social » – La prévention en action – Direccte Paca – Décembre 2011.
(1) Plus d’informations sur ce point voir : https://bit.ly/30ZarKC.