Ils ne sont pas précisément comptabilisés. Eux, ce sont les élèves décrocheurs ou en risque de décrochage scolaire. En mai dernier, à l’heure du déconfinement, le ministère de l’Education nationale parlait de 500 000 élèves, soit 4 % des effectifs. Les associations qui apportent du soutien scolaire, elles, ne se risquent pas à donner un chiffre et Aurélie Mercier, chargée de projet au département des solidarités familiales du Secours catholique déplore : « Dans nombre d’établissements, il y a eu peu, voire pas, de temps consacré à la réalisation d’un état des lieux des retards accumulés par les enfants, sur le plan scolaire mais aussi psychologique. »
Malgré tout, pour tous, il semble évident que l’école à la maison a creusé les inégalités et que si, cette année, des fermetures ponctuelles de classes ou d’établissements scolaires interviennent du fait de l’épidémie, l’écart se creusera encore davantage.
Car tous les problèmes observés pendant le confinement n’ont pas été résolus. A commencer, pointe le Secours populaire, par le difficile accès au numérique, faute de connexion à Internet et d’équipement informatique. L’association offre dans nombre de ses locaux la possibilité de se connecter à Internet, pour soutenir les jeunes et les familles sous-équipées, d’autant que dans ce domaine, remarque Sébastien Thollot, secrétaire national, « de fortes inégalités territoriales existent, certains départements ou régions ayant fourni des tablettes aux jeunes, et d’autres non ».
Les associations observent un phénomène plus indirect mais tout aussi prégnant : les parents peuvent être mis en plus grande difficulté encore lorsqu’ils ne maîtrisent pas l’outil informatique. Ils peuvent se voir contestés dans leur autorité par les enfants, et perdre le lien avec les équipes enseignantes. Aussi les associations recommandent-elles de « redonner confiance aux parents », selon les termes d’Aurélie Mercier qui souligne que les bénévoles du Secours catholique vont parfois jusqu’à les accompagner à la rencontre des enseignants. Et pendant les vacances, ils ont aussi proposé à des familles d’aller en médiathèque, pour leur rendre de tels lieux accessibles, et faire sauter le verrou de l’autocensure.
Selon Christine Fabre, cheffe de service éducatif à l’accueil de jour et d’insertion de l’Idea (Institut départemental de l’enfance et de l’adolescence), les jeunes accompagnés par l’aide sociale à l’enfance (ASE) ont plus que jamais besoin d’être « nourris intellectuellement pour les rendre plus forts quand ils seront adultes ». Son institution, qui accueille 250 enfants en protection de l’enfance et 200 mineurs non accompagnés, se donne pour but d’éviter à tout prix les déscolarisations. Un objectif parfois complexe à atteindre. Tout en scrutant cette rentrée, Christine Fabre a observé que de nombreux adolescents ont décroché plus rapidement que lors des reprises précédentes. La fin de la classe de 5e est traditionnellement un moment de possible rupture, mais le phénomène est amplifié cette année : « Six mois sans aller à l’école, cela les a plus encore éloignés des contraintes, tant en termes de comportement, que d’habitudes ou de processus d’apprentissage », constate la professionnelle.
Heureusement, pour l’heure, Christine Fabre se réjouit que peu d’enfants aient eu à subir une fermeture de classe ou une mise à l’isolement du fait du coronavirus. En cas de fort rebond de l’épidémie, il serait difficile, pour cette institution qui ne compte pas d’enseignants mais uniquement des éducateurs, de poursuivre les accompagnements de ceux qui peuvent rester scolarisés dans les écoles et de ceux qui se retrouveraient toute la journée à l’internat…