La reprise de l’épidémie ne prend pas au dépourvu les ESMS (établissements sociaux et médico-sociaux). D’abord, parce qu’ils avaient anticipé cette éventualité. Mais aussi parce qu’ils se sentent mieux armés qu’au printemps dernier pour affronter ses conséquences. Comme s’ils avaient eu droit à une répétition générale. Ainsi, Ehpad, lieux d’hébergement de personnes défavorisées ou migrantes, structures d’accueil de personnes handicapées, tous sont déjà en ordre de bataille pour vivre dans la durée avec le Covid-19. Ces lieux savent qu’ils devront s’adapter en permanence aux conditions sanitaires mouvantes, font déjà preuve de créativité pour réorganiser leur offre, leurs personnels, leurs modes d’accompagnement. Bref, leur créativité a peu de risques de se voir prise en défaut.
Plusieurs d’entre eux semblent avoir mis au cœur de leur processus de décision les questions éthiques de l’articulation entre liberté individuelle et sécurité collective. C’est particulièrement vrai en Ehpad (page 10). D’autres travaillent sur des accompagnements – par exemple de personnes handicapées mentales – plus individuels que collectifs. En matière d’hébergement d’urgence, le placement en logement individuel est évidemment privilégié (page 12). Dans tous les cas, ils disent s’appuyer sur la responsabilité de tous : résidents, professionnels, familles. Mais les ESMS ne doivent pas seulement gérer l’imprévisibilité liée à la crise sanitaire et aux consignes des pouvoirs publics, évolutives elles aussi. Ils doivent aussi, et c’est regrettable, payer maintenant l’addition pour des manques, structurels ceux-là, issus d’un passé où tous les moyens nécessaires n’ont pas été mis à leur disposition. Pire, ils affrontent certains effets pervers de décisions récemment prises par le gouvernement – en particulier au Ségur de la santé – dans le domaine des ressources humaines (page 8) : des inégalités de traitement conduisent à des démissions ou aggravent des difficultés de recrutement déjà fortes. Les associations gestionnaires ont d’ailleurs alerté à ce sujet la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, qui dit avoir entamé des négociations avec Matignon pour leur apporter des réponses. En attendant, la crise du coronavirus requiert encore, certes, des mesures d’urgence, en particulier pour faire face à la pauvreté qui s’accroît (page 17) ou pour lutter contre les inégalités scolaires qui se creusent (page 15). Mais elle remet aussi sur le devant de la scène la nécessité de prendre à bras-le-corps certains chantiers structurels, qui, à force d’être repoussés dans le temps par les gouvernements successifs, pourraient, à l’arrivée, faire advenir des périls importants au sein des ESMS.