Selon la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dite « convention d’Istanbul »), ratifiée le 4 juillet 2014 par la France, la notion de violences faites aux femmes concerne « tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent, ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique ». Ainsi les violences à l’égard des femmes s’observent dans l’environnement familial mais également dans l’espace public ou dans le cadre professionnel. Elles peuvent être à la fois physiques, verbales, sexuelles, économiques ou psychologiques.
Selon l’Assemblée générale des Nations unies, ces différentes formes de violences exercées à l’égard des femmes traduisent « des rapports de force historiquement inégaux entre hommes et femmes, lesquels ont abouti à la domination et à la discrimination exercées par les premiers et freiné la promotion des secondes ». En conséquence, les violences relèvent plus largement d’une inégalité entre les femmes et les hommes que les politiques gouvernementales tentent de réduire progressivement.
Si la législation française sur les violences faites aux femmes a connu une évolution constante, du fait d’une prise de conscience collective, il convient de comprendre précisément quelles sont les dispositions en vigueur actuellement et quels sont les acteurs qui participent à leur mise en œuvre.
La prise de conscience sur les violences faites aux femmes est assez récente. La première enquête nationale d’envergure sur le sujet date de 1997 et fait suite à la 4e conférence mondiale sur les femmes des 4-15 septembre 1995. Les résultats démontrent l’ampleur de ce phénomène qui touche les femmes dans leur vie privée comme dans leur vie professionnelle, peu important leur milieu social d’origine. Pour contrer ce phénomène, de nombreuses mesures ont été adoptées.
L’évolution de la notion de viol et sa reconnaissance tardive au sein du couple dans le cadre législatif sont notables. La loi du 23 décembre 1980(1) a défini dans le code pénal le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte ou surprise ». Il n’a ensuite été reconnu au sein des couples par la jurisprudence que dans les années 1990. Ce n’est qu’à compter de 1994 que le législateur a intégré la spécificité des violences commises au sein du couple et les a alors considérées comme des circonstances aggravantes.
Différentes lois sont par la suite venues encadrer et renforcer le droit des victimes de violences au début des années 2000, notamment :
• la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et les droits des victimes ;
• la loi du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne ;
• la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice.
Des lois qui tendent à améliorer l’information, l’accueil et la prise en charge des victimes au sein des gendarmeries et des commissariats et lors de la procédure judiciaire.
Quelques années plus tard, le législateur a œuvré pour mieux protéger les victimes de violences conjugales. Il a notamment instauré une mesure d’éviction du domicile conjugal pour les conjoints violents (loi du 26 mai 2004 relative au divorce). L’année suivante, en 2005, une loi relative au traitement de la récidive a permis de faciliter l’éloignement du conjoint ou du concubin violent lors de la procédure judiciaire (loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales).
Par une loi en date du 4 avril 2006, le législateur a amélioré les dispositions de prévention et de répression alors existants. A titre d’illustration, la notion de circonstances aggravantes s’est développée et a été étendue notamment aux partenaires de pacte civil de solidarité (Pacs) et aux anciens conjoint, concubin ou partenaire mais également à de nouvelles infractions comme le viol ou encore le meurtre (loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs).
L’ordonnance de protection des victimes
L’année 2010 marque une étape importante avec la création de l’ordonnance de protection des victimes (loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants). Cet outil donne la possibilité aux juges de prévenir les violences et de mieux protéger les victimes.
Une loi sur le harcèlement sexuel
Deux années plus tard, le législateur a adopté une loi sur le harcèlement sexuel (loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel). L’objectif est de prévenir la réalisation de cette infraction, de renforcer les sanctions initialement prévues mais également d’encourager les victimes à dénoncer les auteurs.
Loi « égalité entre les femmes et les hommes »
En 2014, une loi a été promulguée pour favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes (loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes). Elle a renforcé la législation sur la prévention et la lutte contre les violences. A cette occasion le dispositif de l’ordonnance de protection a été de nouveau amélioré, intégrant notamment des stages de responsabilisation des auteurs de violences conjugales pour prévenir la récidive. Dans le même temps, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a vu ses compétences s’étendre pour promouvoir l’égalité femmes-hommes et lutter contre le sexisme dans le domaine de l’audiovisuel.
L’année suivante, un article 10-5 a été introduit dans le code de procédure pénale permettant une évaluation personnalisée des victimes en vue de définir les mesures de protection à mettre en place pendant la procédure judiciaire (loi du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne).
Les femmes étrangères
Le législateur a également cherché à protéger les femmes étrangères victimes de violences. Une première loi de 2015 a reconnu explicitement les violences faites aux femmes comme motif d’asile (loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile). En outre, une loi de 2016 est venue faciliter le renouvellement et l’obtention d’un titre de séjour pour les femmes victimes de violences familiales et de mariage forcé (loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France).
Les victimes de la prostitution
Au cours de la même année 2016, la loi a durci la lutte contre le système prostitutionnel et renforcé l’accompagnement des personnes prostituées, intégrant un parcours de sortie de la prostitution visant la prise en charge des personnes victimes de prostitution, de proxénétisme ou de traite des êtres humains (loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées). En outre, le délit de racolage a été supprimé.
En revanche, l’achat d’actes sexuels fait désormais l’objet d’une contravention de 5e classe et la récidive est constitutive d’un délit puni d’une amende de 3 750 €. De nombreux détracteurs se sont cependant élevés pour critiquer la pénalisation du recours à la prostitution considérée comme inefficace et contraire à la liberté sexuelle des individus. Telle n’a pas été la position du Conseil constitutionnel, qui a considéré en 2019, à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité, la loi conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution (décision du Conseil constitutionnel n° 2018-761 QPC du 1er février 2019).
Les crimes sexuels
Par la suite, la lutte contre les violences sexuelles et sexistes s’est affermie en 2018 (loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes). Le délai de prescription pour les crimes sexuels commis à l’égard des mineurs est passé de 20 à 30 ans à compter de la majorité de la victime. De plus, le harcèlement de rue est désormais réprimé par une infraction d’outrage sexiste. Le code pénal a également été modifié avec l’objectif de faciliter l’incrimination de viol ou d’agression sexuelle selon l’âge de la victime et précise dorénavant : « Lorsque des faits sont commis sur la personne d’un mineur de moins de 15 ans, la contrainte et la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes » (code pénal [CP], art. 222-22-1 al. 3).
Le Grenelle des violences conjugales
Enfin, le 3 septembre 2019, a été lancé le premier « Grenelle des violences conjugales ». Il s’est achevé le 25 novembre 2019, concomitamment à la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Il a permis l’élaboration d’un plan de lutte contre les violences comportant 30 mesures. Depuis cette annonce du gouvernement, deux nouvelles lois ont été votées en décembre 2019 (loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille) et en juillet 2020 (loi n° 2010-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales). Elles reprennent une partie des mesures énoncées. On retrouve notamment la généralisation du bracelet « anti-rapprochement » ou encore l’aménagement du secret médical en cas de danger immédiat.
En vue de lutter contre les violences faites aux femmes et plus précisément contre les violences conjugales, les politiques publiques successives ont mis en place des mesures spécifiques de protection et de répression. Notre dossier abordera également certaines mesures liées aux violences dans le milieu professionnel et dans l’espace public.
Diverses mesures de protection ont été créées ces dernières années pour accompagner les femmes victimes de violences conjugales. Parmi celles-ci figurent notamment l’ordonnance de protection, le « téléphone grave danger » ou encore, plus récemment, le bracelet « anti-rapprochement ».
L’ordonnance de protection a été instaurée par la loi du 9 juillet 2010. Dix ans après son entrée en vigueur, le premier bilan fait état d’une progression constante du dispositif. Selon Isabelle Rome, haute fonctionnaire à l’égalité femmes-hommes, « cette mesure ne paraît pas suffisamment identifiée et utilisée bien qu’on constate une légère augmentation des demandes en 2019 par rapport à 2018 (4 000 contre 3 600) ». En effet, en 2016, alors que 70 298 affaires de violences conjugales ont été transmises aux parquets, seulement 3 102 demandes d’ordonnance de protection ont été formulées(1).
L’ordonnance de protection bénéficie tout d’abord aux victimes de violences au sein d’un couple. Elle concerne tous les modes de conjugalité (le concubinage, le Pacs et le mariage) et s’adresse aussi bien aux couples actuels que passés. Les femmes victimes de violences conjugales peuvent ainsi demander une ordonnance de protection alors qu’elles sont séparées de l’auteur des violences. En effet, le code civil rappelle qu’il n’est pas nécessaire qu’il existe une cohabitation avec la personne violente (code civil [C. civ.], art. 515-9). Par ailleurs, les ordonnances de protection visent également les femmes majeures menacées de mariage forcé (C. civ., art. 515-13).
De surcroît, l’ordonnance de protection est délivrée à condition qu’il existe des « raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés » (C. civ., art. 515-11). La victime doit ainsi démontrer que la commission de violences est vraisemblable, c’est-à-dire qu’il est possible de soupçonner des violences et qu’il existe un danger actuel et certain. La violence peut être sexuelle, physique mais également psychologique. En pratique, pour apprécier la situation, le juge s’appuie sur un faisceau d’indices. Peuvent notamment être retenus les certificats médicaux, les attestations, les appels ou messages électroniques, les mains courantes et plaintes ou encore le profil du défendeur (antécédents judiciaires, addictions). Il est donc crucial que la victime rassemble des éléments de preuves. Elle peut pour cela se rapprocher des associations d’aide aux victimes (voir page ? ?).
L’examen d’une demande d’ordonnance de protection relève du juge aux affaires familiales. La saisine peut être effectuée par la victime ou par le ministère public. L’introduction de la procédure par la victime se fait par requête (C. civ., art. 1136-3) et il n’est pas nécessaire que la victime ait préalablement déposé une plainte pénale (C. civ., art. 515-10). En outre, la saisine par le ministère public requiert l’accord de la personne en danger (C. civ., art. 515-10).
A noter : La victime peut solliciter l’autorisation de dissimuler l’adresse de son domicile dans l’acte introductif d’instance (C. civ., art. 1136-5). Elle peut élire domicile auprès de l’avocat qui l’assiste ou du procureur de la République.
Après réception de la demande d’ordonnance, le juge convoque les parties. Au cours de cette audience, le juge peut décider d’entendre les parties séparément (C. civ., art. 515-10). Il veille en toute hypothèse au respect du principe du contradictoire. Depuis la loi du 28 décembre 2019, le juge délivre l’ordonnance « dans un délai maximal de 6 jours à compter de la fixation de la date d’audience » et non plus « dans les meilleurs délais ».
Les mesures qui peuvent être prononcées par le juge sont limitativement énumérées par le code civil (C. civ., art. 515-11 et 515-13). En matière de violences conjugales, le juge peut tout d’abord interdire à la partie défenderesse d’entrer en contact avec la victime. Cette mesure est celle qui est la plus fréquemment utilisée. Depuis la loi du 28 décembre 2019, il peut également interdire à la partie défenderesse de se rendre « dans certains lieux spécialement désignés par le juge aux affaires familiales dans lesquels se trouve de façon habituelle la partie demanderesse ». Par ailleurs, le juge a la possibilité d’interdire la détention ou le port d’une arme et proposer une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ou un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences conjugales.
En outre, des mesures variées peuvent être prises concernant le logement. Le juge est ainsi en droit de statuer sur la résidence séparée des époux et sur les modalités de prise en charge des frais inhérents à ce logement. La jouissance du logement conjugal est attribuée à la victime si elle le demande et même si elle a bénéficié d’un hébergement d’urgence. Le juge peut également statuer sur des mesures concernant le sort des enfants en commun ou encore les relations financières.
A noter : Pour faciliter l’accès des victimes à cette procédure, le juge peut prononcer l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle.
L’ensemble des mesures sont prononcées pour une durée maximale de 6 mois. Toutefois, elles peuvent être prolongées au-delà si, au cours de ce délai, une requête en divorce ou séparation de corps est effectuée ou si le juge est saisi d’une requête relative à l’exercice de l’autorité parentale (C. civ., art. 515-12). De plus, à l’expiration de ce délai, la victime peut formuler une nouvelle demande d’ordonnance de protection.
En cas de menace de mariage forcé, les mesures sont plus restreintes. Elles concernent notamment celles relatives à l’interdiction d’entrer en contact avec la victime ou la détention et le port d’arme ou encore les mesures relatives à la dissimulation d’adresse et à l’aide juridictionnelle.
Les bénéficiaires d’une ordonnance de protection au titre de violences conjugales (et non de mariage forcé) d’origine étrangère peuvent prétendre à la délivrance d’un titre de séjour temporaire. De surcroît, les victimes de violence ayant obtenu une ordonnance de protection et les personnes menacées de mariage forcé disposent d’une priorité pour l’attribution d’un logement social (code de la construction et de l’habitation, art. L. 441-1).
Par ailleurs, si la personne violente ne respecte pas les obligations ou interdictions établies par l’ordonnance de protection, elle encourt une peine de 2 ans d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (CP, art. 227-4-2).
Le dispositif « téléphone grave danger » a été créé par la loi du 4 août 2014 en vue de prévenir toute violence mais également pour accompagner et soutenir les victimes de violences conjugales. Lorsque la victime est en danger, elle active le téléphone qui la met directement en contact avec un professionnel dont le rôle est d’identifier le danger, les lieux et la situation de la victime. Il est en mesure, le cas échéant, de déclencher l’intervention des forces de l’ordre.
Cet outil est attribué par le procureur de la république sur demande de la victime dans certaines hypothèses (code de procédure pénale [CPP], art. 41-3-1). En premier lieu, la victime et l’auteur des violences ne doivent pas cohabiter. A ce titre, il importe peu que l’auteur des violences soit un ancien conjoint, partenaire ou concubin de la victime.
A noter : Ce dispositif peut également concerner les personnes victimes de viol.
La victime doit consentir expressément à l’attribution de cet outil. De surcroît, la mise en place du dispositif requiert :
• soit que l’auteur des violences ait fait l’objet « d’une interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime dans le cadre d’une ordonnance de protection, d’une alternative aux poursuites, d’une composition pénale, d’un contrôle judiciaire, d’une assignation à résidence sous surveillance électronique, d’une condamnation, d’un aménagement de peine ou d’une mesure de sûreté ;
• soit qu’il existe un danger avéré et imminent (l’interdiction d’entrer en contact avec la victime n’a pas encore été prononcée, l’auteur des violences est en fuite ou n’a toujours pas été interpellé…).
Le « téléphone grave danger » peut être attribué pour une durée renouvelable de 6 mois. Si la victime est d’accord, le dispositif peut permettre sa géolocalisation au moment où elle déclenche l’alerte.
Le bracelet « anti-rapprochement » est un nouveau dispositif issu de la loi du 28 décembre 2019 demandé depuis plusieurs années par les associations d’aide aux victimes.
Il fait partie des mesures qui peuvent être mises en place par le juge aux affaires familiales dans le cadre de l’ordonnance de protection à condition que l’auteur des violences et la victime y consentent (C. civ., art. 515-11-1).
Ce dispositif peut également être utilisé au cours de la procédure pénale. Le temps du contrôle judiciaire (CPP, art. 138-3) ou pendant la mise à l’épreuve (CP, art. 132-45-1), le juge peut astreindre l’individu au port du bracelet « anti-rapprochement ». Cette mesure est possible lorsque l’infraction commise est punie d’au moins 3 ans d’emprisonnement et qu’elle a été perpétrée contre le conjoint, partenaire ou concubin actuel ou ancien. Préalablement, le juge doit recueillir l’accord de la victime et celui de la personne placée sous contrôle judiciaire ou condamnée.
En outre, lorsqu’un individu est reconnu coupable d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction compétente peut prononcer une peine de détention à domicile sous surveillance électronique (CP, art. 131-4-1). Durant cette détention à domicile, la personne condamnée ne peut s’absenter que pendant certaines périodes déterminées par la juridiction. Si ces obligations ne sont pas respectées, le juge de l’application des peines peut limiter les autorisations d’absence ou ordonner l’emprisonnement pour la durée de la peine restant à effectuer.
Le bracelet « anti-rapprochement » permet de signaler à la victime que la personne violente se trouve à moins d’une certaine distance déterminée par le juge. Le décret relatif à la mise en œuvre d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement a été publié au Journal officiel du 24 septembre 2020 et est ainsi en vigueur depuis le 25 septembre 2020(1).
Les politiques successives ont permis de renforcer la répression contre les violences faites aux femmes. Elles ont ainsi créé certaines circonstances aggravantes. Par ailleurs, des dispositifs spécifiques ont été instaurés pour prévenir la récidive.
Les peines encourues pour un crime, un délit ou une contravention se trouvent aggravées lorsque l’infraction a été commise par le concubin, le partenaire ou le conjoint. Il importe peu qu’ils ne cohabitent pas ensemble. De même, la qualité d’ancien concubin, partenaire ou conjoint est également une circonstance aggravante lorsque l’infraction a été commise en raison des relations existant auparavant entre l’auteur des faits et la victime (CP, art. 132-80).
A titre d’illustration, les violences ayant entraînées la mort sans intention de la donner sont punies de 15 ans de réclusion criminelle (CP, art. 222-7). La peine est de 20 ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est commise par le conjoint, le partenaire ou le concubin (CP, art. 222-8).
De même, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 30 juillet 2020, le harcèlement moral au sein du couple ayant conduit la victime au suicide ou à une tentative de suicide est puni de 10 ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende (CP, art. 222-33-2-1).
De surcroît, le caractère habituel des violences (CP, art. 222-14) et le refus de contracter un mariage ou de conclure une union (par ex. CP, art. 222-8 pour les violences volontaires) constituent également des circonstances aggravantes.
En cas d’infraction commise contre un conjoint, partenaire ou concubin, actuel ou ancien, il peut être demandé à l’auteur des faits :
• « de résider hors du domicile ou de la résidence du couple ;
• de s’abstenir de paraître dans le domicile ou la résidence ou aux abords immédiats ;
• de faire l’objet d’une prise en charge sanitaire, sociale et psychologique ».
Il est nécessaire que les faits en cause soient constitutifs de violences susceptibles de se reproduire et que les mesures soient demandées par la victime.
Ces mesures peuvent être prises par le procureur de la République dans le cadre d’une mesure alternative aux poursuites (CPP, art. 41-1 6°), par la juridiction de condamnation ou le juge de l’application des peines dans le cadre de la mise à l’épreuve (CP, art. 132-45 19°), le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention pendant le contrôle judiciaire (CPP, art. 138 17°).
En outre, le juge peut décider de recourir au placement sous surveillance électronique mobile pour les personnes mises en examen en raison de violences ou menaces commises à l’encontre de leur conjoint, concubin ou partenaire punies d’au moins 5 ans d’emprisonnement (CPP, art. 142-12-1).
Différents acteurs entrent en jeu pour accompagner, renseigner, soutenir ou encore orienter les victimes de violences. Parmi eux, les associations d’aide aux victimes, les intervenants sociaux et les professionnels du droit et de la santé.
En France, il existe de nombreuses associations d’aide aux femmes victimes de violences(1). Certaines d’entre elles sont agréées par le ministère de la Justice. Elles proposent des services gratuits et sont accessibles notamment dans les commissariats et les gendarmeries ou encore dans les maisons de justice et du droit.
Leur mission auprès des victimes est de :
• leur proposer un accompagnement psychologique et/ou médical ;
• leur fournir des informations sur leurs droits ;
• les accompagner dans leurs démarches judiciaires (aider à rassembler des preuves ou à remplir un formulaire de requête pour obtenir une ordonnance de protection, par exemple) ;
• les orienter vers des professionnels spécialisés le cas échéant.
De surcroît, la loi donne la possibilité aux associations régulièrement déclarées depuis au moins 5 ans et dont l’objet statutaire comporte la lutte contre les violences sexuelles, le harcèlement sexuel ou les violences exercées sur un membre de la famille d’exercer les droits reconnus à la partie civile majeure à condition de recueillir son accord ou, en cas de décès, à ses ayant droits (CPP, art. 2-2).
Les intervenants sociaux qui interviennent auprès des femmes victimes de violences tentent d’instaurer une relation de confiance avec elles pour comprendre leur situation et les accompagner dans leurs démarches (juridiques, médicales) et dans leurs projets (changer d’activité professionnelle, quitter un partenaire violent, demander l’exclusivité de l’autorité parentale). Ils les renseignent sur les dispositifs d’aide et peuvent les orienter vers des professionnels spécialisés.
Parfois, les intervenants sociaux se retrouvent face à des femmes victimes de violences conjugales en situation de grave danger notamment en cas de menaces ou atteinte physique. Ces professionnels tentent alors de créer ou conserver une relation avec la victime afin de la soutenir et de l’aider à prendre les bonnes décisions. Ils effectuent alors avec elle un travail d’analyse de la situation et peuvent lui suggérer les alternatives dont elle dispose (quitter le domicile ou demander un hébergement d’urgence ou une ordonnance de protection, par exemple).
Le rôle des avocats est de renseigner les femmes victimes de violences sur leurs démarches et de les accompagner au cours de la procédure judiciaire. Certains barreaux tiennent des permanences dédiées aux femmes victimes de violences. A titre d’illustration, un collectif d’avocats est constitué au barreau de Seine-Saint-Denis pour les accompagner par le biais de permanences téléphoniques ou physiques de manière régulière(1). Le barreau de Paris organise également des permanences téléphoniques gratuites et a mis en place un formulaire en ligne pour solliciter des conseils auprès d’avocats bénévoles(2).
De surcroît, l’Association des femmes huissiers de justice de France, créée en 2010, dont le but premier était d’obtenir la parité dans les organes de tutelles, œuvre depuis 2019 pour faciliter le parcours judiciaire des femmes victimes de violences en situation de grande difficulté financière. A ce titre, les bénévoles de l’association proposent notamment des actes gratuits comme des constats de SMS ou de dégradation du domicile conjugal(3).
Les professionnels de santé sont souvent les premiers interlocuteurs des femmes victimes de violences. Leur rôle est primordial car ils ont la faculté de repérer les victimes et les orienter vers des associations spécialisées ou les autorités compétentes. La difficulté relève cependant du fait qu’ils sont tenus au secret professionnel et encourent des sanctions pénales et disciplinaires en cas de non-respect (CP, art. 226-13).
Afin de faciliter leur tâche, le législateur a prévu certaines dérogations à ce principe (CP, art. 226-14).
Tout d’abord, un médecin ou tout autre professionnel de santé peut fournir au procureur de la République ou à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes tous faits relatifs aux mineurs en danger, ou qui risquent de l’être, qu’il a pu constater au cours de l’exercice de sa profession et qui laissent supposer qu’il est ou a été victime de violences physiques, sexuelles ou psychiques. Le professionnel de santé doit recueillir l’accord de la victime sauf si cette dernière, du fait de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, n’est pas en mesure de se protéger.
En outre, un médecin ou tout autre professionnel de santé peut fournir au procureur de la République une information sur des violences exercées au sein d’un couple à condition qu’il « estime en conscience » que les violences subies mettent la victime majeure en danger immédiat et qu’elle ne peut se protéger en raison de l’emprise exercée par l’auteur des violences. Le professionnel doit « s’efforcer » de recueillir l’accord de la victime. S’il n’y parvient pas, il peut faire le signalement mais doit en informer la victime. Cette dernière hypothèse est issue de la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales.
Lorsqu’une salariée subit des violences dans le cadre du travail, l’employeur a l’obligation d’agir en étroite collaboration avec le comité social et économique et le service de santé au travail.
Dès lors qu’un signalement de violences physiques, morales ou sexuelles est effectué, une enquête doit être menée et les différentes personnes concernées interrogées. Si les violences sont constatées, l’employeur doit prendre immédiatement des mesures pour les faire cesser et les sanctionner. La victime doit également être prise en charge et accompagnée. L’employeur peut notamment prendre contact avec les forces de l’ordre en cas de besoin.
A noter : Lorsque les violences subies relèvent de l’environnement familial, le code du travail n’impose pas à l’employeur d’intervenir dès lors que cela relève de la vie privée de la salariée.
En moyenne chaque année en France :
• 213 000 femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles exercées par leurs conjoints ou anciens conjoints. Parmi ces femmes, 7 sur 10 expliquent que ces faits sont répétés, mais seulement 18 % déclarent avoir porté plainte ;
• 94 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de viols et/ou de tentative de viol. Dans 91 % des cas, les agressions sont exercées par une personne que la victime connaissait. Parmi ces femmes, seulement 12 % déclarent avoir porté plainte.
Source : Observatoire national des violences faites aux femmes – https://bit.ly/2Gi8vWq.
Le 39 19 « Violences Femmes Info » est le numéro national de référence destiné aux femmes victimes de violence, à leur entourage et aux différents professionnels. Il concerne les violences conjugales mais également les violences psychologiques ou sexuelles ou encore les mariages forcés, les mutilations sexuelles, le harcèlement… Ce numéro gratuit et anonyme permet d’écouter, d’informer et d’orienter les personnes en fonction des demandes.
De surcroît, les autorités ont créé une plateforme de signalement en ligne des violences sexistes et sexuelles disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 (https://www.service-public.fr/cmi). Elle permet aux victimes de dialoguer avec des forces de l’ordre formées aux violences sexistes et de recueillir des signalements. Le dispositif est anonyme et gratuit.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 3 août 2018 précitée, le fait d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, constitue un outrage sexiste (CP, art. 621-1).
Peuvent ainsi être considérés comme un outrage sexiste :
• les sifflements, gestes et bruits obscènes ;
• les commentaires dégradants sur le physique ou la tenue vestimentaire.
Cet acte est puni d’une amende pouvant aller jusqu’à 750 €. La peine peut être aggravée et augmenter à 1 500 € d’amende lorsque, par exemple, la victime est un mineur de moins de 15 ans ou une personne particulièrement vulnérable. A titre complémentaire, les auteurs peuvent également être contraints de réaliser des stages de lutte contre le sexisme et des stages de sensibilisation.
A noter : Le site du gouvernement permet un signalement des violences sexistes et sexuelles directement en ligne : https://bit.ly/3in8OMw.
Le harcèlement moral est caractérisé par des agissements répétés qui ont pour conséquence une dégradation des conditions de travail (code du travail [C. trav.], art. L. 1152-1).
Le harcèlement sexuel est constitué quant à lui soit par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui portent atteinte à la dignité du salarié ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, soit par toute forme de pression, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle (C. trav., art. L. 1153-1).
Ces deux types de harcèlement sont punis de 1 an d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 € (C. trav., art. L. 1155-2).
A noter : L’employeur doit prendre toutes les mesures en vue de prévenir, de mettre fin et de sanctionner des faits de harcèlement (C. trav., art. L. 1152-4 et L. 1153-5).
(1) Loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs.
(1) Pour plus d’informations, voir Le guide pratique de l’ordonnance de protection – Ministère de la Justice – https://bit.ly/2GhOsr6.
(1) Annuaire d’associations d’aide aux victimes sur https://bit.ly/2SkynTS.
(1) Plus d’informations sur https://bit.ly/2ETGFz9.
(3) Plus d’informations sur https://bit.ly/3l7vC4N.