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La tentation de l’indépendance

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On ne connaît pas leur nombre exact, mais, à l’instar des assistants de service social intervenant en entreprises depuis une vingtaine d’années, de plus en plus de travailleurs sociaux quittent les institutions pour exercer en libéral. Parmi eux, de nombreux éducateurs spécialisés. Un choix principalement motivé par la perte de sens ressentie dans leur métier et le désir de retrouver un pouvoir d’agir, une liberté de parole. Un accompagnement au cas par cas devenu impossible face aux lourdeurs administratives, aux impératifs gestionnaires et aux manques de moyens des structures sociales et médico-sociales. Coaching parental, soutien individuel à des enfants en difficultés, aide aux personnes âgées isolées, handicapées… Les services qu’Aurélie, Brigitte ou Elodie proposent sont divers et souvent complémentaires à ceux des collectivités, des établissements publics et des associations (page 8). Signe que le mouvement n’est pas anecdotique, des réseaux d’entraide et d’information dédiés à ces nouveaux libéraux se mettent en place sur la Toile et ailleurs. Il n’empêche, le travail social libéralisé interroge. Dans un monde où l’individualisme est la norme, où l’auto-entreprenariat est synonyme de modernité et de dynamisme, où les coachings en tout genre sont à la mode, les travailleurs sociaux seraient-ils devenus « ringards » (page 9) ? Certes, l’indépendance comporte des avantages : celui de pouvoir travailler en profondeur avec une personne, celui de pouvoir revendiquer des compétences, mais aussi celui d’innover, comme le fait Sébastien en prenant en charge chez lui, 24 heures sur 24 pendant deux mois, des adolescents à la dérive suivis par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Des jeunes sur le point de devenir actionnaires de la société coopérative qu’il est en train de créer (page 12). Du jamais-vu dans la protection de l’enfance. Pour autant, et pour toute séduisante qu’elle soit, l’arène libérale comporte des risques. A commencer par l’émergence d’un travail social privé avec des familles aisées pouvant « s’offrir » les professionnels dont ils ont besoin pour les aider, créant ainsi une inégalité de traitement entre les riches et les pauvres (page 11). Pire : des dérives commencent à apparaître, avec des assistants de service social libéraux n’hésitant pas à facturer un dossier d’accès au RSA à un usager (page 8). Un acte proscrit par les textes et condamnable, mais qui en dit long sur les dérives possibles, même si, pour l’heure, les travailleurs sociaux indépendants en sont surtout à chercher leurs marques.

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