Le salarié est placé sous l’autorité de son employeur qui a le pouvoir « de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements » (Cass. soc., 13 novembre 1996, n° 94-13187). Ce lien de subordination entre le salarié et l’employeur confère à ce dernier un pouvoir de direction et lui donne la possibilité de contrôler l’activité des salariés pendant leur temps de travail et, le cas échéant, de sanctionner leurs comportements fautifs. L’employeur est ainsi en droit d’installer des moyens de contrôle et de surveillance dans sa structure.
Pour autant, ce pouvoir de contrôle n’est pas absolu. En effet, le développement de ces dispositifs peut avoir un impact significatif sur la vie privée et les droits et libertés fondamentaux des salariés. Ces mécanismes sont ainsi encadrés et limités par le code du travail, les textes européens et la jurisprudence qui instaurent des conditions et des procédures particulières.
Notre dossier s’intéressera plus particulièrement aux dispositifs présents au sein du secteur de l’emploi à domicile et spécifiquement de la garde d’enfant et de l’accompagnement des personnes âgées ou handicapées.
Ces dispositifs de vidéosurveillance et géolocalisation ont des conditions de mise en place communes. Toutefois, il existe certaines spécificités qu’il convient de respecter. A défaut de suivi et de respect de ces dernières, l’employeur s’expose à des sanctions.
L’employeur peut mettre en place des dispositifs de surveillance. Toutefois, ils doivent s’articuler avec le respect de la vie personnelle des salariés. De surcroît, l’employeur doit veiller à l’information du comité social et économique (CSE) et des salariés, ainsi qu’à la mise en œuvre des dispositions inhérentes au règlement général sur la protection des données.
Conformément à l’article 9 du code civil, « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Ce principe trouve à s’appliquer aussi bien dans le cadre professionnel qu’en dehors. Par conséquent, même au temps et au lieu de travail, le salarié a droit au respect de sa vie privée (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42942).
De façon plus générale, la Cour de cassation comme la doctrine utilisent la notion plus large de « vie personnelle » (voir notamment Cass. soc., 14 mai 1997, n° 94-45473). Selon la doctrine, la notion de « vie privée » avait une portée trop réduite pour protéger pleinement le salarié. En effet, ce concept est limité à l’intimité du salarié contrairement à la notion de « vie personnelle » qui s’étend bien au-delà de cette sphère. A titre d’exemple, les conversations téléphoniques relèvent de la vie privée du salarié alors que ses activités sportives ou culturelles relèvent de sa vie personnelle. Le législateur encadre ainsi le pouvoir de contrôle de l’employeur sur le fondement du respect de la vie personnelle des salariés.
De surcroît, si des dispositifs de surveillance et de contrôle peuvent être mis en place dans l’entreprise ou dans l’association, ils ne doivent pas restreindre les libertés des salariés de façon disproportionnée et injustifiée. En effet, l’article L. 1121-1 du code du travail dispose que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
A noter : Si les moyens de contrôle et de surveillance concernent des salariés protégés tels que des membres du CSE ou des délégués syndicaux, on conseillera aux employeurs d’être très vigilants et de veiller au respect des droits et des libertés attachés à leurs fonctions.
En pratique, afin de déterminer si le principe de proportionnalité est respecté, les juges contrôlent si le moyen choisi par l’employeur permet d’atteindre le but visé et ils s’assurent du caractère indispensable de la mesure envisagée. Ensuite, ils vérifient si les effets de la mesure choisie ne sont pas excessifs par rapport au résultat escompté. En conséquence, un employeur ne peut pas mettre en place une caméra de surveillance uniquement dans le but de contrôler de façon permanente les salariés. La collecte des données doit avoir une finalité déterminée, explicite et légitime, comme des vols répétés de matériel (voir notamment Cnil [Commission nationale de l’informatique et des libertés], délibération n° 2009-201 du 16 avril 2009).
Préalablement à toute décision de mise en œuvre de moyens ou de techniques permettant de contrôler l’activité des salariés, l’employeur doit informer et consulter le comité social et économique (code du travail [C. trav.], art. L. 2312-38). Les représentants du personnel donnent leur avis sur la pertinence et la proportionnalité entre les moyens utilisés et le but recherché (voir notamment Cass. soc., 10 avril 2008, n° 06-45741). Lorsqu’ils sont consultés par l’employeur, les membres du CSE peuvent faire appel à un expert habilité en cas d’introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav., art. L. 2315-94). Tel pourrait être le cas, par exemple, si l’employeur décide d’installer un système de géolocalisation dans les véhicules de service mis à disposition des salariés.
A noter : L’information et la consultation du CSE ne sont toutefois pas requises si le dispositif de vidéosurveillance vise uniquement à surveiller des locaux auxquels les salariés n’ont pas accès (Cass. soc., 31 janvier 2001, n° 98-44290). Dans cet arrêt, le système de vidéosurveillance avait été mis en place dans un entrepôt de marchandises et il n’enregistrait pas l’activité des salariés affectés à un poste de travail.
En outre, l’employeur est tenu vis-à-vis de ses salariés d’une obligation de loyauté. Il doit ainsi informer au préalable l’ensemble des salariés (C. trav., art. L. 1222-4). Le code du travail ne précise pas les modalités d’information des salariés. Afin de garder une trace de l’accomplissement de cette formalité, il est néanmoins recommandé d’utiliser la forme écrite. Sur ce point, la Cour de cassation a validé l’utilisation d’un mémo circularisé sous forme papier et disponible de manière constante sur l’intranet de la structure (Cass. soc., 13 juin 2018, n° 16-25301).
De surcroît, la Commission nationale de l’informatique et des libertés effectue des préconisations pour chacun des dispositifs de surveillance.
En matière de vidéosurveillance, la Cnil recommande d’informer individuellement chaque salarié par le biais d’une note de service et d’afficher un panneau dans les locaux sous surveillance précisant notamment le nom du responsable, la base légale du dispositif, la durée de conservation des images, la possibilité d’adresser une réclamation à la Cnil ou encore la procédure pour demander l’accès aux enregistrements visuels(1).
En matière de géolocalisation, la Cnil précise que pour assurer une pleine et entière information du salarié, ce dernier doit avoir connaissance :
• de l’identité du responsable du traitement ou de son représentant ;
• de la finalité poursuivie par le traitement ;
• des destinataires ou catégories de destinataires des données ;
• de l’existence d’un droit d’accès aux données les concernant, d’un droit de rectification et d’un droit d’opposition pour motif légitime ;
• des modalités d’exercice de ces droits.
A noter : L’employeur peut opposer aux salariés les images de vidéosurveillance prises dans le sous-sol réservé au stationnement des deux-roues même si les salariés n’étaient pas avertis puisque le dispositif n’avait pas pour objectif de contrôler l’exercice des fonctions (Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 17-24179).
Les systèmes de surveillance et de contrôle de l’activité des salariés tels que la vidéosurveillance ou la géolocalisation sont des traitements de données à caractère personnel. Les employeurs doivent ainsi se conformer aux règles spécifiques applicables à ce type de dispositif.
Avant l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données (RGPD), le 25 mai 2018, l’employeur devait déclarer à la Cnil tous les traitements automatisés d’informations nominatives. Depuis, ces formalités ont évolué et l’employeur n’est plus contraint de faire une déclaration préalable à la Cnil. La déclaration a été remplacée par un mécanisme d’autocontrôle en cas de traitement de données à caractère personnel. En d’autres termes, les entreprises et les associations doivent pouvoir justifier à tout moment de leur conformité aux dispositions du RGPD. A ce titre, le RGPD prévoit un certain nombre d’outils obligatoires à mettre en place.
L’entreprise doit tout d’abord réaliser une analyse d’impact dès lors qu’elle envisage de mettre en place un traitement de données à caractère personnel susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques (RGPD, art. 35). Tel est le cas notamment lorsque l’employeur souhaite instaurer un système de géolocalisation. L’analyse doit contenir au minimum :
• une description systématique des opérations de traitement envisagées et des finalités du traitement, y compris, le cas échéant, l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ;
• une évaluation de la nécessité et de la proportionnalité des opérations de traitement au regard des finalités ;
• une évaluation des risques pour les droits et libertés des personnes concernées ;
• les mesures envisagées pour faire face aux risques, y compris les garanties, mesures et mécanismes de sécurité visant à assurer la protection des données à caractère personnel et à apporter la preuve du respect du présent règlement, compte tenu des droits et des intérêts légitimes des personnes concernées et des autres personnes affectées.
De plus, l’employeur doit inscrire le dispositif au registre des activités de traitement qui permet de recenser et d’analyser les traitements de données personnelles. Ce document est obligatoire dans toutes les structures qui traitent des données à caractère personnel. Il identifie notamment les parties intervenant dans le traitement, les catégories de données traitées, l’utilité de ces données, l’identité des personnes qui peuvent accéder à ces données, la durée de conservation et les modalités permettant d’assurer leur sécurité (RGPD, art. 30).
Enfin, la structure doit désigner un délégué à la protection des données ou un interlocuteur chargé de répondre aux questions en matière d’« informatique et libertés » qui sera associé à l’instauration du dispositif dans la structure.
A noter : Le délégué a pour mission de mettre en conformité la structure avec le RGPD. Pour cela, il conseille, informe et contrôle les dispositions mises en place. Il est obligatoire de le désigner dans les organismes dont l’activité les conduit à réaliser un suivi régulier et systématique des personnes à grande échelle ou à traiter à grande échelle des données sensibles(1).
En complément des dispositions applicables à l’ensemble des dispositifs de surveillance, l’employeur doit également respecter certaines spécificités de mise en place pour la vidéosurveillance et la géolocalisation.
Dans le cadre de son pouvoir de contrôle, l’employeur a la possibilité d’installer des caméras de vidéosurveillance dans les locaux de l’entreprise en vue de surveiller les salariés. Toutefois, il doit respecter certaines prescriptions particulières en plus de celles déjà précisées préalablement (voir page 19).
La vidéosurveillance est admise uniquement si elle poursuit un objectif légal et légitime. L’installation de caméras peut, par exemple, être rendue nécessaire pour assurer la sécurité des biens et des personnes dans la structure ou encore en raison de risques particuliers de maltraitance ou de vol.
De surcroît, avant d’installer le système de vidéosurveillance, l’employeur doit prendre de nombreuses précautions. Les caméras peuvent filmer les zones d’entrée et de sortie des bâtiments ou encore les zones de stockage de marchandises. Toutefois, elles ne peuvent être placées de façon à filmer les salariés de façon permanente sur leur poste de travail ou encore dans les salles de pause. A défaut, l’employeur porterait atteinte à la vie privée des salariés et pourrait être sanctionné.
A noter : La Commission nationale de l’informatique et des libertés autorise l’employeur à filmer les salariés en continue sur leur poste de travail uniquement dans des circonstances particulières, comme lorsqu’un salarié manipule des objets de grande valeur ou que le responsable de traitement peut justifier de vols ou de dégradations commises dans ces zones (décision n° MED-2019-025 du 5 novembre 2019).
L’employeur doit également impérativement sécuriser l’accès aux images de vidéosurveillance. En effet, elles ne peuvent être visionnées que par des personnes habilitées du fait de leurs fonctions dans l’entreprise, par exemple un membre de la sécurité. Il est également impératif de fixer une durée de conservation des images, déterminée en fonction de la finalité poursuivie par le système de contrôle.
En outre, selon le type de lieux filmés, l’employeur doit accomplir certaines formalités supplémentaires. Lorsque les lieux sont ouverts au public, le dispositif de vidéosurveillance doit être autorisé par le préfet du département. En revanche, si les lieux ne sont pas ouverts au public, il n’est pas nécessaire de recueillir des autorisations administratives préalables.
L’employeur est en droit d’installer des systèmes de géolocalisation dans les véhicules mis à disposition des salariés pour exécuter leur prestation de travail. Toutefois, la mise en œuvre de ce dispositif doit répondre à certaines conditions.
La géolocalisation doit être justifiée par un intérêt légitime. La Cnil précise à ce titre que l’employeur doit poursuivre une des finalités suivantes (délibération n° 2015-165 du 4 juin 2015)(1) :
• le respect d’une obligation légale ou réglementaire imposant la mise en œuvre d’un dispositif de géolocalisation en raison du type de transport ou de la nature des biens transportés ;
• le suivi et la facturation d’une prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d’une prestation de services directement liée à l’utilisation du véhicule, ainsi que la justification d’une prestation auprès d’un client ou d’un donneur d’ordre ;
• la sûreté ou la sécurité de l’employé lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge, en particulier la lutte contre le vol du véhicule ;
• une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés, notamment pour des interventions d’urgence ;
• le contrôle du respect des règles d’utilisation du véhicule définies par le responsable de traitement, sous réserve de ne pas collecter une donnée de localisation en dehors du temps de travail du conducteur.
La Cnil rappelle très régulièrement que l’employeur peut collecter des données à caractère personnel uniquement « si elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard de la finalité poursuivie par le responsable de traitement » (délibération n° 2015-165 du 4 juin 2015).
En outre, la Cour de cassation est venue préciser les modalités de recours à ce dispositif lorsqu’il a pour objectif de contrôler la durée du travail du salarié. Le recours à ce dispositif est licite seulement si le salarié ne dispose pas d’une liberté dans l’organisation de son travail (Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-18036 ; Cass. soc., 19 décembre 2018, n° 17-14631). De plus, l’utilisation de la géolocalisation se fait uniquement à titre subsidiaire. Ainsi l’employeur ne doit pas disposer de mesures alternatives pour contrôler le temps de travail du salarié même si ces dernières s’avèrent moins efficaces que la géolocalisation (Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-18036 ; Cass. soc., 19 décembre 2018, n° 17-14.631). A titre d’illustration, le système de géolocalisation est excessif lorsque l’employeur peut contrôler la durée du travail par le biais de documents déclaratifs du salarié (Conseil d’Etat, 15 décembre 2017, n° 403776).
A noter : L’employeur ne peut pas utiliser le dispositif de géolocalisation pour suivre les différents déplacements des représentants du personnel pendant l’exercice de leur mandat ou pour surveiller de façon permanente les salariés.
De surcroît, en vue de garantir le respect de la vie personnelle du salarié, la Cnil énumère différentes prescriptions (délibération n° 2015-165 du 4 juin 2015) :
• le salarié doit avoir accès aux données enregistrées par l’employeur et pouvoir désactiver la géolocalisation en dehors de son temps de travail ;
• les informations collectées doivent pouvoir être visualisées uniquement par le personnel habilité à cet effet par l’employeur ;
• enfin, les données de localisation peuvent être conservées au maximum 2 mois. Néanmoins, cette durée peut être portée à 1 an s’il est nécessaire de prouver l’exécution d’une prestation et qu’aucun autre moyen de preuve n’existe. Cette durée peut exceptionnellement être portée à 5 ans dans le cadre du suivi du temps de travail à condition de conserver uniquement les données relatives aux horaires et que le suivi ne puisse être effectué par un autre moyen.
A noter : La Cour de cassation a, par ailleurs, précisé que l’employeur ne pouvait pas recueillir les services d’un détective privé pour suivre ses salariés. Elle a considéré que ce mode de preuve était illicite (voir notamment Cass. civ. 2e, 17 mars 2016, n° 15-11412).
Dès lors que l’employeur ne respecte pas les conditions de mise en œuvre des dispositifs de surveillance, il ne peut utiliser les informations qu’il a recueillies. Il peut être sanctionné dans l’hypothèse où il ne consulte pas les représentants du personnel, n’informe pas les salariés ou ne respecte pas le RGPD.
L’employeur est en droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail. Toutefois, s’il ne respecte pas la procédure et les conditions de mise en place, tous les éléments recueillis par ce dispositif sont irrecevables et ne peuvent pas constituer un mode de preuve licite pour sanctionner le salarié le cas échéant. A titre d’illustration, tous les enregistrements intervenus à l’insu des salariés constituent un mode de preuve illicite (Cass. soc., 20 novembre 1991, n° 88-43120). Ainsi, dans l’hypothèse où le licenciement porte exclusivement sur les informations récoltées illicitement, il est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 15 mai 2001, n° 99-42219).
De surcroît, l’employeur peut être condamné pénalement s’il ne respecte pas les règles de mise en place et porte atteinte à l’intimité de la vie privée des salariés. Par exemple, en cas d’enregistrement de l’image d’une personne à son insu dans un lieu privé, la peine encourue est de 1 an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende (code pénal [CP.], art. 226-1). Le détournement de la finalité du dispositif est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende (CP, art. 226-21). Par ailleurs, une personne morale déclarée responsable pénalement encourt une amende ainsi que l’interdiction, à titre temporaire ou définitif, d’exercer l’activité professionnelle dans l’exercice de laquelle l’infraction a été commise et l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée (CP, art. 226-7).
S’ils constatent une atteinte aux droits des personnes ou à leurs libertés individuelles, les représentants du personnel peuvent saisir immédiatement l’employeur par le biais de la procédure d’alerte. Ce dernier doit alors procéder sans délai à une enquête et prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation. En cas de carence de l’employeur ou à défaut de solution, les représentants du personnel peuvent saisir directement le bureau de jugement du conseil de prud’hommes (C. trav., art. L. 2312-59).
En outre, dans cette hypothèse, le comité social et économique a la possibilité de saisir le juge des référés afin d’obtenir une suspension de la mise en place du dispositif jusqu’à la consultation (voir notamment Cass. soc., 10 avril 2008, n° 06-45741).
Par ailleurs, l’employeur qui ne consulte pas le CSE commet une entrave au fonctionnement régulier de cette institution et peut être condamné à une amende de 7 500 € (C. trav., art. L. 2317-1).
La Cnil s’assure de la conformité des entreprises et des associations au RGPD. Elle effectue à ce titre un contrôle a posteriori et peut prononcer des amendes administratives. Elle doit vérifier que les sanctions sont effectives, proportionnées et dissuasives. De cette façon, elle tient compte de la nature, de la gravité et de la durée de la violation ou encore du fait que la violation a été commise délibérément ou par négligence (RGPD, art. 83).
De surcroît, la méconnaissance du RGPD peut être constitutive d’un délit ou d’une contravention. A titre d’illustration, le non-respect des formalités préalables à la mise en œuvre des traitements de données à caractère personnel est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende (CP, art. 226-16). De même, l’absence de précautions pour la sécurité des informations collectées et la conservation des données hors délai sont punies de 5 ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende (CP, art. 226-17 et 226-20). En revanche, la communication de données volontairement inexactes ou le défaut d’information sur le droit des salariés sont constitutifs d’une amende de 5e classe et peuvent éventuellement faire l’objet d’un affichage.
Un salarié qui estime que son employeur n’a pas respecté le RGPD peut adresser une réclamation ou une plainte à la Cnil afin que cette dernière évalue la situation et se rapproche, le cas échéant, de la structure concernée. Le salarié a également la possibilité de saisir les services de l’inspection du travail.
Par ailleurs, toute personne ayant subi un dommage matériel ou moral en raison d’une violation du RGPD peut obtenir réparation de son préjudice en engageant la responsabilité civile du responsable de traitement (RGPD, art. 82).
Licenciement disciplinaire
Par principe, la Cour de cassation rappelle qu’un fait issu de la vie personnelle ne peut constituer une faute susceptible de rompre le contrat de travail (voir notamment Cass. soc., 16 décembre 1997, n° 95-41326). Toutefois, les juges admettent trois tempéraments très limités. Ainsi l’employeur peut licencier un salarié :
• lorsqu’il use abusivement de sa liberté d’expression ;
• lorsqu’il viole une obligation contractuelle ;
• lorsque le fait issu de la vie personnelle se rattache à la vie professionnelle.
A titre d’illustration, la Haute Juridiction a validé le licenciement pour faute grave d’un salarié qui, en dehors de son temps de travail, se trouvait au sein de son entreprise en état d’ébriété et avait commis des violences (Cass. soc., 28 mars 2000, n° 97-43823). De même, la Cour de cassation a retenu le licenciement pour faute grave d’un salarié engagé en qualité de personnel naviguant qui avait consommé des produits stupéfiants entre deux escales et qui se trouvait toujours sous leur influence pendant l’exercice de ses fonctions. Le salarié n’avait pas respecté les obligations de son contrat de travail et avait fait courir un risque aux passagers (Cass. soc., 27 mars 2012, n° 10-19915).
Licenciement non disciplinaire
Selon la Haute Juridiction, il ne peut être procédé au licenciement d’un salarié pour une cause tirée de sa vie privée. Néanmoins, il en est autrement « lorsque le comportement de l’intéressé, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière » (Cass. soc., 20 novembre 1991, n° 89-44605).
A noter : La Cour de cassation estime que l’existence d’un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire (Cass. ch. mixte, 18 mai 2007, n° 05-40803). Dans cette hypothèse, le licenciement est ainsi non disciplinaire.
Dans le cadre de l’activité professionnelle, l’employeur met à la disposition des salariés du matériel : ordinateur, téléphone, clé USB. Sur le fondement de son pouvoir de direction, il peut en contrôler l’utilisation.
Ordinateur professionnel
Par principe, les documents figurant sur l’ordinateur professionnel sont présumés avoir un caractère professionnel. L’employeur peut donc y avoir accès hors de la présence du salarié (Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-48025).
Néanmoins, si le salarié identifie certains fichiers ou certaines correspondances comme « personnels », l’employeur ne peut pas les consulter hors de sa présence ou sans l’avoir préalablement informé. A défaut, l’employeur ne pourra utiliser les éléments recueillis pour éventuellement sanctionner le salarié. On conseillera donc aux employeurs de bien respecter la procédure et de recourir, le cas échéant, à un huissier de justice pour garantir la licéité de la preuve.
A noter: Un fichier nommé « perso » constitue un fichier à caractère personnel (Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40017), contrairement à ceux intitulés « JM » (initiales du salarié) ou « mes documents » (Cass. soc., 21 octobre 2009, n° 07-43877 ; Cass. soc., 10 mai 2012, n° 11-13884).
Par ailleurs, les connexions effectuées par un salarié sur différents sites Internet pendant son temps de travail sur son outil informatique professionnel bénéficient également de la présomption professionnelle. L’employeur peut ainsi les rechercher aux fins de les identifier même si le salarié n’est pas présent à l’entreprise (Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 06-45800). En revanche, l’employeur ne peut prendre connaissance des messages échangés sur une messagerie personnelle de type « Messenger » que le salarié a installée sur son ordinateur professionnel (Cass. soc., 23 octobre 2019, n° 17-28448).
Si l’employeur ne respecte pas la procédure et qu’il porte atteinte au secret des correspondances, il encourt une peine de 1 an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende (CP, art. 226-15).
Téléphone professionnel et clé USB professionnelle
La Cour de cassation a appliqué le même raisonnement juridique au téléphone professionnel et la clé USB professionnelle.
L’employeur peut ainsi consulter les SMS envoyés ou reçus par le salarié avec son téléphone professionnel sans que le salarié soit présent sauf s’ils sont identifiés comme « personnels » (Cass. com., 10 février 2015, n° 13-14779).
A noter : L’employeur peut néanmoins sanctionner l’usage abusif du téléphone professionnel à des fins personnelles (Cass. soc., 18 juin 2003, n° 01-43122). Dans cet arrêt, une salariée avait quotidiennement appelé la métropole depuis la Martinique pendant plusieurs mois alors même qu’elle avait été avertie de l’augmentation anormale de ses communications téléphoniques.
De surcroît, la Cour de cassation estime que lorsque la clé USB est connectée à l’ordinateur professionnel, elle constitue une extension de ce dernier. Dès lors, en l’absence de mention expresse de fichiers identifiés comme personnels, l’employeur peut contrôler le contenu de la clé hors la présence du salarié dans le cadre de son pouvoir de direction (Cass. soc. 12 février 2013, n° 11-28649).
Si l’installation de la vidéosurveillance pourra être facilitée dans les locaux d’un établissement et service d’aide par le travail (Esat), compte tenu de l’activité exercée, et notamment la nécessité d’assurer la surveillance et la protection des biens matériels de la structure, la question des établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) est bien plus épineuse…
Il s’agit d’articuler, d’une part, le droit du travail et la protection des salariés dans le cadre de leur prestation de travail, mais également le droit des résidents à protéger la sphère de leur vie privée dans les parties privatives, telles que les chambres. Malgré l’objectif affiché de garantie de soins et de respect de la bien-traitance évident, on ne peut appliquer ici la réglementation relative au domicile car l’Ehpad ne constitue pas un domicile au sens de la règlementation de la Cnil mais l’usage demeure toutefois privatif. De plus, il n’est pas envisageable que les salariés intervenants soient placés dans une situation exclusive du droit du travail sous le prétexte que le lieu de travail ne correspond pas aux conditions « classiques ».
Ainsi, les résidents (ou leurs représentants légaux) devront impérativement donner leur autorisation quant à l’installation d’un tel matériel dans leur lieu de vie et les salariés être informés dans le respect des règles du droit du travail.
La mise en place du système de télégestion s’est largement généralisée dans le secteur de l’aide à domicile. Il facilite le décompte du temps de travail et garantit le respect des horaires de travail des salariés intervenant notamment auprès de personnes fragiles.
Il permet également d’alléger les charges des équipes administratives de reprise des fiches de pointages et d’éviter les éventuelles contestations… Mais il interroge sur un renforcement de la surveillance des salariés dans l’exécution de leurs missions.
Cependant, les juridictions ont eu l’occasion de rappeler que l’expertise du CHSCT (aujourd’hui CSE et commission éventuelle) n’était pas justifiée dès lors que l’introduction de la télégestion ne remettait pas en cause les rapports entre les salariés et les bénéficiaires ni le temps consacré ou encore les temps d’intermissions (CA Grenoble, ch. soc., 23 mars 2011, n° 10-3689, CHSCT de l’ADPA c/ Assoc. ADPA).
La réglementation issue des décisions de la Cnil concernant les locaux d’une association ou entreprise ne trouve pas application chez les particuliers qui reçoivent à leur domicile du personnel au titre des services à la personne ou de l’aide à domicile. Ils peuvent installer des caméras de surveillance. Cependant, ils doivent veiller à ne pas filmer la voie publique ou porter atteinte à la vie privée des personnes qu’ils filment.
Si le particulier emploie un salarié à son domicile en tant que particulier employeur, il a l’obligation de se conformer aux dispositions du code du travail. En ce sens, il doit avertir le salarié de l’existence du dispositif et veiller à ce qu’il ne soit pas filmé continuellement durant sa prestation de travail. La finalité de cette utilisation doit être la sécurité des biens et des personnes. De plus, les images ne peuvent être conservées au-delà de 1 mois sauf en cas de circonstances exceptionnelles telles que les procédures judiciaires(1).
Si un employeur, entreprise ou association prestataire, envoie un salarié au domicile d’un client qui dispose de caméras de surveillance, il a également l’obligation de se conformer aux dispositions légales. Il doit impérativement se rapprocher du client afin de connaître la finalité du dispositif, les modalités de visionnage, l’emplacement des caméras ou encore la durée de conservation des images. Il est également nécessaire d’informer et de consulter le CSE et de prévenir le salarié.
Ce mécanisme consiste à enregistrer, d’une part, l’image apparaissant sur l’ordinateur du salarié par le biais de capture d’écran ou de vidéo et, d’autre part, la conservation téléphonique.
Enregistrement des conversations téléphoniques et captures d’écran
La Cnil considère que l’utilisation d’une capture d’écran n’est « ni pertinente ni proportionnée » puisque l’image est figée et ne peut permettre de reproduire fidèlement l’activité du salarié. Ainsi elle estime qu’en principe ce mécanisme ne peut exister.
Enregistrement des conversations téléphoniques et enregistrement vidéo de l’écran
Ce type de couplage est admis puisque la vidéo, contrairement à la capture d’écran, représente plus fidèlement le travail du salarié. Néanmoins, le recours à ce mécanisme doit être proportionné et justifié.
Selon la Cnil, ce dispositif peut être proportionné lorsque l’objectif poursuivi est la formation des salariés et qu’il existe des garanties suffisantes. Or les garanties peuvent être suffisantes si les salariés sont informés, que l’utilisation du dispositif intervient seulement pendant les appels téléphoniques ou encore s’il existe une limitation de l’accès aux enregistrements(1).
(1) Pour plus de précisions, voir notamment : https://www.cnil.fr/fr/ videosurveillance-videoprotection
(1) Plus d’informations sur le site de la Cnil : https://bit.ly/3kL3N1Q.
(1) Portant adoption d’une norme simplifiée concernant les traitements automatisés de données à caractère personnel mis en œuvre par les organismes publics ou privés destinés à géolocaliser les véhicules utilisés par leurs employés (norme simplifiée n° 51)
(1) Plus d’informations sur le site de la Cnil : https://bit.ly/3hVsdE1.
(1) Plus d’informations sur le site de la Cnil : https://bit.ly/3060ASD