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Le rapport « Vachey » pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses

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Remis au gouvernement la semaine dernière, le rapport de Laurent Vachey liste des propositions en apparence très techniques sur l’architecture ou le financement de la 5e branche de la sécurité sociale dédiée à l’autonomie. Il porte pourtant des enjeux éminemment humains et politiques, et les propositions retenues détermineront un projet de société.

LES TRANSFERTS DE DEPENSES, LES CONTOURS DES SITUATIONS DE DEPENDANCE prises ou non en compte, la simplification des pilotages telle que la suggère Laurent Vachey, haut fonctionnaire de l’Igas, dans son rapport sur l’organisation de la 5e branche autonomie…, toutes ces dimensions semblent proposer des évolutions bien plus que des changements radicaux. Pour autant, et les parties prenantes ne s’y trompent pas (voir page 10), les choix proposés sont tout sauf anodins.

Et ce dès le périmètre de cette 5e branche de la sécurité sociale, qui rejoindrait la maladie, la famille, les accidents du travail et la retraite. Au premier regard, les choses sont simples : la prise en charge de la dépendance doit être faite pour tous, personnes âgées et handicapées. Mais qu’est-ce à dire précisément ?

Laurent Vachey exclut du champ de l’autonomie les sujets de l’emploi, des transports et de l’éducation, qu’il dit devoir rester dans les dispositifs de droit commun. Les parties prenantes sont plutôt en accord avec cette approche.

Des économies sur les prestations

En revanche, le rapport préconise des transferts de dépenses vers cette branche « autonomie » et tous ne font pas l’unanimité. Ainsi l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), la partie « aides humaines » des pensions d’invalidité ou les unités de soins longue maladie quitteraient-elles leurs financeurs actuels au sein de la sécurité sociale. Les associations du champ du handicap ne partagent pas toutes la même analyse sur le détail de ce découpage. Leur voix commence à se faire davantage entendre à propos des transferts envisagés par le projet de loi de finances de la sécurité sociale pour 2021. Le budget de l’Etat se délesterait au sein de cette branche du financement des aides aux postes des travailleurs en établissement et service d’aide par le travail (Esat) ou – et c’est peut-être là que se joue l’un des plus gros enjeux humains autant que financiers – des 10,6 milliards d’euros que lui coûte le versement de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

Les associations, au départ, n’étaient pas forcément opposées à ce transfert de l’AAH, si cela permettait d’envisager des améliorations, comme la fin de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de la prestation, ou une meilleure articulation avec les pensions d’invalidité. Mais le rapport envisage la question de l’AAH sous le seul prisme des 400 millions d’euros d’économies qu’il estime possibles d’ici à 2024, en particulier au travers de la limitation du nombre de bénéficiaires, qui ne cesse de croître. Et de suggérer de surveiller le nombre de personnes qui basculent du revenu de solidarité active (RSA) vers l’AAH. « Sans la mobilisation forte des associations, prévient un fin connaisseur du dossier, cette mesure a toutes les chances d’être adoptée : la CNSA [Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie] revendique d’intégrer l’AAH, puisque ça augmente son budget. L’Etat, de son côté, a tout intérêt à se débarrasser de cette dépense dynamique… mais les personnes ont beaucoup à perdre. » Cette approche purement budgétaire réduit par avance toute refonte profonde du système d’attribution.

Enfin, dernier enjeu autour du périmètre, et pas des moindres, les questions de la prestation de compensation du handicap (PCH) et de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Si le Parlement vote le budget de ces prestations dans le cadre du projet de loi de finances de la sécurité sociale, qu’adviendra-t-il de la libre administration des collectivités territoriales qui les paient ? Il en irait de même pour les financements des établissements et services médico-sociaux.

De façon générale, la gouvernance porte l’enjeu de l’équité territoriale, un accès égal aux droits quel que soit le lieu de résidence aujourd’hui non assuré.

Au niveau local, le rapport préconise le maintien du partage des pouvoirs entre départements et agences régionales de santé (ARS), qui, chapeautés par la CNSA, devraient mieux se coordonner pour bâtir un programme commun de l’organisation de l’offre. Au passage, et là peuvent se cacher des enjeux considérables, Laurent Vachey souligne la nécessité de simplifications. Bien sûr lorsqu’il envisage la généralisation des maisons départementales de l’autonomie en lieu et place des maisons départementales des personnes handicapées. Mais aussi au moyen de la suppression des doubles tarifications ARS-départements. Ensuite, en regroupant les sections « dépendance » et « hébergement » des Ehpad que devraient prendre en charge les seules ARS. Enfin, en supprimant la part de financement départemental des centres d’action médico-sociale précoce et en unifiant les financements des foyers d’accueil médicalisé (FAM) et des maisons d’accueil spécialisées (MAS), aujourd’hui financés selon des modalités spécifiques malgré leurs similitudes.

Injonctions contradictoires

Sur le plan national, le rapport rejette une gestion paritaire de la branche entre syndicats et patronat. Ce dont se réjouissent les associations aujourd’hui présentes au conseil de la CNSA, qui conserveraient voix au chapitre – une originalité pour cette branche par rapport à ses quatre aînées. Autre enjeu : comment assurer la défense des droits des personnes âgées sans instances représentatives ? Seules des fédérations professionnelles parlent en leur nom, faute d’organismes tel le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) par exemple.

Mais c’est en matière de modes de financement que les tensions entre injonctions contradictoires sont les plus fortes. Il faudra composer entre promesse présidentielle de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires et inéluctable croissance des dépenses liées à l’autonomie. Le tout sur fond de report à 2033 du remboursement de la dette sociale, qui aurait permis d’utiliser les recettes de la CRDS. Journée supplémentaire de solidarité, augmentation de la CSG sur les retraites, réduction de niches fiscales… Laurent Vachey ne tranche pas et laisse cette responsabilité aux politiques. Mais compte tenu de l’enveloppe budgétaire encore mal assurée, la création de la 5e branche ne donnera sans doute pas l’occasion d’améliorer les droits des personnes âgées et handicapées. Ce d’autant moins qu’en l’état actuel des choses, elle n’intègre pas les aides techniques. Interrogé à ce sujet lors de la table ronde organisée par l’UNA le 17 septembre, Laurent Vachey a répondu que la chose n’était pas possible, faute de disposer d’un système d’information suffisant qui distingue ces aides attribuées en raison d’un handicap de celles, temporaires, remboursées à la suite d’un accident, de ski par exemple.

Le secteur privé prépare, de son côté, des propositions de financements privés. Le rapport insiste sur la nécessité d’un recours à la solidarité nationale. Reste à voir ce qu’elle prendra, au bout du compte, réellement en charge. Et à quelle échéance.

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