AMÉLIORATION DU DIALOGUE SOCIAL ET DU BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL, VALORISATION DU PARCOURS PROFESSIONNEL, PROMOTION DE LA DIVERSITÉ, tels sont les principaux enjeux de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) pour son volet social. Le rapport national consolidé 2019 de « Mon observatoire du développement durable » (voir encadré) publié par l’Agence nationale d’appui à la performance (Anap) des établissements de santé et médico-sociaux est formel : la prise en compte des enjeux de santé et de qualité de vie au travail (QVT) augmente.
« La majorité des structures répondantes indiquent coconstruire avec les salariés le contenu et l’organisation du travail, de la conception à la mise en œuvre et à l’évaluation des projets », indique le document. Or, si l’accélération de la prise en compte de l’aspect social par les structures sociales et médico-sociales est avérée, pour certaines d’entre elles, l’adhésion n’a pas été évidente. Et ce, du fait même de leur raison d’être. Il est effectivement difficile de faire prendre conscience à des professionnels dont l’objectif quotidien est d’aider les personnes dans le besoin, de l’intérêt de prendre soin d’eux-mêmes. C’est ce qu’a constaté Sonia Hurcet lorsqu’elle a pris son poste de déléguée générale adjointe au sein de la Fondation Abbé-Pierre, il y a six ans : « Il s’agissait d’une réelle difficulté. Nous estimions communément que nous avions mieux à faire que nous regarder le nombril. De même, le fait que les travailleurs puissent utiliser des fonds de donateurs dédiés aux plus démunis pour améliorer les conditions de travail générait un frein et créait des complexes. Mais tout cela a bien évolué. »
L’intégration des questions sociales dans le projet stratégique 2018-2022 de la fondation a permis de formaliser ces questions-là. Et le challenge tient aussi à prouver que, pour accompagner dignement les publics, il faut soi-même se sentir bien au travail. Pour ce faire, les avis sont unanimes : la question de la gouvernance est primordiale. « La détermination d’une équipe de direction est décisive. Pour réussir, il faut qu’elle adhère et qu’elle montre l’exemple, sinon cela se ressent sur les équipes », affirme Sonia Hurcet. Ses propos sont confirmés par Magali Rama, cheffe de service « RSE et innovation » pour Paris Habitat. « L’affirmation de la volonté de la direction des ressources humaines et de la direction générale est essentielle. Chez Paris Habitat, nous avons pu observer plusieurs cas de figure ces dernières années », explique-t-elle. Car, depuis 2013, trois directeurs généraux (DG) ont pris la tête du bailleur social. Conséquence : le degré de volonté d’intégration des critères RSE a fluctué. « Nous avons observé de nettes différences. Le portage des ambitions via le soutien du DG est obligatoire. Cela permet d’assurer la communication sur les actions, de les budgéter et de les mener à bien », précise la cheffe de service, avant d’ajouter que cela donne aussi l’autorisation de travailler de manière transverse avec les équipes.
Conseillère technique « accompagnements, acteurs et parcours » pour l’Uniopss, Isabelle Léomant préfère parler au sein du secteur de responsabilité sociétale des organisations (RSO). Et précise que l’implication de la gouvernance permet aussi de convaincre toutes les parties prenantes. « Il peut y avoir des idées ou des initiatives qui viennent du terrain, mais si la direction ne les porte pas, leur mise en œuvre pourra être effective dans un service, mais pas sur l’ensemble d’une structure. La direction des ressources humaines est aussi un levier central de la RSE », affirme-t-elle.
Outre la volonté de la direction, pour garantir l’efficacité d’un tel projet, sa préparation en amont est primordiale. Car ce sont les singularités des structures qui permettent d’établir un diagnostic personnalisé fiable. Ce dernier pointe les pistes d’amélioration en matière de QVT des salariés, voire des bénévoles. « Mais cela permet aussi d’identifier ce qui est déjà mis en place car les actions dans le sens de la RSO existent depuis des années, que ce soit au sein des grands ou des petits établissements », indique Isabelle Léomant.
Les professionnels du secteur disposent de plusieurs outils d’évaluation et de suivi. L’Anap propose ainsi depuis 2017 sa plateforme « Mon Observatoire du développement durable ». Son dernier rapport national indique que la mobilisation autour des questions liées à la RSE augmente : 1 119 structures y ont eu recours en 2019, contre 947 en 2018. Mais d’autres alternatives existent. Pour sa part, Paris Habitat s’appuie sur l’expérience de divers organismes pour déterminer et atteindre ses objectifs. La signature de la charte de la diversité marque la volonté du bailleur d’agir en faveur de la lutte contre les discriminations. « Il s’agit d’un repère. Nous avons souhaité inscrire notre action auprès des jeunes », explique la cheffe de service « RSE et innovation ». L’accompagnement global du RSE se fait, quant à lui, par le biais du référentiel européen Eurho-GR propre au logement social. « Il s’agit d’une association européenne qui compte une trentaine d’adhérents et qui a adapté au logement social ce qui existait en matière de RSE. Nous souhaitons nous challenger pour améliorer nos pratiques et consolider ce qui fonctionne », explique Magali Rama. Pour assurer une évaluation constante, Paris Habitat fait également appel à l’association Afnor (Association française de normalisation), qui évalue les points de la norme Iso 26 000, et le bailleur propose, via le groupe de conseil BVA Group, des baromètres d’évaluation internes qui permettent de se situer par rapport à d’autres entreprises.
En termes d’outils, la Fondation Abbé-Pierre procède différemment, en misant sur des actions participatives. « On sait très bien le faire en externe, mais en interne nous étions plutôt descendants. Cela demande du temps, mais lorsqu’on met les choses sous le tapis, c’est l’effet boomerang garanti », assure la déléguée générale adjointe de la fondation. C’est ainsi que, chaque année, a lieu une journée d’échanges entre bénévoles et salariés. « Cela génère des relations entre les régions autour de thématiques (car nous avons 16 sites), un partage sur les différentes façons dont on gère l’accueil et une connaissance sur les différents métiers », explique la déléguée générale adjointe de la Fondation. L’immersion est aussi de mise. Des échanges d’une semaine d’un site à l’autre sont organisés, avec, à leur terme, la rédaction d’un « rapport d’étonnement ». « Cela nous permet d’en apprendre beaucoup. Et, à leur retour, lessalariés comprennent naturellement les problématiques qui nous mènent à investir plus de budget sur un site que sur un autre. Un journal interne dans lequel la direction n’intervient pas est également publié. Cela aide à recenser le mal-être et les difficultés », rapporte Sonia Hurcet. Puis les propositions des salariés sont étudiées.
La direction est, quant à elle, claire quant à ses décisions. « Il faut du concret pour que les gens s’y retrouvent. » En matière de RSE, le suivi reste un élément clé de la réussite. « C’est un engagement, une communication et un portage permanents », explique Magali Rama. Mobilité, développement des compétences, formation, fidélisation des employés, bien-être au travail… De nombreuses vertus sont générées par le volet social d’un projet RSE. Elles tiennent aussi à la sensibilisation des managers. « Et cela fonctionne. Selon notre baromètre interne, 82 % de nos salariés recommanderaient à quelqu’un leur entreprise. Il nous faut toutefois être vigilants quant aux critiques de ceux qui ne partagent pas la même vision que nous, même s’ils sont minoritaires », prévient Magali Rama. Même si la perception de ce volet social comme outil de performance n’est pas assumée par l’ensemble du secteur, toutefois, ceux qui l’utilisent le plébiscitent. « Pour bon nombres d’associations aux lourdes contraintes financières qui manquent de personnel et dont les métiers sont très engageants, la RSE est importante, sous réserve d’une pleine adhésion de l’ensemble des personnes concernées », conclut Isabelle Léomant.
Il s’agit d’un outil proposé par l’Anap (Agence nationale d’appui à la performance) qui permet d’établir un état des lieux de la maturité de la démarche de développement durable dans une structure sanitaire, sociale ou médico-sociale dans toutes ses dimensions : sociale, sociétale, environnementale, économique, achats et gouvernance. Chaque année, les répondants reçoivent un rapport individuel complet.