« UN CONJOINT, UNE COMPAGNE, DES ENFANTS, UN FRERE, UNE MERE, C’EST SOUVENT LE DERNIER, LE SEUL, LE MEILLEUR LIEN D’UN DETENU AVEC LA SOCIETE… ET AVEC LUI-MEME. » Celle qui écrit ces lignes sait de quoi elle parle. Elisabeth Schmitlin est créatrice du projet « Médiation familiale en prison ». L’idée lui est venue après avoir été visiteuse de prison pendant dix ans puis être arrivée à saturation. Pour sortir les détenus des ornières de la répétition, mais aussi parce qu’elle s’est aperçue que les enfants venaient voir « papa » et non « papa en prison », et que certains pères réussissaient à suivre la scolarité de leurs enfants, elle a décidé de fonder son travail sur les liens familiaux. Des liens difficiles à maintenir avec les parloirs et les courriers échangés, et parfois définitivement rompus, a fortiori quand il s’agit de parentalité. La proposition de la travailleuse sociale – offrir le cadre d’une « possible rencontre » – a été d’autant mieux accueillie par l’administration pénitentiaire qu’elle permettra, peut-être, de prévenir le suicide chez les détenus. Pour autant, la méfiance et le poids des contraintes administratives ont, au départ, été de mise. Deux raisons principales ont poussé les personnes incarcérées à s’engager dans le processus : le maintien ou la reprise du lien familial et la non-présentation de l’enfant au parloir. Pour les membres de la famille, les motivations portent sur la séparation et le moment de la sortie. Dans les deux cas, les demandes de médiation émanent majoritairement de personnes jeunes et concernent le plus souvent une première incarcération. La médiation se déroule au parloir, passerelle entre le monde du dedans et celui du dehors. Au fil des entretiens, un espace de liberté se construit, où l’intime est interrogé entre les différents protagonistes. Il n’y a pas toujours d’« issue heureuse » mais, parfois, un chemin s’ouvre. Comme avec Claire, 18 ans, écrouée pour la première fois : « Je leur tendais la main, mes parents me tendaient la main, mais nous n’osions pas… nous ne savions pas comment se la prendre, se la redonner… »
« Au coeur de la prison, la médiation familiale » – Elisabeth Schmitlin – Ed. Chronique sociale, 14,90 €.