AU SEIN DES ENTREPRISES COMME DES ASSOCIATIONS, l’employeur doit respecter les libertés individuelles et collectives des salariés. Il est ainsi interdit à l’employeur de prendre des mesures discriminatoires. Le législateur pose un principe de non-discrimination (code du travail [C. trav.], art. L. 1132-1) applicable aux employeurs de droit privé ainsi qu’à leurs salariés (C. trav., art. L. 1131-1). Les motifs discriminatoires sont limitativement énumérés par le code du travail. Figurent notamment dans cette liste les opinions politiques, les convictions religieuses ou encore l’appartenance syndicale.
Les libertés individuelles et collectives des salariés sont également garanties et protégées par l’article L. 1121-1 du code du travail qui dispose que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». L’employeur doit ainsi observer par principe une stricte neutralité à l’égard des salariés. Notre dossier fait un point spécifique en matière religieuse comme en matière syndicale.
Toutefois, conformément à l’article L. 1121-1 du code du travail, l’employeur peut apporter des restrictions à certaines libertés sous réserve de respecter les conditions légales et jurisprudentielles. L’employeur ne peut donc pas limiter les libertés de ses salariés de façon générale et indifférenciée.
La liberté religieuse est garantie par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme mais également par les articles L. 1121-1 et L. 1132-1 du code du travail. L’employeur est donc tenu de respecter les convictions religieuses et les opinions de ses salariés. Il peut néanmoins apporter des restrictions dans certaines hypothèses bien précises.
Cette question de neutralité religieuse a fait l’objet d’une évolution jurisprudentielle avant d’être consacrée par la loi « travail » en 2016.
Ces dernières années, la question du port de signes religieux a fait l’objet de nombreux contentieux devant le juge national comme devant le juge européen. Les juges français se sont notamment prononcés sur ce sujet dans la célèbre affaire de la crèche Baby Loup. Dans cette affaire, il était question d’une salariée d’une crèche, établissement privé, qui avait été licenciée pour faute grave en raison du port d’un foulard islamique qu’elle avait refusé d’enlever. La crèche s’était fondée sur une clause de son règlement intérieur qui imposait le respect des principes de neutralité et de laïcité. La salariée avait alors contesté son licenciement.
Le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie comme la cour d’appel de Versailles ont, dans un premier temps, validé le licenciement de la salariée. Cette dernière a en conséquence formé un pourvoi en cassation. Par un arrêt du 19 mars 2013, la chambre sociale de la Cour de cassation a invalidé la clause de neutralité et déclaré le licenciement nul avant de renvoyer les parties devant une cour d’appel de renvoi (Cass. soc., 19 mars 2013, n° 11-28845 : Baby Loup I). Peu de temps après, la cour d’appel de renvoi de Paris infirmait l’arrêt de la Cour de cassation et considérait que la crèche, en tant que personne morale de droit privé assurant une mission de service public, pouvait prévoir un principe de neutralité. De cette façon, elle décidait que le licenciement était fondé (cour d’appel [CA] Paris, 27 novembre 2013, n° S 13/02981).
De nombreux débats ont été soulevés par ces différents arrêts successifs. Finalement, l’assemblée plénière de la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 25 juin 2014, a été à son tour amenée à prendre position. Elle a analysé les circonstances de l’espèce et retenu que la cour d’appel de renvoi « appréciant de manière concrète les conditions de fonctionnement d’une association de dimension réduite, employant seulement 18 salariés, qui étaient ou pouvaient être en relation directe avec les enfants et leurs parents, a pu légitimement considérer que la restriction à la liberté de manifester sa religion édictée par le règlement intérieur ne présentait pas un caractère général, mais était suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies par les salariés de l’association et proportionnée au but recherché ». En conséquence, elle a admis que le licenciement pour faute grave était justifié par le refus de la salariée de s’abstenir de porter son voile et par les insubordinations répétées et caractérisées rendant la poursuite de son contrat de travail impossible (Cass. ass. plén., 25 juin 2014, n° 13-28369 : Baby Loup II).
Deux ans plus tard, la loi « travail » du 8 août 2016 a introduit le principe de neutralité dans l’entreprise privée en insérant un nouvel article L. 1321-2-1 précisant que « le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ». Cet article permet à l’employeur d’introduire dans son règlement intérieur une clause de neutralité et ainsi de limiter l’expression des convictions religieuses, politiques et philosophiques de ses salariés. Le code du travail a par la suite été complété et précisé par les juridictions nationales et européennes.
Préalablement à son entrée en vigueur, la clause de neutralité doit respecter certaines conditions posées par la loi et la jurisprudence.
Conformément aux articles L. 1121-1 et L. 1321-2-1 du code du travail, la clause de neutralité doit être justifiée par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et proportionnée au but recherché.
L’employeur doit être en mesure de justifier l’obligation de neutralité par des raisons objectives et non discriminatoires. Ainsi il ne peut se fonder uniquement sur ses idéologies. Dans les arrêts Baby Loup qui portaient sur la mise en place d’une clause de neutralité au sein d’une crèche, la cour d’appel de Paris a pris en compte la nécessité « de respecter et de protéger la conscience en éveil des enfants » (CA Paris, 27 novembre 2013, n° 13/02981).
Les juridictions nationales et européennes ont été saisies de nombreux litiges dans ce domaine au cours des dernières années. Elles sont venues préciser les modalités d’appréciation des conditions légales mais également les compléter.
Dans son arrêt Baby Loup, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a indiqué que la justification de la cause doit être appréciée de manière concrète en tenant compte des conditions de fonctionnement et notamment de la taille de la structure ou de l’objet de l’activité (Cass. ass. plén., 25 juin 2014, n° 13-28369).
Plus récemment, la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé que la clause de neutralité doit être générale et indifférenciée de sorte qu’elle doit interdire sur le lieu de travail le port de tout signe religieux, politique et philosophique sans faire de distinction (Cass. soc., 22 novembre 2017, n° 13-19855). Il n’est donc pas envisageable de prévoir à titre d’exemple une clause qui viendrait réglementer seulement le port d’un signe religieux. De surcroît, la clause n’est valable que si elle est appliquée uniquement aux salariés se trouvant en contact avec les clients de la structure (Cass. soc., 22 novembre 2017, n° 13-19855).
Par ailleurs, la clause de neutralité ne doit créer aucune discrimination qu’elle soit directe ou indirecte. En ce sens, la Cour de justice de l’Union européenne retient l’existence d’une discrimination indirecte « s’il est établi que l’obligation, en apparence neutre, entraîne en fait un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données, à moins qu’elle ne soit objectivement justifiée par un objectif légitime, tel que la poursuite par l’employeur, dans ses relations avec ses clients, d’une politique de neutralité politique, philosophique ainsi que religieuse et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires » (CJUE, 14 mars 2017, n° C-157/15).
A noter : La clause de neutralité peut figurer dans le règlement intérieur ou dans une note de service valant adjonction au règlement intérieur (voir encadré ci-contre). Pour valoir adjonction au règlement intérieur, la note doit respecter les mêmes formalités de mise en place que le règlement.
Lorsqu’une clause de neutralité conforme aux critères précités est prévue dans le règlement intérieur de la structure, les salariés sont tenus de la respecter.
En l’absence de stipulations contractuelles ou d’usage, le salarié ne peut se fonder sur ses convictions religieuses pour demander un traitement particulier (Cass. soc., 24 mars 1998, n° 95-44738). Dans cette affaire, un salarié exerçant la profession de boucher ne voulait pas traiter la viande de porc en raison de ses convictions religieuses. La Cour de cassation a retenu qu’il n’existait ni clause dans son contrat, ni usage dans l’entreprise. En conséquence, sauf stipulation contraire, l’employeur n’est pas tenu d’adapter les activités des salariés à leurs croyances et il doit traiter tous les salariés de la même manière.
A noter : Il est important que l’employeur veille à l’application de la clause de neutralité de façon systématique et indifférenciée à l’égard de tous les salariés. A défaut, la clause ne pourrait être appliquée et elle perdrait ainsi son effet.
En cas de non-respect par les salariés, l’employeur peut prendre des sanctions disciplinaires. Toutefois, avant d’envisager ce type de sanction, on conseillera aux employeurs de faire dans un premier temps un rappel à l’ordre afin de laisser la possibilité au salarié de se conformer aux dispositions du règlement intérieur. Ce n’est que dans un second temps qu’il sera envisageable de prononcer une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement du salarié.
Avant de procéder à un licenciement pour motif personnel, on rappellera qu’il incombe à l’employeur de rechercher « si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l’entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec les clients » (Cass. soc., 22 novembre 2017, n° 13-19855). Préalablement à tout licenciement, l’employeur doit donc rechercher s’il existe un poste de remplacement dans la structure. Si tel n’est pas le cas et que l’employeur effectue un licenciement, il lui est conseillé de le préciser dans la lettre de notification du licenciement.
Dans son arrêt Baby Loup II, la Cour de cassation a précisé qu’une entreprise de tendance est une structure dont l’objet est de promouvoir et de défendre des convictions politiques, religieuses ou philosophiques (Cass. ass. plén., 25 juin 2014, n° 13-28369). A titre d’illustration, les établissements scolaires confessionnels ou les associations de défense d’une idéologie sont des entreprises de tendance. Cette exception est intéressante car elle trouverait en pratique application à une association religieuse œuvrant dans le secteur de l’aide sociale ou du domicile.
Dans ce type de structures, l’employeur doit avoir la faculté d’imposer aux salariés, notamment par le biais d’un règlement intérieur, de se conformer aux principes défendus et affichés par la structure. Néanmoins, le Conseil d’Etat précise que cela ne permet pas à l’employeur de porter atteinte à la liberté de conscience des salariés. De surcroît, les obligations qui découlent du respect de ces principes s’apprécient eu regard à la nature de l’activité exercée par chacun des salariés (CE, 20 juillet 1990, n° 85429). Il est donc conseillé aux employeurs de structures pouvant être qualifiées d’entreprises ou associations de tendance de prendre en compte les opinions des salariés qu’ils décident de recruter.
Cette exception propre aux entreprises de tendance est également reprise par la directive européenne 2000/78 qui prévoit qu’ » une différence de traitement fondée sur la religion ou les convictions d’une personne ne constitue pas une discrimination lorsque, par la nature de ces activités ou par le contexte dans lequel elles sont exercées, la religion ou les convictions constituent une exigence professionnelle essentielle, légitime et justifiée eu égard à l’éthique de l’organisation » (Directive 2000/78, art. 4§2).
La Cour de justice est venue préciser les dispositions de la directive. Elle retient que les entreprises de tendance peuvent déroger au principe de non-discrimination sous réserve d’un contrôle du juge et à condition que les exigences demandées soient essentielles et légitimes compte tenu de la nature de l’activité professionnelle du salarié (CJUE, 17 avril 2018, n° C-414/16).
La Cour de cassation a précisé que « le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public » (Cass. soc., 19 mars 2013, n° 11-28845).
A contrario, le principe de laïcité et le principe de neutralité sont applicables à l’ensemble des services publics même si ces derniers sont assurés par des organismes de droit privé. A titre d’illustration, s’agissant des agents des caisses primaires d’assurance maladie, la Haute Juridiction a considéré qu’ils pouvaient être soumis à des contraintes spécifiques puisqu’ils assurent une mission de service public. Ils ne peuvent donc pas manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs et en particulier vestimentaires, peu important qu’ils soient ou non directement en contact avec le public (Cass. soc., 19 mars 2013, n° 12-11690).
Cette obligation de neutralité concerne les salariés comme les syndicats. Elle prend également une place importante lors des élections professionnelles.
Conformément à l’article L. 2141-1 du code du travail, « tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix ». La Cour de cassation rappelle à ce titre que l’adhésion du salarié à un syndicat relève de sa vie personnelle et ne peut être divulguée sans son accord (Cass. soc., 8 juillet 2009, nos 09-60011, 09-60031 et 09-60032).
Dans ces conditions, l’employeur ne peut prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter des décisions liées notamment à l’embauche, à la conduite, à la répartition des horaires, aux formations professionnelles, à la rémunération ou encore à la rupture du contrat de travail (C. trav. art. L. 2141-5).
Cette protection a un champ d’application large puisqu’elle concerne les salariés ayant dans l’entreprise ou dans l’association une activité syndicale mais également les salariés qui disposent d’un mandat représentatif. Elle s’étend donc à la fois aux délégués et aux représentants syndicaux mais également aux membres du comité social et économique et aux conseillers prud’hommes.
La Cour de cassation a eu l’occasion de sanctionner certaines discriminations syndicales. A titre d’illustration, l’employeur ne peut prendre la décision de supprimer les avantages sociaux des salariés ayant créé un syndicat (Cass. crim., 21 avril 1977, n° 76-90135) ou de priver de titres-restaurant les salariés absents en raison de leur activité syndicale (Cass. crim., 30 avril 1996, n° 95-82687).
De surcroît, l’utilisation des heures de délégation par les représentants syndicaux ou les représentants du personnel ne doit entraîner aucune perte de salaire. Ils ne peuvent donc être privés, en raison de l’exercice de leur mandat, du paiement d’une indemnité venant compenser une sujétion particulière de leur emploi telle que les primes d’équipe et de temps de repas versées aux autres membres de son équipe de travail (Cass. soc., 19 septembre 2018, n° 17-11638). En revanche, les sommes correspondant au remboursement de frais professionnels destinés à compenser les frais supplémentaires entraînés par le déplacement ou la fréquence de ces déplacements qui n’ont pas été exposés par les représentants du personnel sont exclus de leur rémunération (Cass. soc., 19 septembre 2018, nos 17-11638 et 16-24041).
A noter : Malgré l’éventuelle difficulté à organiser des plannings dans le secteur social et médico-social, l’exercice de missions syndicales de salariés doit être impérativement respecté. Le temps consacré à de telles activités ne doit également pas conduire l’employeur à considérer le salarié moins investi dans ses fonctions que les autres salariés de l’entreprise ou l’association.
Ainsi, en principe, l’exercice d’activités syndicales ne peut pas être pris en compte dans l’évaluation professionnelle du salarié (Cass. soc., 23 mars 2011, n° 09-72733). Toutefois, l’employeur peut appliquer un accord collectif visant à assurer la neutralité et à valoriser les activités syndicales. Ainsi « un accord collectif peut prévoir un dispositif facultatif pour le salarié, permettant une appréciation par l’employeur, en association avec l’organisation syndicale, des compétences mises en œuvre dans l’exercice du mandat, susceptible de donner lieu à une offre de formation et dont l’analyse est destinée à être intégrée dans l’évolution de carrière du salarié » (Cass. soc., 9 octobre 2019, n° 18-13529).
En outre, l’employeur doit veiller à ne créer aucune discrimination entre délégués syndicaux. En effet, le délit de discrimination peut être caractérisé par la disparité de situation entre plusieurs délégués syndicaux (Cass. soc., 25 juin 2002, n° 99-42909). Ainsi, l’employeur ne peut pas refuser la nomination d’un délégué syndical par un syndicat représentatif au motif que l’effectif de la structure est inférieur à 50 salariés alors qu’il a accepté la nomination d’un autre délégué syndical par un autre syndicat représentatif dans les mêmes conditions (Cass. soc., 5 mai 2004, n° 03-60175).
Toute mesure ou tout acte discriminatoire étant nul (C. trav., art. L. 1132-4), le salarié peut solliciter des dommages et intérêts, demander à être reclassé (Cass. soc., 18 mars 2009, n° 07-45201) ou à être replacé dans la situation dans laquelle il se serait trouvé si le comportement dommageable n’avait pas eu lieu (Cass. soc., 23 novembre 2005, n° 03-40826).
En outre, si le salarié a été licencié pour un motif discriminatoire, il peut demander sa réintégration. Dans cette hypothèse, il aura droit au versement des salaires qu’il aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration. Lorsque la réintégration n’est pas possible ou que le salarié refuse, il a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire (C. trav. art. L. 1235-3-1).
Par ailleurs, l’employeur peut être condamné pour délit d’entrave à l’exercice du droit syndical. Cette infraction est punie d’un emprisonnement de 1 an et d’une amende de 3 750 € (C. trav., art. L. 2146-1).
Selon l’article L. 2141-7 du code du travail, « il est interdit à l’employeur ou à ses représentants d’employer un moyen quelconque de pression en faveur ou à l’encontre d’une organisation syndicale ». Ces dispositions sont d’ordre public (C. trav., art. L. 2141-8).
Cette obligation de neutralité de l’employeur et de ses représentants s’illustre tout d’abord en matière de négociation collective. Dans les entreprises pourvues d’au moins un délégué syndical, l’employeur doit négocier les accords collectifs avec les organisations syndicales de salariés représentatives (C. trav., art. L. 2232-12). Lorsqu’il envisage des négociations, il doit alors convoquer toutes les organisations syndicales représentatives. Si l’ensemble des syndicats n’a pas été convoqué et que les négociations sont en cours, un des syndicats non convoqué peut saisir le juge des référés afin qu’il fasse cesser les négociations (Cass. soc., 13 juillet 1988, n° 86-16302). En outre, dès lors que toutes les organisations syndicales n’ont pas été convoquées aux négociations ou que des négociations séparées sont organisées, la nullité des accords collectifs est encourue (Cass. soc., 8 mars 2017, n° 15-18080).
De surcroît, l’employeur doit veiller à assurer une égalité de traitement entre les différentes organisations syndicales représentatives présentes dans sa structure. En ce sens, il ne peut pas refuser la désignation d’un délégué syndical dans des conditions dérogatoires au droit commun s’il a accepté la désignation dans les mêmes conditions d’un délégué syndical par un autre syndicat représentatif (voir notamment Cass. soc., 19 novembre 2008, n° 08-60395). La Cour de cassation a précisé que l’employeur avait méconnu dans cette hypothèse le principe d’égalité. De même, l’employeur ne peut verser une subvention annuelle au profit des seuls syndicats signataires ou adhérents d’un accord collectif qui tend à améliorer l’exercice du droit syndical dans l’entreprise (Cass. soc., 29 mai 2001, n° 98-23078). Un accord collectif visant à améliorer l’exercice du droit syndical dans l’entreprise est applicable de plein droit à tous les syndicats sans qu’il n’y ait lieu de faire une distinction entre ceux qui l’ont signé et ceux qui ne l’ont pas signé.
Si l’employeur exerce une pression en faveur ou à l’encontre d’un syndicat, les mesures prises seront considérées comme abusives et l’employeur pourra être condamné au versement de dommages et intérêts (C. trav., art. L. 2141-8).
En outre, sur le plan pénal, le fait de méconnaître le principe de neutralité est puni d’une amende de 3 750 € (C. trav., art. L. 2146-2). En cas de récidive, la sanction encourue est de 1 an d’emprisonnement et 7 500 € d’amende. Ces mesures abusives pourraient également être constitutives d’une entrave à l’exercice du droit syndical. Cette infraction est punie d’un emprisonnement de 1 an et d’une amende de 3 750 € (C. trav., art. L. 2146-1).
Lors du déroulement des élections professionnelles, l’employeur doit être neutre vis-à-vis des syndicats, représentatifs ou non, mais également des candidats libres. Il doit donc veiller à être impartial et ne pas influencer le vote des salariés. L’obligation de neutralité de l’employeur est selon la Cour de cassation un principe essentiel du droit électoral (voir notamment Cass. soc., 10 mai 2012, n° 11-14178).
La Haute Juridiction a été amenée à se prononcer à plusieurs reprises sur le respect de ce principe par l’employeur. Elle sanctionne à la fois les manquements graves et les simples négligences.
Elle a par exemple retenu que l’employeur qui laisse diffuser la veille et le jour des élections « un tract anonyme mettant gravement en cause les élus et appelant les électeurs à ne pas voter au premier tour au profit des candidats du second tour » méconnaît l’obligation de neutralité (Cass. soc., 7 novembre 2012, n° 11-60184). De même, l’employeur qui fait diffuser avant le premier tour des tracts de propagande électorale au profit d’éventuels candidats libres (Cass. soc., 14 janvier 2004, n° 01-60788) ou qui distribue une note de service contenant des critiques des représentants du personnel adhérents d’un syndicat et aisément identifiables (Cass. soc., 9 novembre 2016, n° 15-28461) contrevient à ce principe. A l’inverse, la Cour de cassation a considéré que l’employeur qui ne s’était pas opposé avant le premier tour à la diffusion d’un tract par un syndicat habilité à présenter des candidats et dont le contenu n’excédait pas les limites normales de la propagande électorale avait respecté son obligation de neutralité (Cass. soc., 9 juillet 2014, n° 13-60239).
De surcroît, très récemment, la Cour de cassation est venue compléter sa jurisprudence sur la propagande électorale. Elle a ainsi sanctionné un employeur qui s’était abstenu de réagir face à la diffusion d’un message de propagande électorale le jour du scrutin par le biais de la messagerie du comité d’entreprise. Elle a considéré que « l’absence de réaction de l’employeur » après la diffusion du message n’avait pas permis aux différents syndicats de bénéficier d’un égal accès aux moyens de propagande (Cass. soc., 27 mai 2020, n° 19-15105).
Par ailleurs, la question de la neutralité se pose également lors du dépouillement des bulletins par le bureau de vote. La Cour de cassation estime que la seule présence de l’employeur ou de son représentant lors du dépouillement des votes n’est pas de nature à entacher le scrutin d’irrégularité (voir notamment Cass. soc., 2 novembre 1983, n° 92-60400). Toutefois, il convient de préciser à l’employeur qu’il doit respecter strictement son obligation de neutralité et qu’il ne peut par exemple pas interpeller les salariés présents au dépouillement (voir notamment Cass. soc., 25 février 1992, n° 91-60140).
L’obligation de neutralité concerne l’employeur mais également ses représentants dans l’entreprise ou dans l’association. La Cour de cassation a notamment reconnu la violation du principe de neutralité par une directrice des ressources humaines (Cass. soc., 12 juillet 2016, n° 15-20618) ou par un cadre responsable de réseau dont le pouvoir hiérarchique était de nature à influencer le comportement des électeurs (Cass. soc., 7 décembre 2016, n° 15-27715).
Si l’employeur n’est pas totalement neutre au cours des élections, ces dernières peuvent être annulées peu important que ce manquement ait eu ou non une influence sur le résultat des élections (voir notamment Cass. soc., 10 mai 2012, n° 11-14178). L’employeur doit alors reprendre les élections professionnelles depuis le départ, c’est-à-dire à la négociation du protocole d’accord préélectoral.
De plus, l’employeur peut également être sanctionné pénalement puisque le fait d’apporter une entrave à la libre désignation des membres du comité social et économique est puni d’un emprisonnement de 1 an et d’une amende de 7 500 € (C. trav., art. L. 2317-1).
L’employeur est totalement libre de choisir le candidat qu’il souhaite embaucher. Toutefois, il ne peut pas se fonder sur un des motifs discriminatoires visés par l’article L. 1132-1 du code du travail. Il ne peut donc pas tenir compte des convictions religieuses, politiques ou de l’affiliation syndicale du candidat pour prendre sa décision. Ainsi, à titre d’illustration, une offre d’emploi ne peut mentionner l’appartenance ou la non-appartenance à une religion ou encore des critères qui auraient pour objet d’exclure des candidats pratiquant certaines religions(1).
De surcroît, les informations demandées au candidat ne peuvent avoir pour effet que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Il est nécessaire que ces informations présentent un lien direct avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation de ses aptitudes professionnelles (C. trav., art. L. 1221-6). L’employeur ne peut donc pas demander au candidat à l’embauche s’il est syndiqué, s’il est affilié à un parti politique ou s’il pratique une religion.
Conformément à l’article L. 1311-2 du code du travail, les structures employant au moins 50 salariés en équivalent temps plein doivent mettre en place un règlement intérieur. L’obligation incombe à l’employeur au terme d’un délai de 12 mois à compter de la date à laquelle le seuil de 50 salariés a été atteint.
En vertu de l’article L. 1321-1 du code du travail, « le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe exclusivement :
• les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement, notamment les instructions prévues à l’article L. 4122-1 ;
• les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l’employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, dès lors qu’elles apparaîtraient compromises ;
• les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur ».
Le projet de règlement rédigé par l’employeur est soumis au comité social et économique pour avis (C. trav., art. L. 1321-4). Il est ensuite transmis à l’inspecteur du travail en deux exemplaires avec l’avis du CSE pour contrôle (C. trav., art. R. 1321-4). Ce dernier peut à tout moment exiger le retrait ou la modification de certaines dispositions (C. trav., art. L. 1322-1). Parallèlement, le règlement intérieur est également déposé au greffe du conseil de prud’hommes du ressort de la structure (C. trav., art. R. 1321-2). La date d’entrée en vigueur fixée par le règlement doit être « postérieure d’un mois à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité » (C. trav., art. L. 1321-4).
Si les conditions de validité de la clause de neutralité ne sont pas remplies, on conseillera aux employeurs de modifier leur règlement intérieur. La modification est soumise aux mêmes obligations que l’adoption du règlement intérieur (consultation du CSE, publication dans les locaux et information de l’administration).
L’article L. 1133-1 du code du travail dispose que le principe de non-discrimination ne fait pas obstacle aux différences de traitement à condition, d’une part, qu’elles soient justifiées par une exigence professionnelle essentielle et déterminante et, d’autre part, que l’objectif poursuivi soit légitime et l’exigence proportionnée.
La notion d’exigence professionnelle peut à titre d’exemple résulter d’impératifs de sécurité et d’hygiène (CEDH, 15 janvier 2013, n° 59842/10). Toutefois, selon la Cour de justice de l’Union européenne, « la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits d’un client de ne plus voir les services dudit employeur assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considéré comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante de nature » (CJUE, 14 mars 2017, n° C-188-15).
Si l’employeur licencie un salarié sans justifier d’une exigence professionnelle et déterminante, la mesure sera considérée comme discriminatoire et le licenciement sera nul. Le salarié pourra alors demander sa réintégration dans la structure ou à défaut obtenir une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire (C. trav., art. L. 1235-3-1).
En matière de discrimination, la charge de la preuve est partagée (C. trav., art. L. 1134-1). Dans un premier temps, le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination.
A titre d’illustration, la Cour de cassation a précisé que le salarié qui démontre que son coefficient n’a pas évolué depuis sa désignation comme délégué syndical, qu’il est le seul de sa catégorie professionnelle dans cette situation et qu’il résulte de ses fiches d’évaluation qu’il a été pénalisé du fait de ses absences apporte suffisamment d’éléments laissant supposer la présence d’une discrimination (Cass. soc., 30 avril 2009, n° 06-45939). Tel est également le cas lorsque la fiche d’évaluation relève la « disponibilité réduite » du salarié en raison de ses fonctions syndicales (Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10-16655).
Dans un second temps, au regard des différents éléments produits par le salarié, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
(1) Guide pratique du fait religieux dans les entreprises privées – Ministère du Travail – Janvier 2017.