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Biélorussie : un système social régulé

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Au-delà des manifestations exigeant le départ de l’autocrate Alexandre Loukachenko, les oligarques russes et occidentaux lorgnent sur une économie jusqu’ici relativement épargnée par les privatisations. Et qui repose sur un système social performant hérité de l’ex-Union soviétique.

DEPUIS LA PRESIDENTIELLE DU 9 AOUT DERNIER, UNE PARTIE DU PEUPLE BIELORUSSE MANIFESTE contre l’autocrate Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis vingt-six ans et officiellement réélu à plus de 80 % des suffrages. Même si aucun organisme de contrôle indépendant n’a observé ces élections, l’absence de sincérité du scrutin ne fait guère de doute au regard de l’ampleur des mobilisations principalement observées à Minsk, la capitale.

Située aux portes de la Russie, l’ex-république soviétique demeure la dernière à avoir conservé un secteur étatique prédominant (25 % de la population travaille dans le secteur industriel public et les entreprises d’Etat regroupant 50 % des salariés génèrent 60 % de la production nationale) tout en disposant d’un important maillage de PME relevant du privé. Et Alexandre Loukachenko, présenté dans l’Union européenne et aux Etats-Unis comme le « dernier dictateur d’Europe », avait été élu en 1994 sur la promesse de refuser les transitions libérales alors imposées en Russie par une poignée d’oligarques, eux-mêmes conseillés par des économistes américains issus de l’ » école de Chicago ». Fondée sur la pensée du prix Nobel d’économie Milton Friedman, cette dernière préconise l’intervention de l’Etat au strict domaine régalien, tout le reste (industries, services sociaux et de santé) devant relever exclusivement de la « main invisible » du marché.

Sans surprise, Loukachenko mise sur la peur de voir s’écrouler un modèle qui a permis au pays d’être classé par l’ONU parmi les Etats à « très haut niveau de développement » et qui a affiché jusqu’au milieu des années 2010 un taux de croissance proche des 10 %, avant de baisser drastiquement en 2018 (3 %) et en 2019 (1,3 %). Les salaires y sont très bas (environ 200 €), mais plus élevés qu’en Ukraine voisine (130 €). Le taux de pauvreté (6 %) n’a rien à envier à ceux de la Pologne (14,8 %) ou de la Lituanie (supérieur à 20 %), deux pays en pointe dans la défense des intérêts américains dans la région. Et dans le soutien à l’opposition biélorusse, Vilnius accueillant le quartier général de l’opposante Svetlana Tikhonovskaïa, elle-même appuyée par le think tank conservateur Freedom House, implanté à Washington et soutien historique de la promotion de la « démocratie de marché » dans les pays de l’ex-Union soviétique.

Evidemment, Loukachenko défend une autre vision de la « démocratie » : celle où un Etat fort incarné par un seul homme qui s’est arrogé le pouvoir absolu offre de très nombreux avantages sociaux et une société plus égalitaire que ses voisins. Ainsi, tous les jeunes diplômés biélorusses ont la garantie d’obtenir un premier emploi, sans avoir le choix de leur affectation – une mesure qui a permis, selon les autorités de Minsk, de lutter contre l’exode rural et le développement des déserts médicaux. C’est d’ailleurs dans les campagnes que Loukachenko peut compter sur sa plus forte base électorale, elle-même de plus en plus étriquée. Les transports sont gratuits et le système de santé, performant et peu onéreux, explique sans doute la relative maîtrise de l’épidémie de Coronavirus.

Mais le mouvement de contestation inédit qui frappe la Biélorussie témoigne d’un effritement de ce modèle. Ainsi, à rebours d’une loi stipulant la gratuité de la scolarité, les frais d’inscription dans l’enseignement supérieur s’élèvent à 1 500 dollars annuels en moyenne pour plus de la moitié des étudiants. Lesquels se retrouvent sans surprise en tête des cortèges exigeant le départ de Loukachenko. Turbulent mais précieux allié de Moscou, l’inamovible président biélorusse a lâché du lest sur la mainmise de l’Etat dans l’économie nationale et dans son industrie de transformation du pétrole vendu au rabais par Moscou. Tout en s’enrichissant de manière considérable. Selon les câbles diplomatiques révélés par Wikileaks, sa fortune personnelle est estimée à plus de 9 milliards de dollars par les services américains.

…et d’ailleurs

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