DANS LE PETIT BARD-PERGOLA, UN QUARTIER DÉFAVORISÉ DE MONTPELLIER (Hérault) où vivent 5 800 habitants, moins de 10 % des élèves sont revenus en classe lors du déconfinement. Angoissées par le coronavirus, de nombreuses familles ne sont pas sorties de chez elles, ou très peu. « Certaines avaient peur d’ouvrir les volets, craignant de faire rentrer le virus », indique Najat Bentiri, psychologue à l’association Pacte 34 (psychologie, accompagnement, conseil, transculturalité, éducation). Pour les enfants, cette solitude sociale s’est doublée d’un isolement éducatif. « L’impact du confinement sur les petits a été énorme. C’est visible dans leur relation à l’autre, voire au niveau moteur », souligne la psychologue. Ce constat, partagé par deux autres associations intervenant dans le quartier (Espoir 34 et Montpellier Méditerranée Futsal), a conduit les trois structures à mettre en place un programme de soutien gratuit animé par des salariés et des bénévoles. L’idée s’est imposée d’autant plus facilement qu’aux trois mois de confinement allaient s’ajouter un été sans activité et, pour de nombreuses familles issues de l’immigration, l’impossibilité d’aller en vacances dans leur pays d’origine.
A la fin juin, les équipes ont rencontré les directeurs des écoles maternelles du quartier et le Rased (réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté) : 24 enfants de 3 ans ont été retenus pour suivre des ateliers langage et d’activités sensori-motrices, tous les matins pendant une semaine. Deux stages ont été organisés en juillet, à raison de 12 élèves par session. « Ces enfants avaient régressé au niveau du langage, ils avaient du mal à construire des phrases correctes et adoptaient de préférence un langage non verbal », pointe Najat Bentiri. Elle évoque aussi un niveau de passivité élevé : « Ils avaient besoin d’être sécurisés pour entrer en activité. Ils étaient craintifs et tristes. » Animés par des professionnels de la petite enfance (enseignante spécialisée, poète et chanteuse, orthophoniste, psychologue), les ateliers ont été ouverts aux parents afin que ceux-ci apprennent à stimuler leur enfant. Très vite, des résultats sont apparus : les enfants acceptent plus facilement d’aller se coucher, « parce qu’ils savaient qu’ils auraient quelque chose d’intéressant à faire le lendemain et débranchaient plus volontiers des écrans », analyse la thérapeute. « Sur les photos, on voit leur visage s’animer de jour en jour. »
Le dernier stage s’est déroulé fin août avec 16 enfants de 6 à 10 ans. Au programme : des matinées de remobilisation scolaire avec un enseignant spécialisé. L’objectif ? Aider l’élève à formuler ce qu’il a vécu pendant le confinement et à se sentir suffisamment à l’aise pour qu’à la rentrée, en cas de difficultés en classe, il puisse le dire à son professeur. Un atelier d’estime de soi est aussi organisé chaque jour avec un psychologue afin de valoriser les enfants en les faisant parler de leurs origines, de ce qu’ils voudraient faire plus tard, de l’enfance de leurs parents… L’après-midi est consacré aux loisirs, au sport et à la culture : visite du musée-parc des Dinosaures, à Mèze (Hérault), ascension du pic Saint-Loup, découverte du patrimoine local… « Nous allons rester en lien avec les enfants et leurs familles pour voir comment ils évoluent pendant l’année scolaire », conclut Najat Bentiri, qui regrette de n’avoir pu donner suite à toutes les demandes de soutien que les autres organisateurs et elle-même ont reçu depuis deux mois.