Le projet, mis en place depuis trois ans a pris de l’ampleur au mois de mars, durant le confinement. Nous proposons à nos onze résidents du taillage, de la tonte et de l’entretien de fruits, de légumes et de fleurs ainsi que de l’éco-pâturage. Nous avons accueilli trois chèvres, une brebis, deux moutons et deux canards. J’avoue qu’au départ j’étais sceptique. Nous avons donc basé leur participation sur le volontariat. Il fallait être sûr de leur adhésion. Pour l’éco-pâturage, tous les résidents y participent. Quant au jardinage, six jeunes y ont adhéré et ils se révèlent très engagés.
Ils sont multiples car il s’agit d’un puissant media. Certains de nos moutons sont difficiles, d’autres ont été maltraités. Nous expliquons donc qu’il faut créer avec eux un lien de confiance. Concernant le jardinage, chaque mineur dispose de son propre carré de trois mètres sur trois et doit l’entretenir. C’est bénéfique pour les adolescents qui rencontrent des problèmes relationnels, car le toucher est important et le jardin renvoie à l’enfance. En contact direct avec la nature, ils ont la sensation de ne plus être au centre éducatif fermé. Ce qui les anime le plus, c’est de semer une graine et de la voir pousser. Le jardin génère des compétences et des qualités comme les connaissances techniques, le développement de la motricité fine, la patience et le sens des responsabilités. Nous sentons qu’ils s’approprient les terrains qu’ils entretiennent. C’est parfois ce qui leur permet de tenir.
Ce sont des vecteurs de communication et de confiance immenses. Faire le lien avec la situation personnelle du mineur est facilité, d’autant plus que la rencontre n’est pas en face à face. Cela permet d’intégrer le fait que l’on récolte ce que l’on sème. Et le résultat de leur travail est visible. Les jeunes comprennent que pour arriver à un résultat satisfaisant, il y a des étapes et cela prend du temps. L’effet miroir fonctionne car ce n’est pas parce qu’une plante ou un légume pousse mal qu’on ne peut pas rattraper la situation avec des tuteurs. Ils intègrent aussi l’importance des racines et de la volonté. Ils peuvent donc reprendre confiance pour entreprendre une formation, par exemple. Les jardins permettent par ailleurs aux éducateurs de découvrir les adolescents d’une façon plus positive. Ils se transmettent leurs connaissances et chacun se nourrit de l’autre. C’est rassurant et cela signifie qu’ils ont des valeurs. Ils sont réhumanisés. Quand je vois un multirécidiviste de violence, braquage ou trafic de stupéfiants les mains dans la terre, ce n’est plus le même jeune.
Il renforce la socialisation. Les mineurs demandent constamment à voir développer leur production. Cela génère du lien intergénérationnel car trois retraités bénévoles interviennent pour partager leurs connaissances et les éducateurs accompagnent les mineurs au sein de jardins partagés. Pour trouver du matériel, ils prennent aussi des contacts externes. Et le jardinage offre des sujets de conversations lors des retours en famille. Le travail de la terre est un excellent moyen de valorisation qui coûte peu cher. Notre budget annuel est de 1 500 € pour le jardinage et de 900 € pour la gestion des animaux. Le financement provient du plan de lutte antiterroriste interne à la protection judiciaire de la jeunesse. Mais nous sommes vite dépassés, il nous faut à présent des experts supplémentaires.