NUMERISATION, DEMATERIALISATION DES CONTENUS, BONNES PRATIQUES… A l’instar d’autres secteurs, le travail social subit des transformations profondes face auxquelles les professionnels ont du mal à se retrouver. Quid de la formation des futurs travailleurs sociaux dans une approche de plus en plus quantifiable, « techniciste », voire « technoscientiste » du métier, où les protocoles doivent être opérationnels dans un temps de plus en plus court, où les financements sont de moins en moins pérennes, où la rentabilité prend le pas sur la dimension sociale et collective des accompagnements ? Une « marchandisation » du social dénoncée dans le dossier publié en juin dernier par la revue Vie sociale et traitements. Plusieurs spécialistes y remettent en cause le formatage à l’œuvre et le risque de standardisation de la pensée. Ils insistent tout particulièrement sur la nécessité d’apprendre aux étudiants à protéger l’essence de la profession, à savoir la prise en compte des temps longs d’élaboration, d’avancement, de transformation des personnes en souffrance. Un facteur essentiel de l’aide, mais difficilement compatible avec la logique gestionnaire et managériale qui imprègne les institutions, au risque de reléguer le travailleur social à un rôle d’exécutant. Ainsi Muriel Sacchelli, formatrice en travail social et psychologue clinicienne, parle-t-elle de « visions réductrices de l’humain ramenant l’homme à n’être qu’un individu volontaire, auto-entrepreneur de lui-même, programmable, reprogrammable lorsqu’il vient à faillir ». D’où l’importance de la capacité à penser du formateur et de sa faculté à introduire du sens dans ses enseignements. Le travail de groupe, ou en groupe, est également indispensable à l’apprentissage des métiers du social. Il permet de mieux cerner le sujet dans sa « psychologie des profondeurs » – comme la nomme Jean-Luc Marchal, formateur – et de favoriser la libération de la parole et l’humanisation des lieux de vie. Mais former des éducateurs, c’est aussi et surtout s’inscrire dans un projet politique à l’égard des publics les plus fragiles, afin qu’ils puissent accéder à une place dans la société. Ils ne peuvent y parvenir que si les intervenants sociaux les considèrent sous le prisme de leurs potentialités plutôt que de leurs difficultés. Un enjeu majeur dans un contexte socio-économique de renforcement des vulnérabilités.
« (Se) former au travail social » – Revue « Vie sociale et traitements » n° 146 – Ed. érès, 16 €.