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Le vécu d’hommes victimes dévoilé

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Des médecins spécialistes de l’unité médico-judiciaire de Toulouse ont réalisé une étude qualitative, à paraître à la rentrée, sur le vécu des hommes victimes de violences conjugales. Pour comprendre et identifier des mécanismes intimes différents de ceux subis par les femmes, et proposer une prise en charge adaptée.

Parmi les victimes de violences conjugales qui portent plainte, 10 % sont des hommes. Une population rarement étudiée, du fait des difficultés à recueillir leurs témoignages, excepté dans les unités médico-judiciaires (UMJ) qui accueillent, au sein des hôpitaux, les victimes à leur demande ou sur réquisition judiciaire, le plus souvent après le dépôt d’une plainte.

Ainsi, plusieurs entretiens ont été réalisés à l’UMJ de l’hôpital Rangueil de Toulouse, avec des hommes âgés de 25 à 50 ans, dont la relation avait duré en moyenne neuf ans. « Des théories ont été élaborées pour décrire les violences conjugales dont sont victimes les femmes, mais aucune n’a exploré scientifiquement les violences conjugales dont sont victimes les hommes », rappelle Edouard Bontoux, médecin légiste, co-auteur de l’étude(1).

Des violences psychologiques aux violences physiques

Premier constat : « Après un intervalle libre de quelques mois, voire quelques années, les hommes subissaient en premier lieu des violences psychologiques. Les violences physiques apparaissaient secondairement et marquaient le point culminant des violences. » Menace, rabaissement, dénigrement, opposition constante au conjoint, dans le but de l’humilier, ces violences visaient l’identité personnelle et masculine de la victime. Avec parfois l’utilisation par l’agresseur de son statut de femme pour se positionner comme victime devant les forces de l’ordre ou les proches. Aucun facteur déclenchant – comme souvent la première grossesse pour les femmes – n’a pu être identifié.

Les violences physiques, qui apparaissaient dans un second temps, se traduisaient par des coups, griffures, morsures et l’utilisation d’armes par destination.

Si, au début, les hommes n’identifiaient pas les premières agressions comme des violences et les minimisaient, sur le long terme, ils mettaient en place des stratégies – adaptation, évitement, dénégation, dissimulation – pour poursuivre la relation.

« Aucun homme ne nous a rapporté de violences économiques ni sexuelles, ajoute Edouard Bontoux. Au contraire, les hommes interrogés se réfugiaient souvent dans le travail, surinvestissant la sphère professionnelle, pour fuir la sphère privée. »

Pas de phase de justification ni de phase de lune de miel

La psychologue Lenore Walker a décrit, en 1979, le cycle de la violence subi par les femmes en quatre phases successives : la phase de tension, la phase d’agression, la phase de justification, et la phase de lune de miel – repentance de l’agresseur et espoir de la victime. La découverte majeure de cette étude est que l’on ne retrouve pas ce même schéma chez les hommes victimes : les phases de justification et de lune de miel n’existent pas, le climat de tension entrecoupé d’agressions est permanent.

Mais alors, pourquoi rester ? Le frein majeur évoqué par les hommes interrogés est la présence d’enfants, et la conviction qu’ils n’en obtiendraient pas la garde. Et aussi des sentiments persistants pour leur partenaire.

Face aux violences subies, la plupart des hommes interrogés n’ont jamais réagi physiquement, et ressentaient, selon les cas, un sentiment d’injustice, de colère, de peur, d’humiliation, de tristesse et d’impuissance, comme s’ils étaient « pris au piège » : « Ils pensaient que s’ils passaient à l’acte, la loi se retournerait contre eux et qu’ils ne seraient jamais considérés comme victimes. »

Le facteur déclenchant la séparation est la prise de conscience correspondant au dépassement du seuil de tolérance propre à chacun : « Les hommes se tournaient vers la justice pour se protéger, et poser un cadre légal en portant plainte, mais ne se sentaient pas crus ni entendus par les forces de l’ordre. »

Notes

(1) E. Bontoux, et al. « Vécu des hommes victimes de violences conjugales : étude qualitative au sein de l’unité médicojudiciaire de Toulouse » – La revue de médecine légale (2020).

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