« Clarification » et « simplification ». Voici les deux principes directeurs préconisés par la Cour des comptes pour revoir le pilotage à l’échelle nationale de la protection de l’enfance. Dans un référé adressé au Premier ministre, la doyenne des présidents des chambres de la Cour des comptes, Sophie Moati, met en lumière de nombreuses failles au sein de la politique menée par le gouvernement français à ce sujet.
Rendu public le 20 juillet, le document pointe tout d’abord une « surexposition médiatique » des différents aspects de la protection de l’enfance : exécution des décisions de justice, aide sociale à l’enfance, état des lieux et perspectives d’évolution du groupement d’intérêt public Enfance en danger (Giped)… Selon la juridiction, la multiplication des rapports parlementaires et d’instruction ainsi que des travaux, parfois inachevés, mettent « en forte tension l’ensemble des instances impliquées dans la protection de l’enfance, qui sont très régulièrement sollicitées ».
Autre point noir : le manque d’articulation entre les instances de pilotage à l’échelle du pays. Si la création du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) en 2016 était censée rendre plus fluide la gouvernance de cette politique, « quatre ans plus tard, la situation ne s’est pas améliorée, voire s’est aggravée », s’inquiète la Cour des comptes, qui recommande de « confier au Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) la fonction consultative exercée actuellement par le CNPE et [de] supprimer ce dernier ».
De manière générale, malgré une forte implication des différents acteurs, la juridiction estime qu’ils ne remplissent pas entièrement leur rôle. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS), par exemple, « ne bénéficie pas d’un poids suffisant pour assurer une forte mobilisation des autres directions ministérielles concernées par la protection de l’enfance, ni pour faciliter l’adoption d’une position unique de l’Etat dans le cadre des discussions interministérielles », détaille le référé. L’Observatoire national de la protection de l’enfance (Onpe), l’un des services du Giped, peine quant à lui à « assumer l’ensemble de ses missions, à savoir l’animation de la recherche, celle des réseaux départementaux et la production de données statistiques ».
Enfin, la Cour des comptes souligne l’importance de revoir la production et l’exploitation des données statistiques relatives à la protection de l’enfance. Actuellement, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) produit très peu d’études nouvelles en plus de ses deux enquêtes récurrentes (celle annuelle sur l’aide sociale des départements et celle quadriennale sur les établissements et services de la protection de l’enfance). « Elle ne peut le faire que de manière très ponctuelle, en relevant elle-même qu’une grande partie des données existantes ne sont pas exploitées, faute de moyens », explique la Cour des comptes.
Alors qu’il doit également produire des données sur les parcours des enfants protégés, l’Onpe rencontre lui aussi de grandes difficultés à accomplir sa mission. Pour simplifier l’ensemble du dispositif statistique, le référé préconise que la Drees se charge à elle seule de cette production de données. « Ce transfert devrait nécessairement s’accompagner d’un ajustement des moyens de la direction à la hauteur des enjeux », précise la Cour des comptes.