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Handicap : « Ne pas laisser passer l’occasion d’aller vite, de faire mieux »

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Les assouplissements permis par les ordonnances prises ce printemps, et l’agilité des professionnels et des associations ont permis des innovations qu’il convient de pérenniser. Pour accélérer la transformation du secteur et ainsi mieux accompagner les usagers des établissements et services médico-sociaux.

« La crise sanitaire que nous venons de traverser a permis de rappeler ce qui fait la richesse du modèle associatif : l’agilité et la résilience. Passée la sidération de l’annonce du confinement, les associations ont fait la démonstration de l’efficacité de leur gestion, de leur capacité à répondre à l’urgence, à transformer leurs pratiques et leurs organisations. La façon dont APF France handicap a géré cette crise est emblématique de cette agilité, et ce, dans toutes les dimensions de son action.

Nos 96 délégations, à l’assise départementale, ont suspendu leurs actions “dans les murs” et sont intervenues “hors les murs” pour soutenir les personnes en situation de handicap et leurs aidants directement à leur domicile. Ce soutien a pris plusieurs formes : une permanence téléphonique (22 000 personnes contactées durant le confinement), des actions solidaires de proximité (livraison de courses, pharmacie, etc.), des actions d’animation à distance pour prévenir l’isolement, un soutien dans l’accès aux droits… Ces actions, notre réseau les a bien souvent déployées en lien avec nos établissements et services médico-sociaux (ESMS), nos entreprises adaptées – très impliquées dans la production des équipements de protection individuelle (EPI) –, mais aussi avec nos partenaires, par mutualisation de nos ressources et de nos savoir-faire. Ainsi, près de 400 actions de coopération ont été mises en œuvre avec d’autres associations durant la période qui a suivi le 17 mars, notamment avec les centres communaux d’action sociale, la Croix-Rouge, Mona Lisa….

Bien que soumis à une réglementation très encadrée (notamment le code de l’action sociale et des familles et celui de la santé publique), nos 450 ESMS ont également fait la démonstration de leur capacité d’adaptation. Les exemples d’un fonctionnement en “mode crise” souple et soucieux de l’efficience des organisations, de la protection des personnes accueillies ainsi que du respect de leurs droits sont nombreux : mise à disposition de personnels entre structures, établissements projetant leurs prestations au domicile des personnes et de leurs aidants, développement d’une pratique professionnelle à distance… Cette agilité, il faut le noter, a été facilitée par les ordonnances prises par le gouvernement.

Les CPOM, un levier précieux

Avec une offre de services très diversifiée et déjà largement sous contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), APF France handicap occupe une place privilégiée qui permet, à l’heure du bilan, de proposer une première analyse des facteurs qui ont permis de soutenir le fonctionnement des ESMS pendant la crise et d’affirmer que plusieurs assouplissements devraient être entérinés, car ils ont permis de gagner de nombreux mois voire d’années, sur l’objectif de transformation de l’offre de services vers des modes d’accompagnement plus inclusifs.

Le CPOM – on le sait – est au cœur de la mutation que les ESMS connaissent depuis 2016. Cet outil, présenté comme le “point d’équilibre” entre la régulation financière et la validation négociée d’objectifs soutenables pour les gestionnaires, fait aujourd’hui l’objet d’un large consensus, même si son contenu reste souvent dépendant de financeurs encore marqués par l’“ancien dispositif” régalien. En ce sens, la crise du Covid-19 a permis de démontrer l’intérêt des CPOM. L’outil a fait la preuve de son efficacité sur le plan de la gestion, notamment pour mettre en œuvre et faciliter la solidarité interétablissements (mutualisation des équipes, achat d’équi­pements de protection individuelle…). Le financement en dotation globalisée des structures sous CPOM a par ailleurs été un levier essentiel pour prévenir les tensions de trésorerie.

Bien sûr, cela a un prix. Il faudra ainsi tirer les leçons de la crise et soutenir ces CPOM qui ont souvent vu leurs réserves dégradées par la crise, par exemple du fait de l’achat d’EPI pour compenser l’arrivée tardive des masques, gants, surblouses, visières, etc., restés à la seule charge des organismes gestionnaires. Ces réserves vont manquer et remettront inévitablement en question les objectifs initiaux des CPOM si les effets de la crise ne sont pas compensés. Sur cette question du point d’arrivée du CPOM, il faut que soit admis le fait qu’en 2020 les équipes n’ont matériellement pas la capacité ni le temps de travailler à la mise en œuvre de la totalité des objectifs CPOM.

Trois assouplissements permis par les ordonnances devraient être prolongées

Au-delà des dispositifs existants, l’ordonnance n° 2020-313 du 25 mars 2020 relative aux adaptations des règles d’organisation et de fonctionnement des ESMS a permis à ces derniers d’adapter leur fonctionnement et de dispenser des prestations non prévues dans leur acte d’autorisation.

Trois décisions ont eu des effets très positifs pour la gestion de crise et devraient, à mon sens, être prolongées au-delà de celle-ci. Tout d’abord, l’assouplissement des agréments et la capacité à accueillir au-delà des mentions prévues par l’arrêté d’autorisation a permis une “plasticité” accrue des pratiques et des organisations.

C’est l’un des enseignements les plus intéressants : la crise a permis de préfigurer la mise en œuvre de la nouvelle nomenclature des autorisations en réorientant un dispositif d’agrément à la place vers un autre “à la prestation”. Ainsi, avec la priorité apportée au domicile, les ESMS ont pu développer une activité externalisée (visites à domicile, accompagnement à distance). La dérogation à 16 ans pour l’accueil en dispositif adulte constitue également un progrès pour faciliter le passage progressif (notamment par le biais de stages et d’accueils temporaires) des dispositifs enfance-jeunesse vers le secteur adulte. Ensuite, l’assouplissement des zones d’intervention a été essentiel pour assurer une couverture géographique sécurisante, même si une généralisation nécessiterait un renforcement des structures pour pouvoir faire face à l’augmentation importante des frais de transport.

Enfin, comment ne pas évoquer l’assouplissement de l’admission en ESMS sans orientation des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ? La possibilité ouverte par l’ordonnance d’y déroger (souplesse jusqu’à présent réservée aux pôles de compétences et de prestations externalisées) a rendu possibles nombre d’accueils en urgence, et parfois pour accompagner des personnes Covid+. Ce levier de réponse aux situations complexes doit faire l’objet d’une analyse d’opportunité pour une éventuelle extension, au-delà de la crise, notamment pour l’accueil de jour ou l’hébergement temporaire.

Les ordonnances ne font pas tout…

Ces assouplissements ont été essentiels, on l’a dit. Mais ils n’ont produit des effets positifs que grâce à l’exigence professionnelle des équipes. Je pense ici aux professionnels amenés à travailler dans des contextes différents de leurs ESMS de rattachement, en termes de missions ou de publics : des professionnels de l’enfance dans le secteur adulte, d’autres de centres d’action médico-sociale précoce (Camsp) renforçant des structures sur des fonctions médicales-paramédicales, des auxiliaires de vie sociale “domicile” amenés à faire de la veille de nuit, des personnels mobilisés pour mettre en place un circuit logistique interne afin de fournir l’ensemble des 450 ESMS en masques et EPI.

La crise a donc permis d’assouplir le cadre de fonctionnement d’un dispositif très, trop, régalien. Elle a également été l’occasion d’expérimenter de nouvelles technologies et d’accélérer le virage numérique (télémédecine, communication à distance…). Il faut dé­sormais capitaliser sur ces acquis et ne surtout pas revenir en arrière. C’est une condition sine qua non pour soutenir l’innovation dans l’offre de services. Le moment est crucial : revenir en arrière, c’est retomber dans les mêmes travers, retrouver les mêmes freins. Bien sûr, il y aura des impacts : la démarche Serafin, l’Anap (Agence nationale d’appui à la performance), la HAS (Haute Autorité de santé) devront intégrer cette nouvelle donne dans l’économie des réformes en cours. Mais ne laissons pas passer l’occasion de gagner du temps, d’aller vite, de faire mieux pour les personnes en situation de handicap. Il est toujours demandé aux organismes gestionnaires – à juste raison – de faire mieux et plus. Nous avons une occasion unique de le faire, pour peu que les enseignements de cette crise soient pris en compte par les pouvoirs publics. »

Contact : Prosper.teboul@apf.asso.fr

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