La délégation du Secours catholique de Seine-Saint-Denis a accompagné 486 ménages supplémentaires pendant le confinement, elle qui en soutient d’habitude 686. Au Secours populaire, sur le plan national, les chiffres de croissance sont du même ordre : 45 % de nouveaux bénéficiaires ont été aidés. Les Restos du cœur avancent, eux, un accroissement de 20 % du nombre des personnes accueillies.
Au-delà des chiffres, qui soulignent la dureté de la crise sociale actuelle mais qui ne surprennent plus personne, le profil des publics précaires a évolué. Les associations ont dû réagir en conséquence et poursuivre leurs réflexions sur les changements internes et les modes d’accompagnement que ces nouveaux visages de la pauvreté induisent.
Jean Stellitano, secrétaire national du Secours populaire, a constaté le retour de personnes aidées qui avaient pu s’en sortir et sont retombées dans la précarité lors du confinement. Mais il a aussi observé l’arrivée de ces nouveaux publics : artisans, commerçant, seniors, auto-entrepreneurs, ou encore familles qui survivaient au moyen de petits boulots. Même constat de Camille Hugues, déléguée départementale de Seine-Saint-Denis du Secours catholique, qui ajoute que nombre d’étudiants, étrangers notamment, n’ont pu être aidés que tardivement, puisque difficilement connus. Ce qui pose un premier enjeu pour les bénévoles : celui du repérage de celles et ceux qui auraient besoin d’eux mais ne fréquentent pas les associations.
Les besoins en aide alimentaire ont été les plus criants, et l’ampleur du phénomène, allant parfois jusqu’à la privation de nourriture des parents au profit des enfants, a surpris. Autre demande régulièrement adressée, notamment au Secours populaire : le suivi scolaire des enfants.
Toutes les réponses n’ont pu être apportées à distance. Bénévoles et associations ont souvent dû se réinventer, et changer quelques-unes de leurs règles habituelles. Ainsi Bruno Dumas, responsable du pôle « bénévoles » aux Restos du cœur, raconte que les habituels barèmes ont été supprimés jusqu’en juin, ou qu’ils ont organisé des distributions en bas de certains hôtels. Surtout, ces nouveaux bénéficiaires ont dû être accompagnés autrement. Il a fallu trouver d’autres mots, et beaucoup les écouter : « Ils avaient besoin de parler, explique Camille Hugues. Souvent, ils pleuraient. C’était difficile pour eux de demander de l’aide, et généralement, quand ils le faisaient, c’est que ça allait mal déjà depuis longtemps… »
Et pour longtemps ? Le nombre des demandes ne baisse pas encore, en tout cas. Et certaines associations prévoient même de fortes augmentations des sollicitations à la rentrée, inégalement réparties sur le territoire national. « On ne sait pas comment on va en sortir, prévient Camille Hugues. Les familles sont hyper précarisées, les enfants déscolarisés… »
Trop tôt, donc, pour dire si les personnes aidées cette année deviendront, comme d’autres avant elles, de nouveaux bénévoles des associations qui les ont elles-mêmes soutenues dans les moments difficiles. Le temps de la résilience n’est pas encore venu, mais les associations s’y préparent déjà, en réfléchissant, par exemple, à proposer des possibilités d’intervention pour leurs bénévoles en soirée et le week-end, pour permettre, un travail repris ou retrouvé, de continuer de donner de son temps aux autres.