Au sein des entreprises et des associations, il existe une diversité de salariés qui se distinguent en fonction de leur sexe, de leur âge, de leur poste de travail ou encore de leur type de contrat de travail. L’employeur doit veiller à respecter les particularités propres à chaque salarié lorsqu’il prend des décisions pour ne créer aucune discrimination ou différence de traitement qui ne serait pas justifiée.
Pour comprendre les différentes obligations incombant à l’employeur, il convient de distinguer le principe de non-discrimination et le principe d’égalité de traitement. Si l’un et l’autre visent à prohiber les différences de traitement injustifiées, ces deux principes ne disposent pas des mêmes fondements et ne recouvrent pas le même régime juridique.
De manière générale, la discrimination s’entend comme toute distinction entre différentes personnes reposant sur un critère illégitime et prohibé par les textes juridiques. En droit du travail, un principe général d’interdiction des discriminations est fixé à l’article L. 1132-1 du code du travail. Ce principe vise à protéger les salariés de la structure, mais également les candidats à l’embauche ou encore les stagiaires. En outre, le code du travail fait également la synthèse des différents critères illégitimes et détermine le régime applicable lorsqu’un individu s’estime victime d’une discrimination.
Le législateur a recensé des critères de distinction prohibés en droit du travail. Il est possible de les classer en plusieurs catégories : critères de nature sexuelle, religieuse ou politique et professionnelle.
L’article L. 1132-1 du code du travail prohibe toute discrimination fondée sur le sexe de l’individu. Cette interdiction s’applique tout d’abord aux procédures de recrutement ou de nomination. Un recruteur ne peut faire figurer dans une offre d’emploi le sexe de la personne recherchée quels que soient les caractères du contrat de travail proposé (C. trav., art. L. 1142-1). Ainsi, l’existence d’un questionnaire hommes et d’un questionnaire femmes lors de l’embauche suffit à caractériser une discrimination (tribunal correctionnel de Paris, 13 mars 1991).
De même, l’employeur ne peut refuser d’embaucher un candidat en utilisant comme motif son sexe, sa situation de famille ou son état de grossesse (code du travail [C. trav.], art. L. 1142-1 et L. 1225-1). Par exemple, un employeur qui refuse de conclure un contrat de travail avec une candidate sur le fondement des éventuelles conséquences dommageables pour lui d’engager une femme enceinte viole le principe d’égalité de traitement, même si aucun candidat de sexe masculin ne s’est présenté à l’embauche (Cour de justice des Communautés européennes [CJCE], 8 novembre 1990).
Toutefois, de façon dérogatoire, le code du travail fixe une liste succincte d’activités professionnelles pour l’exercice desquelles l’appartenance à l’un ou l’autre sexe est une condition déterminante : les artistes sollicités pour interpréter soit un rôle masculin, soit un rôle féminin, les modèles féminins et masculins et les mannequins destinés à présenter des vêtements et des accessoires (C. trav., art. R. 1142-1).
De surcroît, il est interdit d’utiliser comme critère le sexe, la grossesse ou la situation de famille du salarié en matière de rémunération, de formation, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation (C. trav., art. L. 1142-1). Ainsi, un employeur qui envisage de donner une promotion à une salariée ne peut pas ensuite refuser de la verser en raison de la survenance d’un congé maternité (Cass. soc., 16 décembre 2008, n° 06-45262). En revanche, l’employeur n’est pas tenu de verser une prime ou un bonus à une salariée pendant son congé maternité dès lors que cette prime est « expressément subordonnée à la participation active et effective des salariés aux activités de transfert et de formation continue […] et que cette prime, répondant à des critères de fixation et d’attribution objectifs, mesurables et licites, était destinée à rémunérer l’activité spécifique d’accompagnement du transfert et à récompenser le service rendu à ce titre » (Cass. soc., 19 septembre 2018, n° 17-11618).
En outre, le code du travail prohibe également toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre du salarié (C. trav., art. L. 1132-1). A titre d’exemple, « l’entrave dans le déroulement de la carrière du salarié et l’ambiance homophobe du lieu de travail sont de nature à laisser présumer une discrimination en raison de l’orientation sexuelle » (Cass. soc., 24 avril 2013, n° 11-15204). De plus, la Cour de justice de l’Union européenne (ex-CJCE) considère que constitue une discrimination fondée sur le sexe, le licenciement d’un salarié qui vient d’annoncer à son employeur sa transidentité (CJCE, 30 avril 1996, n° C-13/94).
L’article L. 1132-1 du code du travail protège les salariés de toute discrimination qui serait fondée sur leurs opinions politiques ou sur l’exercice d’un mandat électif local. Ce dernier critère a été ajouté à la liste du code du travail par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et la proximité de l’action publique. En conséquence, il serait par exemple prohibé de refuser d’embaucher un candidat en raison de son mandat de conseiller municipal. Dans le même sens, la cour d’appel de Metz avait jugé illicite le licenciement d’une salariée qui travaillait dans une association d’aide aux étrangers en raison de son inscription sur une liste électorale d’extrême droite (CA Metz, 11 septembre 1990).
De surcroît, l’employeur ne peut se servir des convictions religieuses d’un salarié pour prendre des décisions en matière de recrutement, de formation, de salaire ou encore de licenciement (C. trav., art. L. 1132-1). La Cour de cassation a ainsi retenu qu’un salarié de la RATP pouvait, sans commettre de faute, proposer une formule différente en conformité avec sa religion chrétienne en lieu et place des termes du serment demandé (Cass. soc., 1er février 2017, n° 16-10459). En revanche, l’employeur ne commet pas de faute et peut prendre une sanction à l’égard d’un salarié qui refuse d’exécuter des activités en raison de ses convictions religieuses (voir notamment Cass. soc., 24 mars 1998, n° 95-44738).
L’article L. 2141-5 du code du travail prohibe toute forme de discrimination fondée sur l’appartenance syndicale ou l’exercice d’une activité syndicale. L’interdiction porte sur les mesures prises en matière de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, de rémunération ou encore de discipline.
En ce sens, la Cour de cassation retient que le salarié justifie de l’existence d’une discrimination lorsqu’il démontre que son coefficient n’a pas évolué depuis sa désignation en tant que délégué syndical alors qu’il est le seul de sa catégorie dans cette situation et qu’il résulte de ses fiches d’évaluation qu’il a été pénalisé en raison de son mandat (Cass. soc., 30 avril 2009, n° 06-45939). De même, la mention sur les fiches d’évaluation d’une disponibilité réduite en raison d’un mandat syndical laisse supposer l’existence d’une discrimination (Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10-16655).
A noter : Le code du travail fixe des mesures en vue de protéger les salariés dont le nombre d’heures de délégation est important. Ainsi, lorsque le crédit d’heures dépasse 30 % de la durée du travail fixée dans le contrat de travail, les salariés doivent bénéficier d’une évolution de rémunération « au moins égale, sur l’ensemble de la durée de leur mandat, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable ou, à défaut de tels salariés, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l’entreprise » (C. trav., art. L. 2141-5-1).
Le législateur sanctionne toute discrimination qui serait fondée sur l’état de santé, la perte d’autonomie ou le handicap (C. trav., art. L. 1132-1).
A titre d’illustration, la Cour de cassation a retenu l’existence d’une discrimination en raison de l’état de santé de la salariée après avoir relevé que la proposition de modification du contrat de travail intervenait après deux arrêts de 15 jours prescrits dans le cadre de tentatives de fécondation in vitro et après que la salariée a annoncé à son employeur qu’elle serait de nouveau absente pour ces mêmes motifs quelques mois plus tard (Cass. soc., 28 juin 2018, n° 16-28511). Dans un autre cas, la Haute Juridiction a estimé que le retard de carrière justifié par les absences pour maladie constitue une discrimination en raison de l’état de santé du salarié (Cass. soc., 28 janvier 2010, n° 08-44486).
Tout candidat à un poste ou tout salarié traité de façon différente par rapport à un autre, alors qu’il se trouve dans une situation comparable, sur le fondement d’un critère interdit, sans que cela ne soit justifié, peut invoquer une discrimination. Conformément à l’article L. 1134-1 du code du travail, il lui incombe tout d’abord de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Ensuite, compte tenu des éléments apportés, l’employeur doit prouver que la décision prise est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. L’appréciation de la réalité de la discrimination relève de la compétence des juges du fond qui peuvent, au besoin, ordonner toutes les mesures d’instruction utiles.
La Cour de cassation a considéré que la chronologie des événements pouvait permettre de supposer l’existence d’une discrimination (voir Cass. soc., 28 juin 2018, n° 16-28511). En outre, elle a admis que le salarié qui invoquait une discrimination pouvait fournir, au titre des éléments de fait, le rapport de l’inspection du travail, peu important que cette dernière soit intervenue sur la demande du salarié (Cass. soc., 15 janvier 2014, n° 12-27261). En revanche, la Haute Juridiction a refusé de retenir comme élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination « le simple recrutement d’un autre salarié au poste auquel le salarié s’était porté candidat » (Cass. soc., 3 juillet 2012, n° 11-11059).
L’article L. 1132-4 du code du travail précise que toute disposition ou tout acte pris à l’encontre d’un salarié en méconnaissance du principe de non-discrimination est nul. Cet article n’est applicable qu’aux seuls salariés et ne peut être invoqué par des candidats à l’embauche qui s’estimeraient victimes de discrimination. Ces derniers pourront toutefois demander réparation du préjudice qu’ils auraient subi.
En revanche, la Cour de cassation a estimé que « l’employeur, tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, notamment en matière de discrimination, doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés » (Cass. soc., 30 janvier 2019, n° 17-28905).
En vertu de l’article 225-2 du code pénal, toute discrimination est punie de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
De surcroît, lorsque la mesure annulée par le juge est un licenciement, le salarié a la possibilité de demander sa réintégration dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent (voir notamment Cass. soc., 30 avril 2003, n° 00-44811). Dans cette hypothèse, l’employeur ne peut pas s’opposer au choix du salarié et doit indemniser le préjudice que ce dernier a subi. En effet, la Haute Juridiction considère que le salarié a droit au paiement d’une indemnité en vue d’assurer la réparation de la totalité du préjudice subi « dans la limite du montant des salaires dont il a été privé » (voir notamment Cass. soc., 3 juillet 2003, n° 01-44.717). En revanche, si le salarié ne souhaite pas être réintégré dans son poste de travail, le juge lui octroie une indemnité d’un montant minimal de 6 mois de salaire (C. trav., art. L. 1235-3-1). De plus, si le salarié remplit les conditions, il a également droit à l’indemnité de licenciement et aux indemnités compensatrices de préavis et de congés payés.
Par ailleurs, si la mesure discriminatoire annulée par le juge n’est pas un licenciement, le salarié doit être rétabli dans ses droits. Le juge peut également décider d’octroyer des dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi. Par exemple, si le salarié n’a pas pu prétendre à une prime ou à une promotion, l’employeur doit les lui accorder.
L’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pose un principe fondamental d’égalité entre les individus. Ce principe général est repris en droit du travail, et oblige les employeurs à assurer une égalité de traitement entre tous les salariés. Néanmoins, les droits des personnes et les libertés individuelles et collectives peuvent subir des restrictions à condition qu’elles soient justifiées et proportionnées (C. trav., art. L. 1121-1).
Le code du travail ne pose pas de façon générale le principe de l’égalité de traitement. Cependant, certains articles appliquent le principe d’égalité à des situations particulières. En ce sens, l’article L. 3221-2 du code du travail fixe le principe d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes pour un même travail ou pour un travail de valeur égale. De surcroît, l’article L. 3123-5 du code du travail pose le principe d’égalité de traitement entre les salariés à temps partiel et les salariés à temps plein.
A noter : Il convient d’insérer une clause sur l’égalité de traitement entre les salariés à temps partiel et ceux à temps plein dans les contrats de travail des salariés à temps partiel (voir modèle page ??).
Le champ d’application du principe d’égalité est très étendu puisqu’il concerne tout avantage octroyé par l’entreprise ou l’association à ses salariés. Néanmoins, en pratique, il est très souvent utilisé en matière de rémunération.
A noter : La Cour de cassation entend le terme de rémunération au sens large, comprenant à la fois le salaire de base et les accessoires. Le principe d’égalité de traitement s’applique aux primes exceptionnelles (Cass. soc., 5 juin 2001, n° 99-42772) ou encore aux titres-restaurants (Cass. soc., 20 février 2008, n° 05-45601).
L’application du principe d’égalité de traitement nécessite que les salariés comparés soient placés dans une situation identique : même entreprise et même travail ou travail de valeur égale. En ce sens, l’article L. 3221-4 du code du travail précise que : « Sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse. » En conséquence, il n’est pas nécessaire que les salariés occupent les mêmes fonctions pour effectuer une comparaison de leur situation.
Par exemple, la Cour de cassation a retenu que la responsable des ressources humaines, membre du comité de direction, exerçait un travail de valeur égale à celui de ses collègues masculins, directeurs administratifs et financiers, également membres du comité de direction avec lesquels elle se comparaît puisqu’il existait une identité de niveau hiérarchique, de classification, de responsabilités, de charge nerveuse ainsi qu’une importance comparable dans le fonctionnement de l’entreprise (Cass. soc., 6 juillet 2010, n° 09-40021).
De jurisprudence constante, la Cour de cassation retient que, sur le fondement des dispositions du code civil, il incombe au salarié qui invoque une inégalité de traitement de transmettre au juge des éléments de fait permettant de la caractériser. Ensuite, une fois que suffisamment d’éléments de fait permettent de laisser supposer l’existence d’une atteinte au principe d’égalité, l’employeur est tenu de se justifier et de rapporter la preuve qu’il a eu recourt à des éléments objectifs dans sa prise de décision (voir notamment Cass. soc., 13 janvier 2004, n° 01-46407).
A noter : Au soutien de ses prétentions, le salarié a la possibilité de demander au juge d’ordonner la production de documents détenus par des tiers. Dans l’hypothèse où le tiers refuserait de transmettre les éléments de preuve, le juge pourrait ensuite en tirer les conséquences qui s’imposent (voir notamment Cass. soc., 12 juin 2013, n° 11-14458).
Certaines différences de traitement sont prévues par décision unilatérale de l’employeur mais d’autres le sont par accord collectif. Par plusieurs arrêts rendus le 27 janvier 2015, la Cour de cassation a reconnu que les différences de traitement entre catégories professionnelles résultant de conventions ou d’accords collectifs sont présumées justifiées. En effet, elle retient que ces textes sont négociés et conclus par des organisations syndicales représentatives « investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote » (Cass. soc., 27 janvier 2015, nos 13-22179, 13-25437, 13-23818, et 13.14773).
En 2016, la Cour de cassation a étendu la présomption de justification aux différences de traitement établies par voie de convention ou d’accords collectifs entre salariés exerçant des fonctions distinctes au sein d’une même catégorie professionnelle (Cass. soc., 8 juin 2016, nos 15-11324, 15-11982 et 15-12014).
Par la suite, elle s’est de nouveau prononcée à plusieurs reprises et a retenu l’existence d’une présomption de justification pour les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts opérées par voie d’accord d’établissement (Cass. soc., 3 novembre 2016, n° 15-18444), par voie d’accord d’entreprise (Cass. soc., 4 octobre 2017, n° 16-17517) ou encore par voie d’accord collectif (Cass. soc., 30 mai 2018, n° 17-12925).
A noter : Les présomptions établies par la Cour de cassation sont des présomptions simples. Ainsi, lorsqu’une différence de traitement relève d’un accord ou d’une convention collective et qu’elle dispose d’une présomption, la charge de la preuve est inversée, et il appartient au salarié de démontrer qu’elle est « étrangère à toute considération de nature professionnelle ». Si le salarié ne parvient pas à renverser cette présomption en démontrant l’inexistence de considération de nature professionnelle, il ne pourra pas demander réparation de la différence de traitement puisqu’elle sera considérée comme justifiée.
Au fil de sa jurisprudence, la Cour de cassation est également venue poser des limites aux présomptions de différence de traitement. Elle a ainsi indiqué qu’une reconnaissance de présomption générale de justification de toutes différences de traitement entre les salariés par voie de conventions ou d’accords collectifs serait contraire au droit de l’Union européenne dans les domaines où celui-ci est mis en œuvre (Cass. soc., 3 avril 2019, n° 17-11970). En conséquence, il convient d’établir une distinction entre les différences de traitement opérées dans des domaines relevant du droit de l’Union et les autres. Par ailleurs, plus récemment, la Cour de cassation a également refusé de reconnaître une présomption de justification dès lors que la différence de traitement repose sur un motif discriminatoire (Cass. soc., 9 octobre 2019, n° 17-16642).
Les différences de traitement peuvent être légitimes lorsqu’elles reposent sur des raisons objectives. Le rôle des juridictions est de contrôler la réalité et la pertinence des éléments apportés par l’employeur pour justifier sa décision.
En premier lieu, l’employeur peut se fonder sur la qualité de travail du salarié pour justifier les mesures prises. Toutefois, l’employeur devra disposer d’éléments objectifs permettant de caractériser la différence de qualité de travail entre les salariés.
La Cour de cassation a ainsi estimé qu’il n’y avait pas de différence de traitement entre une salariée promue technicien principal puis cadre qui maîtrisait le processus achat et une autre qui ne le maîtrisait pas et dont les évaluations établissaient, de façon objective, « une différence de qualité de travail » (Cass. soc., 28 juin 2017, n° 16-12620).
A l’inverse, la Cour a considéré que l’employeur n’avait pas apporté suffisamment d’éléments en se référant à des critiques relatives à la susceptibilité excessive d’un salarié à l’égard de sa hiérarchie et aux difficultés de travailler en équipe, formulées peu de temps avant la saisine de la juridiction par ce salarié, alors que les entretiens d’évaluation recensaient des appréciations positives sur la qualité de son travail (Cass. soc., 20 février 2008, n° 06-40085).
L’employeur peut également utiliser la classification cadre ou non cadre des salariés pour démontrer qu’il n’existe pas d’inégalité de traitement. Cependant, ce critère est valable uniquement « dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération » (voir notamment Cass. soc., 8 juin 2011, n° 10-11933). Tel est le cas notamment d’une prime de treizième mois versées seulement aux cadres (Cass. soc., 26 septembre 2018, n° 17-15101). Les juges ont estimé que la prime n’avait pas d’objet spécifique étranger au travail accompli et qu’elle n’était pas destinée à compenser une sujétion particulière. Elle constituait ainsi une partie de la rémunération versée aux cadres en contrepartie de leur activité professionnelle et justifiait l’existence d’une différence de traitement puisque les salariés cadres et non cadres ne sont pas placés dans une situation identique.
En outre, la Cour de cassation reconnaît que l’employeur peut se justifier en invoquant l’ancienneté et l’expérience acquise par les salariés dans la structure (voir notamment Cass. soc., 17 mars 2010, n° 08-43135). Néanmoins, la différence d’ancienneté entre deux salariés ne peut fonder une inégalité de rémunération alors que l’ancienneté est prise en compte et rémunérée séparément du salaire de base par une prime (voir notamment Cass. soc., 29 octobre 1996, n° 92-43680).
A noter : La Haute Juridiction a également validé une différence de traitement établie par engagement unilatéral entre des salariés relevant d’établissements différents et exerçant un travail égal ou de valeur égale. En vue de fonder sa décision, l’employeur se référait à la disparité du coût de la vie entre les deux secteurs géographiques (Ile-de-France et Douai) dans lesquels se trouvaient les différents établissements (Cass. soc., 14 septembre 2016, n° 15-11386).
En revanche, on attira l’attention des employeurs qui souhaitent utiliser comme motif les diplômes ou les formations obtenus par les salariés. En effet, la Cour de cassation rappelle très régulièrement que des diplômes différents de niveau équivalent ne peuvent permettre de fonder une différence de traitement entre des salariés exerçant des fonctions identiques. Toutefois, elle admet une exception « s’il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée » (voir notamment Cass. soc., 16 décembre 2008, n° 07-42107).
Une discrimination est dite « positive » lorsqu’elle est prise en vue de favoriser une catégorie de personnes placées dans une situation de fait défavorable.
A titre d’illustration, le législateur précise qu’il est possible de prévoir des dispositifs particuliers au seul bénéfice des femmes afin d’établir l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes (C. trav., art. L. 1142-4). Ces mesures temporaires peuvent être mises en place par disposition réglementaire ou par accord collectif étendu.
De surcroît, la Cour de cassation admet également le recours aux accords d’entreprise. A ce titre, elle a retenu qu’« un accord collectif peut prévoir au seul bénéfice des salariés de sexe féminin une demi-journée de repos à l’occasion de la journée internationale pour le droit des femmes, dès lors que cette mesure vise à établir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes » (Cass. soc., 12 juillet 2017, n° 15-26262).
De manière générale, le législateur tend à assurer une meilleure inclusion des personnes en situation de handicap dans les entreprises et les associations.
Toute structure dont l’effectif est au moins égal à 20 salariés doit employer des travailleurs handicapés dans la proportion minimale de 6 % de l’effectif total de ses salariés (C. trav., art. L. 5212-1 et s.). Pour précision, le nombre de bénéficiaires de l’obligation d’emploi déterminé doit être arrondi à l’entier inférieur (C. trav., art. D. 5212-2).
De surcroît, le comité social et économique joue un rôle essentiel dans l’inclusion des travailleurs en situation de handicap. En effet, il doit être consulté sur « les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le maintien au travail […] des travailleurs handicapés » (C. trav., art. L. 2312-8). Sur ce point, la Cour de cassation a précisé très récemment que la législation n’imposait pas à l’employeur de consulter les instances représentatives du personnel sur le cas individuel de chaque travailleur handicapé (Cass. soc., 5 juin 2019, n° 18-12861).
Ces mécanismes mis en œuvre à l’échelle de l’entreprise s’inscrivent dans un cadre bien plus large et tendent vers une société plus inclusive.
Conformément à l’article L. 1321-2-1 du code du travail : « Le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché. »
Les juridictions nationales et européennes ont été saisies de nombreux litiges dans ce domaine au cours des dernières années. Ainsi l’employeur est en droit d’apporter des restrictions à la liberté religieuse des salariés dans l’entreprise ou dans l’association. Toutefois, il doit respecter certaines conditions.
L’employeur doit prévoir une clause de neutralité dans le règlement intérieur ou dans une note de service valant adjonction au règlement intérieur. La validité de cette clause repose sur la réunion de plusieurs critères :
• restrictions justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de la structure ;
• restrictions proportionnées au but recherché ;
• restrictions générales et indifférenciées en fonction des convictions relieuses, politiques ou philosophiques (voir notamment CJUE, 14 mars 2017, C-157/15) ;
• restrictions qui visent uniquement les salariés en contact avec la clientèle (voir notamment Cass. soc., 22 novembre 2017, n° 13-19855).
A noter : Les juges du fond effectuent une appréciation in concreto de la clause de neutralité, c’est-à-dire qu’ils prennent en compte la taille de la structure, l’objet de l’activité ou encore le contenu de la clause.
La clause de neutralité s’impose aux salariés. A défaut, l’employeur peut prendre des sanctions disciplinaires. Avant d’envisager ce type de sanction, on conseillera aux employeurs de faire, dans un premier temps, un rappel à l’ordre afin de laisser la possibilité au salarié de se conformer aux dispositions du règlement intérieur. Ce n’est que dans un second temps qu’il sera envisageable de prononcer une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. Toutefois, avant de procéder à un licenciement pour motif personnel, il incombera à l’employeur de proposer au salarié un autre poste n’impliquant pas de contact visuel avec les clients (Cass. soc., 22 novembre 2017, n° 13-19855).
A noter : Les entreprises de tendance peuvent déroger au principe de non-discrimination sous réserve d’un contrôle du juge, et à condition que les exigences demandées soient essentielles et légitimes compte tenu de la nature de l’activité professionnelle du salarié (CJUE, 17 avril 2018, n° C-414/16).
Dans les entreprises ou associations dotées d’une ou de plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur doit engager au moins une fois tous les 4 ans « une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération » (C. trav., art. L. 2242-1).
A noter : Sont concernées les structures de plus de 50 salariés qui disposent d’au moins un délégué syndical et celles de moins de 50 salariés dotées d’un membre élu du comité social et économique (CSE) désigné en qualité de délégué syndical au titre de l’article L. 2143-6 du code du travail.
Les entreprises et associations peuvent conclure avec le ou les délégués syndicaux un accord de méthode permettant de fixer les thèmes de négociation et leur périodicité – à condition que la négociation sur l’égalité professionnelle intervienne au minimum tous les 4 ans –, le contenu, le calendrier, les informations transmises aux négociateurs ainsi que les modalités de suivi (C. trav., art. L. 2242-11).
A défaut d’accord de méthode, la négociation sur l’égalité professionnelle doit s’engager tous les ans (C. trav., art. L. 2242-13) et porter notamment sur (C. trav., art. L. 2242-17) :
• l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle ;
• les objectifs et les mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle femmes-hommes, notamment en matière de rémunération, d’accès à l’emploi, de formation professionnelle, de déroulement de carrière et de promotion, de conditions de travail et d’emploi, en particulier pour les salariés à temps partiel, et de mixité des emplois ;
• les mesures permettant de lutter contre toute discrimination en matière de recrutement, d’emploi et d’accès à la formation professionnelle.
De surcroît, l’accord doit également fixer les domaines d’action, les objectifs de progression et les actions permettant de les atteindre (C. trav., art. R. 2242-2). A défaut de fixation par accord, ces mesures doivent être prévues par un plan d’action établi par l’employeur unilatéralement (C. trav., art. L. 2242-3). Si ces mesures ne sont pas fixées par accord ou unilatéralement, la structure s’expose à une pénalité financière (1 % des rémunérations et gains versés au cours des périodes au titre desquelles la structure ne dispose pas d’un accord ou d’un plan unilatéral) (C. trav., art. L. 2242-8).
A noter : Dans les structures d’au moins 50 salariés, l’employeur doit publier chaque année, au plus tard le 1er mars, des indicateurs sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et sur les actions mises en œuvre pour les supprimer (C. trav., art. L. 1142-8 et D. 1142-4).
Si les écarts de rémunération excèdent certains niveaux fixés par le code du travail, la négociation relative à l’égalité professionnelle devra prévoir des dispositifs pour corriger et rattraper les écarts de salaire sous peine de pénalités financières.
A noter : Le CSE doit être associé au respect du principe d’égalité de traitement entre les femmes et les hommes. En vertu de l’article L. 2312-17 du code du travail, il est consulté sur la politique sociale de l’entreprise ou de l’association, les conditions de travail et d’emploi. Un accord d’entreprise peut fixer le contenu, la périodicité et les modalités de cette consultation (C. trav., art. L. 2312-19). A défaut d’accord, la consultation annuelle porte notamment sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (C. trav., art. L. 2312-26).
• MODÈLE DE CLAUSE À INSÉRER DANS LES CONTRATS DE TRAVAIL À TEMPS PARTIEL
Article X – Egalité de traitement avec les salariés à temps plein et priorité d’affectation à un travail à temps complet
Le salarié bénéficie de tous droits et avantages reconnus aux salariés à temps complet travaillant pour l’employeur, au prorata de son temps de travail.
L’employeur garantit aux salariés à temps partiel un traitement équivalent à celui des salariés à temps complet, en ce qui concerne les possibilités de promotion, de déroulement de carrière et d’accès à la formation.
Les salariés à temps partiel bénéficient d’une priorité d’affectation aux emplois à temps complet ressortissant de leur qualification professionnelle qui seraient créés ou qui deviendraient vacants dans les conditions légales en vigueur.